Malgré quelques concessions ces dernières heures, Michel Barnier est plus que jamais sur un siège éjectable avec les menaces de censure du Rassemblement national et de la gauche. Il a pourtant élaboré mardi un nouvel argument pour rester Premier ministre en 2025. S’il quitte Matignon, ce ne sera rien d’autre que l’apocalypse pour les comptes publics, déjà pas au mieux avec un déficit de 6 %. Au programme selon Michel « Cassandre » Barnier : « Une tempête probablement assez grave et de graves turbulences sur les marchés financiers » en cas de censure, prédit-il.
« Nous empruntons déjà à des taux d’intérêt très élevés. Ils sont actuellement presque au niveau de la Grèce”, a-t-il ajouté mardi au journal TF1. Prophétie auto-réalisatrice, puisque dès le lendemain, la France empruntait effectivement à des taux plus élevés qu’Athènes. Faut-il pourtant croire cet oiseau de mauvais augure lorsqu’il annonce une pluie de grenouilles sur notre économie et l’eau de la Seine transformée en sang ?
Une série de mauvaises nouvelles
Pour les sept plaies d’Egypte, nous avons encore des doutes. Mais « la menace sur l’économie française est bien réelle, et il ne faut pas la sous-estimer », prévient Stéphanie Villers, macro-économiste. Même analyse d’Anne Sophie Alsif, responsable économique au Bureau d’informations et de prévisions économiques (BIPE). Elle décrit des taux déjà catastrophiques : « Il y a un écart de 82 points avec l’Allemagne, contre une tendance historique de seulement 40 points. Ce sont déjà des taux d’emprunt extrêmement élevés, supérieurs même à ceux de l’Espagne ou du Portugal », deux pays connus pour leur très latin olé olé finances publiques. Si la tempête annoncée n’est pas encore là, de fortes rafales de 110 km/h se font déjà sentir.
Quant aux marchés, « ils prédisent une situation politique instable à long terme », poursuit Anne-Sophie Alsif. Le poids de la dette – l’argent public utilisé uniquement pour rembourser les intérêts de dettes antérieures, qui n’est donc pas utilisé pour des services publics ou des aides – va probablement augmenter fortement. Il s’élève désormais à 50 milliards, et pourrait monter à « 70, voire 80 milliards ». Ce qui, comme vous pouvez l’imaginer, ne serait pas du tout une bonne nouvelle. « On ne peut déjà pas faire 20 milliards d’économies, donc il faudra en faire 30 de plus… », se désespère l’expert.
Pour enfoncer le clou, l’Allemagne est en récession « et a annoncé qu’elle allait emprunter davantage », précise Stéphanie Villers. « Pourtant, c’est un pays considéré comme disposant d’actifs non risqués, et que les marchés préféreront largement. »
Peut-on faire pire ? Oui, nous pouvons !
Mais si la situation est déjà aussi catastrophique, une censure plus ou moins forte de la part de Barnier ne ferait-elle vraiment qu’empirer les choses ? Ben oui, clairement ! Anne Sophie Alsif pour le reste de la mauvaise nouvelle : « La question n’est pas tant de la censure de Michel Barnier, les marchés sont assez indifférents à son cas personnel. Le problème, c’est que son remplaçant est très incertain – de gauche, de droite, centriste, du Rassemblement national ? – et donc les mesures budgétaires à venir aussi. » Et cela ne plaît pas du tout aux marchés.
Stéphanie Villers illustre : « Quand vous faites un prêt auprès de la banque, vous devez justifier d’un projet derrière celui-ci, par exemple l’achat d’un logement. Ici, la France devrait emprunter sans justifier d’un budget et espérer que les marchés lui donnent aveuglément de l’argent. C’est audacieux… » D’autant qu’avec un gouvernement jeté par-dessus bord, le budget 2024 serait reconduit faute d’en avoir validé un nouveau. Un budget qui a démontré toute son inefficacité, provoquant en partie le dérapage public actuel.
Mauvaise nouvelle, bien sûr, mais à quel point ?
Alors ça y est, des boules de feu vont tomber sur Bercy ? « Il n’y aura pas de faillite », rassure Jacques Le Cacheux, professeur d’économie à l’université de Pau. « Nous avons vu des taux d’emprunt encore pires en 2012 et ce n’était pas l’apocalypse. La dette française reste l’une des mieux notées au monde, et si elle est certes très importante, d’autres pays en ont une plus importante, comme l’Italie. Une autre façon de se rassurer est l’Union européenne. “La Banque centrale est beaucoup plus interventionniste et ne laissera pas sa deuxième économie s’effondrer.” Une leçon durement apprise en 2012, on y revient toujours, lorsque la BCE traînait les pieds avant de enfin rassurer les marchés. Mais attention : « La France joue constamment avec le feu et il faut arrêter de se considérer comme intouchables », prévient Stéphanie Villers.
Les dernières informations sur le budget 2025
Quant aux taux désormais supérieurs à la Grèce, “on parle de la Grèce actuelle et non de la situation du moment”, rappelle Jacques Le Cacheux. « C’est un symbole qui doit faire réagir, mais dépasser la Grèce ne veut rien dire en soi, poursuit Anne Sophie Alsif.
Il n’en reste pas moins que sans signifier la mort de tous les premiers nés du pays, la censure gouvernementale serait un mauvais scénario pour le consommateur moyen. « Soyons clairs : il n’y aura plus de pouvoir d’achat ni de services publics en cas de crise financière », explique Anne Sophie Alsif. “Les impôts devraient fortement augmenter et les taux d’intérêt des particuliers suivront ceux de la France”, ajoute Stéphanie Villers. Pas l’apocalypse, mais pas le paradis.
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