Un coup de pouce de Marine Le Pen, et tous les espoirs sont permis. C’est la réflexion d’un ministre ce mercredi matin autour d’un café et de croissants. « La politique m’a appris à ne jamais être définitif », glisse-t-il, refusant toujours de parler de Michel Barnier au passé. Quelques heures plus tard, un député de la Droite Républicaine (DR) tente sa chance. Il décide d’envoyer un SMS à Michel Barnier pour l’inciter à renoncer à l’indexation des retraites, dernière ligne rouge du Rassemblement national. La stabilité parlementaire est à ce prix. « La raison l’emportera-t-elle sur le sens de l’honneur ? Se demande-t-il. Il doit aller jusqu’au bout pour assurer la continuité de l’État.
Quelques heures avant le vote de la motion de censure, les couloirs grouillaient de combinaisons picrocholines. Ils sont une poignée à être convaincus que Marine Le Pen peut changer d’avis dans le - additionnel : ce ne serait pas son coup d’essai. Michel Barnier n’a finalement rien lâché… Et en a payé le prix. 331 députés ont décidé d’adopter la motion de censure déposée par le Nouveau Front Populaire. Le plus éphémère Premier ministre de la Ve République (89 jours à Matignon) a quitté l’Assemblée sous de maigres applaudissements, désormais contraint de remettre sa démission au président de la République. Ce résultat était attendu. La journée a apporté son lot de surprises.
A LIRE AUSSI : Peur, ego ou calendrier légal ? Marine Le Pen, les raisons de la censure
“Il semble que Ciotti ne vote pas pour”
Toute rumeur est bonne à prendre, ce mercredi matin. Dernière en date, largement relayée dans les rangs de la droite : Eric Ciotti hésiterait à voter la censure. Ses anciens camarades ont tenté de faire changer d’avis l’actuel partisan de Le Pen, en lui rappelant ses belles années, où il était encore un champion de la responsabilité et un défenseur des institutions. Etait-il sensible à leur charme ? Des SMS avec certains de ses proches circulent encore avant l’entrée dans l’hémicycle. “Il semble que Ciotti ne vote pas pour.” Depuis le début de la semaine, la base commune croit également pouvoir profiter des frictions au sein du Nouveau Front populaire. Voilà les ministres, matin après matin, qui appellent les socialistes – parfois même les écologistes – à faire preuve de sens des responsabilités. Il n’a échappé à personne, et certainement pas à Matignon, qu’une demi-douzaine de socialistes avaient refusé de signer la motion de censure. Mais attention aux avis intellectuels : seule Sophie Pantel, députée PS de Lozère, s’est engagée à ne pas faire tomber le gouvernement.
La gauche est au centre des discussions ce mercredi matin. Sacha Houlié s’entretient avec un député Liot : « Il faut nommer Raphaël Glucksmann à Matignon », lui dit-il. Rire fou de l’interlocuteur… La gauche, il faut le dire, regorge de projets sur la comète. “Qui attends-tu?” La haie d’honneur des journalistes, rassemblée à l’entrée du Palais Bourbon, reste silencieuse face au mot d’esprit de l’ex-Insoumis, Hendrik Davi. Jean-Luc Mélenchon devrait arriver d’une minute à l’autre – il est 13 heures – mais il attend. « Il veut juste qu’on se botte les fesses, c’est sa petite victoire du jour », crie-t-on dans la foule. Le voilà au loin, quelques secondes plus tard, entouré de Louis Boyard, Mathilde Panot et d’une poignée de ses plus fidèles lieutenants. L’intéressé reste silencieux, malgré les micros tendus et les questions à la volée. « Non, non ! Il n’est pas autorisé à répondre”, a prévenu le responsable des relations presse du groupe LFI. Il est un peu plus de 13 heures et le candidat à une éventuelle élection présidentielle anticipée serait simplement venu « profiter du moment ». Ravi d’être sous une nuée de caméras, faisant démentir Michel Barnier qui, la veille sur France 2 et TF1, assurait avoir eu « la plume » du texte de la motion de censure du NFP.
A LIRE AUSSI : Michel Barnier et la menace de la censure : jusqu’au bout, ambivalence envers le RN
L’hémicycle nage-t-il dans le déni total, à 14 heures ? « Avec Bruno Retailleau, soyez assurés que nous ferons tout notre possible pour assurer la sécurité à l’école », rassure la ministre de l’Éducation Anne Genetet, après une question d’un député. Ian Boucard, parlementaire RD, est furieux : “On assiste à des QAG irréels, où des députés d’extrême droite et de gauche réclament des solutions à un gouvernement qu’ils veulent renverser !”
“En fin de compte, ce sera entre eux et nous”
Le patriarche insoumis a pris place dans les tribunes – au premier rang – aux côtés de l’ancienne députée de La Gauche, Martine Billard. Il est 16 heures et, le doigt sur la bouche, il regarde fièrement Eric Coquerel, choisi pour tenir le crachoir de la motion de censure du NFP – un lieutenant qui raille « l’illégitimité absolue face au suffrage universel » du gouvernement et appelle à ouvrir « la promesse de l’aube après le crépuscule ». Jean-Luc Mélenchon regarde ensuite Marine Le Pen, celle qui, selon son discours de motion de censure, vise Emmanuel Macron – « s’il décide de rester » – « obligée de constater qu’il est le président d’une République qui n’est pas plus tout à fait, par sa faute, la Cinquième ». Jean-Luc Mélenchon quitte l’hémicycle ; quelques députés insoumis l’imitent tandis que Boris Vallaud monte sur le podium. « Vous savez, de toute façon, au final, ce sera entre elle et nous », textoise un proche du partisan d’une élection présidentielle anticipée. Les Insoumis pointent vers l’Elysée, les socialistes visent Matignon : qu’importent les « alliés », l’avenir à gauche se compose différemment.
A LIRE AUSSI : Le prochain Premier ministre devra enfin faire preuve de courage, par Pierre Bentata
Michel Barnier prend enfin la parole, dans un semblant de discours d’adieu, pour vanter sa méthode “qui a fait l’objet d’un accord au CMP, la première fois depuis 14 ans !”. “C’est déjà trop lent, il faut aller voter”, raille l’insurgé Thomas Portes. “Je ne peux pas accepter l’idée que la déstabilisation institutionnelle rassemble une majorité de députés”, poursuit le Premier ministre, critiquant – dans un réflexe macronien – l’incapacité de la classe politique à “surmonter les tensions et les divisions qui ont fait tant de mal à la population”. notre pays. » Il repart sous les applaudissements de la base commune. Avant de prendre la parole, il a reçu davantage d’applaudissements que le jour de sa déclaration politique. C’est la sortie.
.
Related News :