Vous ressortirez de ce film heureux, bouleversés et tellement plein d’amour que, peut-être, vous reviendrez le voir en famille ou entre amis. Dans tous les cas, vous ne cesserez d’inciter votre entourage à se plonger dans ce bain d’humanité.
Une fanfare bouge sans manipuler et nous fait souvent éclater de rire sans bassesse ni vulgarité, car Emmanuel Courcol (Cessez le feu, un triomphe) a écrit un scénario intelligent et filmé une troupe d’interprètes sensibles et inspirés.
« L’avant-première à Poitiers, c’était une grande fête »
Lorsque le célèbre chef d’orchestre Thibaut Desormeaux (Benjamin Lavernhe) découvre qu’il souffre de leucémie, il apprend par la même occasion qu’il a été adopté. Et qu’il a été séparé à la naissance de son frère emmené dans une autre famille. Jimmy (Pierre Lottin) a grandi dans un milieu modeste, Thibaut a étudié. L’un est trombone dans la fanfare d’une petite ville du nord touchée par la délocalisation industrielle, l’autre est riche et célèbre. Tous deux apprendront à se connaître, à s’aimer, à découvrir leurs points communs, mais le fossé qui les séparait peut-il être complètement comblé par l’amour ?
Qu’est-ce qui vous a convaincu d’accepter ce film ?
Benjamin Lavernhe : « L’aventure d’un style de cinéma qui est celui d’Emmanuel, comédie dramatique d’auteur éminemment populaire, avec beaucoup de cœur. On s’émeut sans facilité d’intrigue. Et puis j’ai beaucoup aimé son film Un triomphe. C’est un style de cinéma dans lequel je voulais vraiment évoluer, comme celui de Nakache et Toledano : du grand cinéma populaire de qualité. »
Auriez-vous aimé jouer Jimmy ?
« Au début, c’était le personnage que j’aimais le plus. Je ne m’y attendais pas, mais j’ai trouvé ça drôle, corrosif. Thibaut était un peu plus fluide sur le papier et en le jouant j’ai pu y apporter plein de nuances. Mais Jimmy est tellement écrit pour Pierre que ce ne peut être que lui qui l’incarne ! »
Si vous étiez effectivement chef d’orchestre, quelle œuvre aimeriez-vous le plus diriger ?
«J’ai un petit faible pour Symphonie n°3 pour orgue de Saint-Saëns, j’ai été bouleversé par la mise en scène de Gergiev L’oiseau de feu de Stravinsky, j’ai regardé la vidéo des dizaines de fois. Nous étions aussi censés avoir dans le film La Grande Porte de Kyiv de Moussorgski mais c’est pour 80 musiciens, c’était trop.
« Je ne suis pas un spécialiste du classique, mais il y a des choses que j’aime beaucoup. J’écoute davantage les playlists que mon frère Thomas me fait pour me faire découvrir des choses, c’est toujours génial. Il a deux grands projets musicaux : Pampa Folks et Cuarto Mundo. J’adore les goûts musicaux de Thomas. »
Quand vous devez incarner un homme qui apprend qu’il est peut-être condamné, où cherchez-vous la bonne émotion ?
« C’est toujours la question de savoir comment nous jouons, ce qui est difficile à imaginer. Il faut trouver un vertige, pas forcément un jeu avec les larmes, mais une colère, une absence dans le regard, quelque chose de résigné. Parcourez d’autres chemins que les clichés et plongez-vous dans le regard des autres. Il faut se lancer sans trop intellectualiser. On passe par des choses physiques, les tripes. »
« En fanfare » est aussi un film politique, qui aborde les thèmes de la rupture sociale, de l’accès à la culture et à l’éducation. Selon vous, qu’est-ce qui manque le plus à notre société ?
« Nous sommes dans le pays de l’exception culturelle, c’est fragile. Je ne sais pas quelle serait la politique culturelle de l’extrême droite si elle arrivait au pouvoir et ça fait peur. Je sais qu’il existe un tissu culturel en France, des maisons de quartier, etc. Nous encourageons les étudiants à venir au théâtre pour leur montrer le vernissage.
« Ce que je constate, c’est qu’il y a beaucoup de résistance de la part du public pour ce qui n’est pas censé lui être destiné, comme l’opéra. Bien sûr, c’est cher, mais il existe des moyens de trouver des endroits bon marché. La curiosité, c’est oser rêver et se dire qu’elle est faite pour soi. Donner du goût est la responsabilité de votre entourage, d’un oncle, d’une tante ou des parents.
« Lors de l’avant-première lilloise, des étudiants du conservatoire étaient présents. Ils étaient ouverts, inquiets, mais on sentait qu’ils venaient d’un certain milieu. Le lieu de naissance peut être un facteur déterminant. Mais il faut se méfier des apparences, on le voit dans le film avec Jimmy qui aime Miles Davies, Clifford Brown ou encore Lee Morgan. Surtout, la musique est universelle, l’émotion traverse les frontières. Le rap est actuellement le genre préféré des jeunes générations, mais peut-être que parfois ce qui les touche est un échantillon de Mozart ou de Chopin que contient la chanson. »
Près d’une trentaine de films en un peu plus de dix ans, une émission télé… Est-ce facile pour vous de trouver du temps pour le théâtre ? Avez-vous des obligations contractuelles avec la Comédie Française ?
” Bien sûr ! C’est mon premier employeur et je dois prendre un congé pour aller tourner. Je suis d’abord comédien dans la troupe, elle prête ses comédiens. C’est vrai qu’une fois la saison théâtrale terminée, je suis coincé dans le flou. Parfois, c’est un peu compliqué. »
Quelle marque vous a laissé le rôle de Bousquet dans « Cellule 107 » que vous avez joué au théâtre ?
« La rencontre avec Robert Badinter qui l’a écrit, avant tout. La puissance de cet homme, de sa pensée, de ce qu’il incarne pour le métier ! J’ai eu la chance de jouer un avocat à deux reprises, en Le sixième enfant et Choses humaines par Yvan Attal. Je me suis donc penché sur ce métier et je sais ce que Robert Badinter représente pour eux. Ce qu’il dégage est si fort que cela m’a marqué à vie. »
Est-il vrai que vous avez été réalisé par Johnny Depp dans son film « Modi » ?
“Oh non! Pendant que nous filmions Jeanne du Barry il m’a dit : « Eh bien, je vous ai écrit deux scènes avec Al Pacino. » C’était un rêve, mais cela n’a pas pu se réaliser en raison de problèmes d’horaire. »
Jusqu’à présent, qui vous a le plus influencé en tant qu’artiste ?
«Paul McCartney. Je suis fan, je l’écoute depuis que je suis petite. Il y a peu d’artistes dont nous aimons autant les œuvres. Je viens de rencontrer Antoine de Caunes qui va le voir le 4 décembre et qui m’a proposé d’aller le rencontrer en coulisses. Malheureusement mon billet est pour le 5, mais je vais voir si je peux changer.
« Dans les matchs les plus marquants, il y a Bacri, évidemment. Quand il est mort, j’étais très ému, comme si je perdais un ami. Il me manque beaucoup. Et puis il y a Denis Podalydès, bien sûr, Muriel Mayette qui m’a engagé à la Comédie Française et Loïc Corbery qui m’y a fait découvrir. »
Comment s’est déroulée l’avant-première d’« En fanfare » à Poitiers ?
«C’était une grande fête. C’est un de mes meilleurs amis qui s’est chargé de l’organiser, il est le directeur du cinéma Tap. J’ai réalisé une courte vidéo d’annonce qui a accéléré les réservations. Voir cette salle avec une liste d’attente de personnes qui n’avaient pas pu obtenir de ticket : ça m’a vraiment bouleversé.
« Je suis très attaché à ma ville et voir l’enthousiasme, l’écoute folle et le partage avec le public après pendant 45 minutes, c’était une grande joie. J’ai même revu des amis d’université que je n’avais pas vus depuis vingt-cinq ans. »
Dans la vidéo d’annonce, vous avez évoqué beaucoup de noms évoquant Poitiers, quel est votre endroit préféré là-bas ?
« Je n’ai pas d’endroit préféré, mais j’ai des souvenirs précis. J’aime me promener dans les rues piétonnes et j’ai un faible pour la place du marché, passer derrière le palais de justice et arriver devant Notre-Dame. Mes parents habitaient le quartier Saint-Hilaire. »
« En fanfare », durée 1 heure 43 minutes, en salles à partir du mercredi 27 novembre.
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