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Pourquoi l’enseigne de bazar discount GiFi est à un tournant de son histoire


Le contexte


  • Philippe Ginestet, président fondateur de GiFi, en 1981, souhaite céder sa marque. Si son âge – 70 ans – joue un rôle dans l’histoire, les difficultés du GiFi jouent aussi leur rôle.

  • La marque, qui était florissante hier, est aujourd’hui fragilisée par des déboires successifs : Rachat raté de Tati, changement d’ERP catastrophique, parc de magasins vieillissant…

  • La concurrence accrue y est également pour quelque chose. L’action a bouleversé le marché en dix ans et de nouveaux acteurs, souvent étrangers et à fort impact, arrivent en .

Le GiFi est à vendre. Cette perspective est discutée depuis des années. Elle s’est récemment accélérée et concrétisée, la banque Lazard ayant été mandatée pour trouver un repreneur. Tout sauf une surprise. En l’absence de transmission familiale, option longtemps privilégiée mais aujourd’hui écartée, il faudra un jour y renoncer. Philippe Ginestet, président fondateur du GiFi, a 70 ans, et même si ce n’est pas un âge canonique, le moment tant attendu arrive. « L’entreprise doit me survivre dans les meilleures conditions »assure le patron, dans une note à ses salariés obtenue par le journal Sud-ouest.

Cependant, s’agit-il d’une vente d’entreprise banale ? Non. GiFi, avec 545 magasins en France et 1,3 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2023, pèse lourd sur un marché français estimé à 10 milliards d’euros par Xerfi. Le défi est d’éviter un effondrement déstabilisateur de ce secteur du bazar à prix réduits.

Le risque est effectivement là. Si cette vente est pertinente, ce n’est pas seulement parce qu’après quarante-cinq ans de service, Philippe Ginestet compte bien profiter d’une retraite méritée… GiFi est moins florissant qu’il ne l’était. Dépassé par Action, qui écrase tout avec ses plus de 800 magasins en France, pour 4,45 milliards d’euros de chiffre d’affaires, GiFi est aussi dépassé – un peu comme toutes les autres – par l’agressivité des marques asiatiques en ligne, Temu, Shein ou AliExpress.

C’est vrai, difficile de rivaliser avec Action, la marque préférée des Français selon EY-Parthenon. Avec un taux de fan de 45,7%, Action aplatit GiFi et ses 9,6%. Surtout, depuis 2020, l’écart s’est creusé : les fans d’action ont augmenté de 18,5% tandis que ceux de GiFi ont diminué de 7,9%. La fréquence d’achat est également en faveur de la marque néerlandaise avec, selon les analyses de transactions bancaires réalisées par Joko, une moyenne de 6,4 transactions au premier semestre 2024 pour Action, contre seulement 2 pour GiFi.


Gifi en chiffres


  • 1,3 Mrd € : jec’est CA en 2023

  • 542 magasins en France (595 au total), environ 60% en gestion locative


Source : LSA


Des idées de génie ailleurs

Difficile également de lutter contre les stars du web, à commencer par Temu qui, au troisième trimestre 2024, est devenu le quatrième site marchand le plus visité de France, avec 9 millions de visiteurs uniques par jour (Source : Médiametrie//NetRatings et Fevad), derrière Amazon, Leboncoin et Réservation. «Ces acteurs font baisser la perception des prix» analyser Frédéric Boublil, spécialiste du commerce de détail.

Et face à cela, « Le GiFi souffre d’une lente érosion, faute de remise en question suffisamment rapide. La marque s’est fait dépasser par des plus agressifs qu’elle, sur ses propres promesses. Les « idées de génie », chères à GiFi, se produisent aujourd’hui chez Action ou sur le web, souligne Frédéric Boublil. GiFi a raté plusieurs tournants importants, tant commerciaux qu’opérationnels. La marque est restée sur une stratégie centrée sur les promotions lorsque l’EDLP [everyday low price, NDLR] s’est imposé partout. Elle n’a pas élargi son offre alors que d’autres s’ouvraient à l’alimentation. Elle n’a pas renouvelé son sourcing ni surtout ses méthodes d’achats. »


Le bazar en chiffres

  • 10 milliards d’euros : jee chiffre d’affaires 2023 en France du marché du bazar discount

  • 2 600 magasins pour les 7 principales marques du secteur, plus de deux fois plus en dix ans

Source: Xerfi


Cédric Ducrocq, président de Diamartabonde : « GiFi dispose d’un modèle de centrale d’achat 100 % intégrée. Cela permet certes de se passer d’intermédiaires, mais cela impose des besoins de stockage élevés, donc un BFR élevé. [besoin en fonds de roulement, NDLR]. Cela rend le groupe vulnérable au moindre choc, comme la crise du Covid ou les fluctuations des prix des conteneurs. En conséquence, GiFi a souffert plus que les autres, combinant importation directe et approvisionnement auprès de fournisseurs et importateurs tiers. »

Ajoutez à cela l’accident de Tati ainsi qu’un basculement ERP (système logiciel) catastrophique, et comprenez que les temps sont durs pour GiFi. Tati, rachetée en 2017, a été liquidée en 2021 après 150 millions d’euros injectés dans l’entreprise, soit plus du double des prévisions. L’échec du basculement ERP de 2023 a nui au bon approvisionnement des magasins, provoquant une perte d’environ 9% de chiffre d’affaires annuel. Cela fait quand même plus de 100 millions d’euros de disparus…


“Tout cela a retardé le nécessaire plan de redressement de la marque, qui n’a pas suffisamment fait bouger les lignes ni sur son offre, ni sur son modèle d’organisation, ni sur la modernisation et la rationalisation de sa flotte”, pointe Yves Marin, consultant chez Alexander Hughes. Autrement dit, en magasin, tout est resté un peu « dans son jus », et c’est un handicap. « Le GiFi souffre d’un manque d’attractivité par rapport à l’Action. D’un côté, un concept parfaitement rôdé, puissant et efficace. De l’autre, un concept resté très conservateur au fil du temps et qui semble donc vieillissant. analyser Frank Rosenthal, expert en marketing du commerce.


Un réseau solide dans un marché saturé

Pendant ce temps, la compétition n’a pas attendu. GiFi n’ouvrait pratiquement pas de magasins, en tout cas, lorsque la France était couverte de points de vente. « Les sept principales enseignes du marché ont doublé leurs magasins en dix ans, avec 2 600 magasins en 2023. », prend en charge Delphine Davidauteur d’une étude sur les marques bazar chez Xerfi, en début d’année. Dans le lot, de nombreux nouveaux venus étrangers, dans le sillage d’Action présente depuis 2012.

Normal est arrivé en 2019, Miniso en 2020, Tedi en 2023, Wibra en 2024, quand B&M a profité de l’absorption de Babou, fin 2018, pour pousser ses pions. « Action compte plus de 2 500 magasins dans le monde, Tedi 3 000, Miniso plus de 6 100. Face à ces groupes au pouvoir d’achat incomparable, les marques tricolores, restées très franco-françaises, sont à la peine, et c’est le cas de GiFi”, explique Delphine David.

« GiFi dispose d’un modèle de centrale d’achat 100 % intégrée. Cela permet certes de se passer d’intermédiaires, mais cela impose des exigences de stockage élevées. Cela rend le groupe vulnérable au moindre choc. »


Cédric Ducrocq, président de Diamart

Tant que le marché intérieur offre des perspectives de croissance, cela reste vrai. Mais avec une consommation en berne et un réseau toujours en expansion – l’action est passée de 700 magasins en France en novembre 2022 à 800 en janvier 2024 –, les choses commencent à caler. Et ce n’est probablement que le début. “La croissance du chiffre d’affaires moyen par magasin a déjà nettement ralenti, passant de +18% en 2021 à +8% en 2022 et +3,5% en 2023”, indique Delphine David. Le moment où les courbes s’inverseront n’est peut-être pas très loin.


“C’est un marché saturé, avec trop de mètres carrés” assure ainsi Cédric Ducrocq. C’est dans ces moments-là que se produisent les vagues de concentration. GiFi s’apprête peut-être à ouvrir le bal car, parmi les prétendants, Moez-Alexandre Zouari, déjà propriétaire de Stokomani et Maxi Bazar, pourrait se positionner, tout comme des acteurs étrangers, comme Tedi par exemple.

 
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