- Auteur, Armand Mouko Boudombo
- Rôle, Journaliste -BBC Afrique
- Gazouillement, @AmoukoB
- Rapport de Dakar
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il y a 13 minutes
Lors d’une visite du ministre français des Affaires étrangères au Tchad, N’Djamena a annoncé jeudi soir qu’elle rompait ses accords militaires vieux de près de 50 ans avec la France. Pour les autorités tchadiennes, il s’agit d’une volonté de souveraineté, mais de nouvelles puissances sont en embuscade.
C’est évidemment au palais présidentiel tchadien de N’Djamena que la rupture a été consommée. Jeudi après-midi, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, en visite au Tchad, a été reçu par le président Mahamat Idriss Deby Itno.
A l’ordre du jour des discussions, la question des réfugiés soudanais dans le pays, mais surtout, la coopération militaire entre les deux pays. Les deux pays sont liés par un accord de coopération militaire vieux de plusieurs décennies, mais celui-ci a été révisé en 2019.
Le dirigeant tchadien a informé son hôte qu’il ne souhaitait plus cet accord, invitant “à transcender la coopération traditionnelle entre la France et le Tchad dans laquelle prédomine l’aspect sécuritaire”, informe la présidence tchadienne sur son site Internet.
N’Djamena a pris cette décision après « une analyse approfondie », selon le ministre tchadien des Affaires étrangères, Abderahmane Koullamala, dans un communiqué.
Il explique qu’« il est temps pour le Tchad d’affirmer sa pleine souveraineté, et de redéfinir ses partenariats stratégiques en fonction des priorités nationales ».
Toutefois, le communiqué souligne que cette rupture des accords de coopération militaire ne constitue pas une rupture des relations diplomatiques et que N’Djamena respectera les modalités prévues pour la rupture de ces accords.
L’affaire des costumes Deby
Ces derniers mois, l’affaire a sérieusement impacté les relations entre N’Djamena et Paris. En juillet dernier, l’Agence France Presse annonçait que le Parquet national financier (PNF) avait ouvert une enquête pour « détournement de fonds publics et recel ».
En cause, ce parquet spécialisé dans la lutte contre la délinquance économique et financière, soupçonne le chef militaire d’avoir utilisé quelque 900 mille euros (environ 585 millions de francs CFA) pour l’achat d’une centaine de chemises, une cinquantaine de costumes, d’abacosts et de sahariennes achetés. en France.
L’analyste en sécurité Seidik Abba estime que cette situation a eu un impact durable sur les bonnes relations entre les deux pays.
« Cela s’est manifesté par le fait que la France, disposant d’une logistique stationnée à N’Djamena, n’a pas accepté d’aider le Tchad lors de l’opération Haskanite », Haskanite étant la dernière opération que le Tchad a lancée le mois dernier contre Boko Haram dans le lac Tchad.
Mais avant cela, M. Abba explique que la brouille a poussé le président tchadien à annuler une visite officielle prévue en juillet dernier, et n’a pas souhaité assister à la cérémonie du débarquement de Provence en août.
Ce que Mahamat Idriss Déby demande à la France
Lors de son tête-à-tête avec le chef de la diplomatie française jeudi à N’Djamena, le président tchadien a déclaré à son hôte que « le Tchad entend assumer pleinement sa souveraineté dans ses relations avec la France ou tout autre pays, en s’affranchissant des les chaînes du passé.
Il a également demandé à la France « d’adopter une diversification de la coopération bilatérale visant à intégrer des domaines tels que l’économie, l’éducation, la recherche scientifique, la technologie et le développement dans de nombreux secteurs vitaux pour le Tchad tels que l’élevage et l’agriculture.
Ce qui, pour M. Deby, « pourrait promouvoir bien plus qu’un enrichissement mutuel pour mieux refléter les besoins contemporains du Tchad, en approfondissant sa vision d’une interdépendance équilibrée ».
Fin d’une longue coopération ?
Le Tchad était jusqu’ici resté avec le Sénégal, seul territoire du Sahel abritant une base militaire française, après les départs, dans un contexte de crise diplomatique, du Niger, du Mali et du Burkina Faso entre août 2022 et décembre 2023.
Même si les termes des accords militaires rompus n’ont pas été révélés, il est probable que les contingents français stationnés à la base aérienne 172 à N’Djamena et à la base Capitaine Croci à Abéché, dans l’est du pays et à Faya-Largeau, au nord, sont appelés à partir.
Cela tournera alors une page d’une histoire de plusieurs décennies, durant laquelle les contingents français ont apporté un soutien logistique et un soutien en renseignement aux forces armées tchadiennes.
Les troupes françaises sont intervenues militairement à plusieurs reprises dans le pays, notamment pour contrer les incursions de colonnes rebelles armées sur le territoire tchadien en 2006 et en 2008, puis en 2019.
Même si la dernière offensive rebelle depuis la frontière nord du pays (vers la Libye) a emporté l’ancien président Idriss Deby Itno, on se souvient de la déclaration du président français Emmanuel Macron lors de ses funérailles, affirmant que « la France ne permettra jamais à la stabilité et à l’intégrité du Tchad de s’effondrer ». être remis en question. »
La Russie et les États-Unis en embuscade
Ces derniers mois, N’Djamena a multiplié les actes de rapprochement avec Moscou. Le président Mahamat Idriss Déby, toujours à la tête de la transition, s’est rendu à Moscou en janvier 2024.
Avec cette visite, il devient le premier président tchadien à s’y rendre depuis la visite de François Tombalbaye en 1960. Cette visite a abouti à la signature d’accords importants dans plusieurs domaines vitaux, comme l’énergie et la sécurité.
Juste après son élection à la tête du Tchad en mai dernier, le président russe Vladimir Poutine a été l’un des premiers à féliciter M. Déby.
Puis en juin, Vladimir Poutine a envoyé une délégation conduite par son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, pour un séjour diplomatique à Ndjamena.
En revanche, on ne sait pas si les Etats-Unis ont fait leur retour en septembre dernier, après quelques mois de brouille avec N’Djamena.
Washington a été contraint, en avril 2024, de retirer ses troupes qui opéraient avec des drones pour soutenir les opérations militaires tchadiennes.
Mais les autorités américaines ont annoncé que les deux parties avaient trouvé un nouvel accord en septembre dernier et convenu d’un redéploiement des forces américaines sur le territoire tchadien, même si les autorités américaines expliquent qu’elles le seront en petit nombre.
Mais les autorités de N’Djamena ont démenti cette information via un communiqué du ministère des Affaires étrangères et, depuis, difficile de savoir si les positions ont évolué sur la question.
Les conséquences de la rupture des accords militaires avec la France
Les prochains jours seront sans doute décisifs pour la suite des événements, après cette dénonciation des accords de coopération avec la France.
Mais Seidik Abba estime qu’il n’y aura pas de conséquences du côté tchadien, “étant donné que le Tchad a démontré sa puissance dans la région, en se positionnant comme une armée aguerrie, capable de bien remplir sa mission”.
Les conséquences, selon lui, «seront davantage du côté de la France, qui n’aura en principe plus de présence au Sahel», explique l’analyste des questions sécuritaires.
Mais il estime que cette rupture des accords militaires conforte les États du Sahel (AES, composé du Niger, du Burkina et du Mali) dans leur position qui les a poussés à rompre leurs relations avec la France.
On ignore si N’Djamena compte se rapprocher de ces Etats, avec lesquels ses troupes ont effectué des journées d’entraînement conjoint en mai dernier.
Mais cette annonce intervient alors que le Tchad a également annoncé, il y a quelques semaines, son intention de se retirer de la Force multinationale conjointe, force conjointe combattant Boko Haram, dont la base est située dans la capitale tchadienne.
Le Nigeria peut-il devenir la nouvelle base militaire française ?
La rupture des liens de coopération militaire entre la France et le Tchad intervient au moment où le président nigérian Bola Tinubu est en visite en France.
Selon la presse française, les discussions porteront davantage sur la coopération économique, même si le Nigeria est apparu ces dernières années comme l’un des partenaires de la France dans la lutte contre l’insécurité dans la région.
Les deux parties peuvent-elles aller jusqu’à décider de l’installation d’une base militaire française au Nigeria ? Les experts sont prudents.
Pour l’ancien capitaine de l’armée nigériane Umar Aliyu, aujourd’hui expert en ressources sécuritaires, il faudra attendre que les deux hommes fassent le point sur leurs échanges.
Même s’il reste très dubitatif sur la possibilité d’une extension de la coopération entre les deux pays.
“Nous sommes anglophones, je doute que le président de mon pays accepte une telle offre si elle est faite, mais il faut attendre la fin de la visite pour être plus clair”, estime l’analyste.
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