Vous venez tous d’horizons artistiques très différents. Quel a été le processus de recherche d’harmonie pour interpréter ces deux frères qui semblent opposés l’un à l’autre ?
Pierre Lottin : Je ne suis pas sûr que nous soyons vraiment si différents ! C’est un peu comme les Beatles : Paul McCartney est issu d’un milieu modeste et John Lennon d’un milieu plus aisé. Là, je suis celui de ”la rue” et Benjamin celui du côté « plus chic ».
Benjamin Lavernhe : Cette diversité est intéressante. J’ai fait beaucoup de théâtre, notamment à la Comédie-Française, et Pierre a une carrière marquée par des comédies populaires comme « Les Tuche ». Nous nous sommes retrouvés sur un terrain de jeu commun, ce qui a créé une réelle richesse dans notre travail.
Justement, Pierre, le dosage comique de ce film est très différent de celui des Tuche. Était-ce un défi pour vous ?
PL : Pas vraiment. Chaque rôle nécessite un dosage particulier. Dans « Les Tuche », tout est plus exagéré. Ici, on est sur un registre plus nuancé, mais cela reste cocasse. Je dirais même que ce rôle mélange plusieurs styles d’humour : il y a des postures, des pauses, un travail sur la voix… Cela m’a permis d’explorer un autre univers tout en gardant un élément de composition.
Vous êtes tous les deux de grands fans de musique, voire musiciens. Comment s’est passée votre rencontre à ce niveau ?
BL : Nous n’avons pas beaucoup discuté de nos goûts musicaux. Mais il y a eu des moments marquants, notamment autour d’un piano. Pierre improvise très bien, il est autodidacte, et ça m’a beaucoup touché car j’ai appris le piano un peu de la même manière, à l’oreille. Pendant le tournage, il a improvisé gratuitement un concert dans une maison de retraite. Les habitants étaient aux anges. Ce genre de moments montre à quel point la musique peut rassembler les gens.
PL : Ce sont des moments où tout s’enchaîne naturellement. Dans les scènes musicales du film, on se comprenait, sans avoir besoin de trop se parler.
« Une fanfare » traite également des différences sociales et culturelles. Comment avez-vous abordé ces thèmes ?
BL : Mon personnage, Thibaut, veut « sauver » son frère Jimmy. Oui, mais, finalement, le sauver de quoi, au juste ? C’est intéressant car cette attitude révèle ses propres certitudes, sa culpabilité d’avoir eu une vie meilleure que lui. En conséquence, il veut se rattraper et donner à Jimmy la chance qu’il n’a pas eue. Ne pas rendre Thibaut antipathique était un véritable défi. Nous ne voulions pas qu’il apparaisse condescendant ou paternaliste envers son frère. Il se trompe parfois dans ses intentions, mais c’est ce qui le rend humain. Il est animé par le désir sincère de voir son frère exploiter pleinement son talent.
PL : Au début, il y a un soupçon de jalousie entre eux, mais cela ne va pas trop loin. Jimmy accepte rapidement de faire ce don qui peut sauver Thibaut de la leucémie. Il n’a aucune rancune. Une complémentarité naît rapidement entre eux : ce que l’un laisse inachevé, l’autre tente de le combler.
Comment avez-vous collaboré avec les acteurs amateurs qui jouent dans la fanfare ?
BL : Au début, j’avais un peu d’appréhension car ils n’avaient jamais joué dans un film. Mais ils étaient très naturels, même lors des longues journées de tournage. Et hors caméra, ils étaient incroyablement chaleureux.
PL : On a vite senti qu’ils étaient authentiques. Leur présence a nourri le film.
Benjamin Lavernhe, vos choix de carrière démontrent un goût pour le cinéma d’auteur populaire. Est-ce votre principal critère de sélection lorsque vous recevez un projet ?
BL : Le théâtre et le cinéma doivent rester des arts populaires. Beaucoup de gens pensent que le théâtre classique, par exemple, est inaccessible, mais ce n’est pas vrai. Molière, pour n’en citer qu’un, a écrit des pièces qui s’adressent à tous. Il faut simplement briser ces complexes et rendre les œuvres accessibles sans les simplifier. L’objectif est de toucher un large public sans tomber dans le formatage ou les contenus consensuels. « En fanfare » reflète bien cette philosophie. Il s’agit en effet d’un travail exigeant mais sincère, dans lequel il est facile de se reconnaître.
Notre avis
Histoire
Ici, Thibaut, chef d’orchestre bon enfant (Benjamin Lavernhe). Et là, Jimmy, un travailleur du Nord aux abois (Pierre Lottin, alias Wilfried Tuche dans « Les Tuche »). Tous deux ont été adoptés – l’un par les prolétaires, l’autre par les bourgeois – mais ignorent leur existence réciproque. Atteint de leucémie, Thibaut a besoin d’une greffe de moelle osseuse et, grâce à un test ADN avec sa sœur dans l’espoir d’un don, il découvre que sa mère n’est pas sa mère et qu’il a un frère biologique qui joue du trombone dans une marche. groupe…
Notre avis
Après “Un triomphe”, dans lequel Kad Merad incarne un acteur en difficulté qui retrouve le goût de la vie parmi les détenus, Emmanuel Courcol (scénariste régulier de Philippe Lioret “Accueillir” et Édouard Bergeon « Au nom de la terre ») nous embarque dans une nouvelle aventure humaine pleine d’émotions. Nous pensons à « La vie est un long fleuve tranquille » quand les deux mondes des frères entrent en collision. Tout semble écrit d’avance – choc des cultures et déterminisme social – dans cette comédie sensible… Pourtant, la fiction entraîne son spectateur dans les rires et les larmes. Et ce n’est pas vraiment un hasard si Robert Guédiguian a coproduit le film, tant on perçoit sa touche populaire bien ficelée.
> By Emmanuel Courcol (France). With Benjamin Lavernhe, Pierre Lottin, Sarah Suco…
Comédie. 01h43
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