Ils étaient près de trois mille ce lundi devant le conseil régional de Nantes. Les professionnels de la culture se sont rassemblés pour protester contre le sévère resserrement budgétaire annoncé par le président de la région Pays de la Loire. Rapport.
By Pauline Demange-Dilasser
Publié le 25 novembre 2024 à 17h55
jeIl fait encore nuit lorsque les premiers manifestants commencent à arriver. Sous la pluie, une mer de gilets jaunes, de pantalons de pluie et de cirés converge. « C’est par là, Pôle emploi ? » plaisante un manifestant. Les professionnels de la culture se sont réunis à l’aube devant l’hôtel régional de Nantes pour s’opposer aux coupes budgétaires drastiques annoncées par la présidente de la région Pays de la Loire, Christelle Morançais (Horizons). Alors que l’État demande 40 millions d’économies, bon élève, il promet au moins 100 millions et annonce des coupes claires dans les budgets de la culture (– 73 %), du sport (– 75 %) et de l’égalité. femmes-hommes (–93%).
Le ciel est gris, les rues sont bloquées par des camions CRS. L’hôtel régional a des airs de citadelle. Vendredi, le président a publié un tweet froid : « J’ai pris la décision, avec beaucoup de regret, mais aussi une profonde colère, d’annuler la réunion avec les maires de Loire-Atlantique, qui devait se tenir lundi prochain. […]. Face aux appels à la mobilisation, venus de LFI, des syndicats et des associations de gauche, visant à contester les économies à réaliser sur le budget régional, nous ne sommes pas en mesure de garantir la sécurité autour et à l’intérieur de l’hôtel régional. Dans ce contexte particulièrement violent, alimenté par des fake news et des attaques personnelles, je ne veux faire courir aucun risque aux maires. Je regrette profondément que cette période d’échanges démocratiques fasse l’objet d’une telle exploitation. » Des mots qui ne passent pas. « Dans son tweet, Christelle Morançais aurait pu dire qu’elle comprenait les inquiétudes, s’offusque de Thomas Guignard, directeur d’une agence de distribution et de production de tournées. Mais elle nous pointe du doigt comme des agitateurs qui empêchent le bon déroulement de son meeting ! »
Ce n’est plus une crise, c’est un massacre.
Un représentant de la CGT Spectacle
Ni cette annulation ni la pluie n’ont empêché la mobilisation de près de trois mille personnes, dans une ambiance mi-festive, mi-inquiétante. “Ce n’est plus une crise, c’est un massacre”, s’alarme un délégué syndical de la CGT Spectacle. En petits groupes, on soupire, on parle des conséquences de ces coupes drastiques, on se soutient. Tout le monde se dit choqué par la brutalité des annonces, le manque de concertation et de considération. Pour un technicien intermittent du spectacle, “C’est comme la politique actuelle : d’une violence époustouflante.”
Mathilde, photographe, développe des projets de médiation en Ehpad et auprès de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. “On commence à organiser le calendrier avec les structures qui m’embauchent mais sans certitude quant aux projets qu’on va pouvoir réaliser, se lamente-t-elle. Comme beaucoup d’autres ici, la grande majorité de mon économie repose sur des subventions, je vais devoir trouver d’autres moyens de travailler. » Les baisses sont si importantes qu’elles pourraient conduire à la disparition de plusieurs festivals comme Les Escales, à Saint-Nazaire, ou de lieux de culture comme la Maison de la Poésie à Nantes. Même les festivals les plus solidement implantés comme La Folle Journée risquent de se retrouver confrontés à de grandes difficultés financières.
Sur le rond-point jouxtant la salle régionale, les manifestants racontent comment ils ont appris la réduction, voire l’arrêt des subventions régionales, et donc, pour certains, leur “meurtre”. SMS, emails, collègues, appels. La Plateforme, le centre audiovisuel des Pays de la Loire qui œuvre pour structurer et reconnaître le secteur en Région, a été informée par téléphone de la réduction de moitié de sa subvention (qui représente 40 % de son budget) en 2025, avant sa suppression totale en 2026. “Cela pose des questions sur les actions déjà entreprises, l’impact sur les sociétés de production, l’éducation à l’image, les festivals, sur tout l’écosystème que nous avons construit depuis notre création il y a dix ans”, explains Tomasz Namerla, president of La Plateforme. Nous comprenons qu’il y a peut-être un effort à faire, mais nous aurions aimé profiter de l’intelligence collective pour pouvoir penser ensemble cet avenir. »
Nouvelle manifestation le 5 décembre
La pluie s’est arrêtée, les parapluies sont rangés. Les panneaux sont suspendus au-dessus des têtes : « Artistes en solde », « On va vraiment finir par mourir sur scène avec Morançais », « Horizon Morançais = culture morte sur scène. » Sur scène, le Planning Familial prend la parole. C’est aussi la Journée internationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes. Le président de région a annoncé une réduction de 93 % des subventions pour l’égalité femmes-hommes. Un désastre.
Ensuite, les syndicats souhaiteraient qu’il soit plus large et plus convergent. Le 5 décembre, une manifestation de service public est prévue. Le 19 décembre, le budget sera voté. D’ici là, les manifestants espèrent avoir réussi à inverser la tendance.
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