(BFM Bourse) – Depuis sa naissance en janvier 2021, l’action Stellantis a connu un parcours un peu chaotique au début, avant de décoller mi-2023 et d’atteindre des sommets enviables. Mais la hausse du titre a été complètement effacée en quelques mois seulement.
L’avenir de Stellantis s’écrira donc sans Carlos Tavares. Le directeur général du groupe aux 14 marques a démissionné de son poste dimanche, en raison de « divergences de vues » avec le conseil d’administration.
Carlos Tavares avait pourtant été l’un des grands artisans de la création de Stellantis, le 16 janvier 2021. A cette date, le français PSA et l’italo-américain Fiat Chrysler fusionnaient pour ne former qu’une seule entité, un peu plus d’un an après leur entrée. en négociations exclusives.
Pilote PSA depuis début 2014, Carlos Tavares a contribué à cimenter ce mariage. Son bilan à la tête du groupe sochalien est excellent. Le Portugais a rapidement redressé une société PSA qui peinait à se relever de ses difficultés de 2012, alors que l’entreprise brûlait plusieurs centaines de millions d’euros de trésorerie par mois.
Deux plans stratégiques (« Back to the race » et « Push to Pass ») basés sur une rationalisation des coûts et des modèles permettent à l’entreprise d’atteindre une marge opérationnelle courante de 8,5% en 2019 contre -0,3% en 2013. a rapidement redressé Opel-Vauxhall, racheté en 2017, défiant les pronostics de nombreux investisseurs.
De quoi convaincre la famille Agnelli qu’il est l’homme de la situation pour réussir le mariage de PSA avec une Fiat-Chrysler aux marques américaines renommées (Jeep, Ram) mais tardivement dans plusieurs domaines, notamment l’électrification.
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Un parcours cahoteux
Si Carlos Tavares a donc quitté l’entreprise, faut-il remettre en cause son bilan à la tête de Stellantis ? La réponse doit évidemment être nuancée.
L’évolution du cours boursier constitue un simple thermomètre même s’il est imparfait.
Stellantis débute ses négociations sur les bourses de Milan et de Paris le 18 janvier 2021 (un jour plus tard à New York). Il s’agit d’une introduction purement technique reflétant la fusion de PSA (cotée à Paris) et Fiat Chrysler (cotée à Milan et New York). Le prix de référence est alors fixé à 12,57 euros par action.
Comme le reflète le graphique simplifié ci-dessous, Stellantis connaît ensuite une évolution boursière mouvementée entre début 2021 et début 2023.
Plus que l’exécution de Carlos Tavares, il convient de percevoir diverses crises qui ont frappé le secteur automobile, notamment la pandémie de Covid-19, mais aussi les tensions sur les semi-conducteurs et les prix des matières premières qui en découlent. depuis le début de la guerre en Ukraine. Un net déclin de l’action est également observé à partir de février-mars 2022, date à laquelle éclate ce conflit.
La méthode Tavares porte ses fruits sur le plan comptable. La marge opérationnelle courante pour 2022 s’élève à 13%, un taux supérieur à celui des grands constructeurs premium, contre 11,8% en 2021. La génération de cash augmente de 80% en 2022.
Si le titre peine un peu à décoller, les analystes restent confiants et estiment que les prouesses de l’entreprise ne sont pas correctement valorisées. En mars 2023, la Banque Royale du Canada juge que Stellantis est le meilleur constructeur grand public, devant Volkswagen, Renault, Ford et General Motors.
La meilleure performance du CAC 40 en 2023
À partir du printemps 2023, les progrès de Stellantis commencent à se répercuter sur les investisseurs. L’action s’accélère, à tel point que le groupe automobile prend 59% sur l’ensemble de 2023, signant à la fois la meilleure performance du CAC 40 et du SBF 120, les 120 groupes les plus importants de la Bourse de Paris.
Ce rallye se poursuivra également début 2024. Le titre a atteint un plus haut historique à 27,345 euros lors de la séance du 26 mars. Le titre gagne alors 71% sur un an et 117% par rapport à son cours de référence de janvier 2021.
Stellantis continue d’afficher des résultats défiant toute gravité, avec une marge opérationnelle courante de 12,8% en 2023 et un bénéfice record de 18,6 milliards d’euros. Le constructeur n’est alors pas loin de titiller Totalenergies (19,85 milliards d’euros) comme premier pourvoyeur de bénéfices du CAC 40.
Tout disparaît en quelques mois
La situation va brusquement changer à partir du printemps 2024. Fin mars, Berenberg estime déjà que le titre doit faire « une pause » et abaisse son conseil à « conserver ». La banque allemande prévient que les marges en Amérique du Nord sont « sous pression, en raison notamment des stocks élevés ». A l’inverse, Morgan Stanley estime en avril que l’entreprise est encore en mesure de dégager une marge à deux chiffres en 2024, et reste sur « surpondérer », équivalent à « acheter ».
Fin avril, Stellantis souffrait après la publication de son chiffre d’affaires du premier trimestre. Le marché s’inquiète des stocks aux Etats-Unis et la directrice financière, Natalie Knight, prévient que les marges vont baisser au premier semestre, avec un taux de résultat opérationnel courant attendu entre 10% et 11% contre 14,4% un an plus tôt.
Lors de la publication des résultats semestriels fin juillet, ce taux tomberait tout juste à 10%, bien loin des attentes des analystes. Le titre a perdu 8,7% le même jour et poursuivra sa baisse lors des séances suivantes. Le lendemain, Deutsche Bank a jeté l’éponge et est passée d’« acheter » à « conserver » le titre, avertissant que les problèmes de Stellantis ne font que commencer. La banque allemande craint que le groupe risque de devoir procéder à des baisses de prix substantielles pour réduire ses stocks.
Fin septembre, Stellantis avait alors émis un lourd avertissement sur ses résultats. L’entreprise prévient que sa marge opérationnelle courante se situera cette année entre 5,5% et 7%, contre une prévision d’au moins 10% précédemment. Le titre a chuté de près de 15% le même jour à 12,40 euros.
Elle va alors continuer à souffrir un peu. Lundi, suite à la démission de Carlos Tavares, il perdait 6,37% à 11,73 euros. C’est nettement inférieur à son cours technique de référence (12,57 euros) lors de son entrée en Bourse en janvier 2021.
Autrement dit, l’action Stellantis a effacé en huit mois les gains réalisés en trois ans. A tel point que Carlos Tavares quitte le constructeur avec donc une légère baisse des parts depuis la création du groupe. Ce constat peut paraître dur pour le manager dont les prouesses opérationnelles sont vantées depuis une dizaine d’années.
Mais il est apparu au conseil d’administration du constructeur – et peut-être au marché – qu’il n’était plus la bonne personne pour relancer l’entreprise.
« L’annonce du départ de Carlos Tavares ne doit (…) pas être perçue de manière négative, comme cela aurait été le cas récemment, et d’autant plus que les objectifs annuels ont été confirmés hier (dimanche, NDLR). le départ était devenu inévitable à court ou moyen terme», écrit Oddo BHF dans une note publiée lundi, avant l’ouverture du marché.
« Carlos Tavares était de plus en plus isolé (au sein de la direction mais aussi donc au sein du conseil d’administration) et, peut-être, trop rigide pour adapter une stratégie qui a certes donné d’excellents résultats depuis de nombreuses années (redressement de PSA et d’Opel, débuts de Stellantis), mais ne semblait plus adapté à l’environnement actuel comme en témoignent les difficultés commerciales et opérationnelles importantes du groupe cette année (perte de parts de marché, stocks trop élevés, lancements, distribution difficiles, etc.) », tranche le courtier.
Julien Marion – ©2024 BFM Bourse
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