Son défi, selon l’épouse de l’ancien président, était de pouvoir affirmer sa liberté de pensée et d’action « sans créer de malentendus dans les couloirs du pouvoir ». Celle qui aurait eu 100 ans cette année ne s’est jamais contentée d’être une « femme de ». Respect de l’environnement, soutien aux minorités opprimées, droit à l’eau potable… cette première résistante n’a cessé de défendre ses idéaux, notamment à travers sa fondation.
Ce matin de juillet 1992, Danielle Mitterrand échappe de peu à un attentat à la voiture piégée. Saddam Hussein vient de tenter d’assassiner l’épouse du président de la République française. « Nous avons dû nous rendre à Halabja, une ville martyre kurde en Irak », raconte Bernard Kouchner, alors ministre de la Santé, dans les colonnes de Match. L’un des véhicules de notre convoi, dans lequel nous aurions dû être assis, a été pulvérisé. Quand je lui ai demandé si elle voulait que nous fassions demi-tour, Danielle a répondu : « Qu’en penses-tu ? J’y vais, bien sûr. Elle était incroyablement courageuse. » Quatre ans plus tôt, le régime irakien avait perpétré un génocide contre le peuple kurde ; elle avait découvert les camps de réfugiés en Turquie, entendu des témoignages terrifiants. Depuis, la reconstruction de cette région ravagée et endeuillée est devenue sa priorité, presque une obsession : « Vous lui demandez quelle heure il est, elle vous dit 5 heures pour 4 Kurdes », gentiment Roger Hanin, son beau-frère. a plaisanté.
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Ce rêve de justice et de liberté prend racine dans son enfance. Danielle Gouze est née le 29 octobre 1924, à Verdun, de parents anticléricaux, républicains et membres de la SFIO. À 6 ans, elle refusait de se lever en classe pour dire grâce, quitte à être privée de repas. A 10 ans, elle chante « L’internationale ». À 17 ans, pendant la Seconde Guerre mondiale, elle devient officier de liaison. Renée, sa mère, est enseignante. Antoine, son père, directeur de collège, a été démis de ses fonctions pour avoir refusé de fournir à Vichy les noms des enfants et des professeurs juifs de son établissement. La famille s’installe ensuite à Cluny, où elle accueille des résistants. Début 1944, Christine, sa sœur aînée et adorée, également impliquée dans un réseau clandestin, lui présente un certain « Morland », pseudonyme de François Mitterrand. Danielle doit aider le jeune Charentais, recherché par la Gestapo, à s’évader. Ils se marieront quelques mois plus tard dans le Paris libéré. Son engagement dans la Résistance la prédispose à un destin exceptionnel, sa rencontre avec ce futur animal politique ne fait que le confirmer.
“Ni bobonne, ni bourgeoise, ni glamour”, elle veut montrer qu’un autre monde est possible
En 1981, une première dame d’un nouveau genre arrive à l’Élysée. «Je ne suis pas une droguée», prévient-elle. « Ni bobonne, ni bourgeoise, ni glamour », écrit-on pour qualifier la plus insoumise des épouses de président. Elle met son pouvoir d’influence au service des sans voix, des désespérés, des minorités et des exclus. Danielle Mitterrand mène ses combats pour les droits de l’Homme à travers ses trois associations qu’elle a réunies en 1986 en créant la fondation France Libertés. En France comme aux quatre coins de la planète, elle veut montrer qu’un autre monde est possible. Elle fustige le libéralisme économique et l’exclusion des pauvres, accompagne les sans-papiers en grève de la faim à l’église Saint-Bernard de Paris, milite contre le racisme et pour la liberté du port du voile. .
Sa « diplomatie parallèle » hérisse le quai d’Orsay, embarrassant parfois son mari, qui reste pourtant impassible face aux positions radicales de celle qu’il appelle « ma conscience de gauche ». Les Chinois sont irrités par son amitié avec le Dalaï Lama, Hassan II par son soutien au Front Polisario et aux prisonniers politiques marocains. La «groupie Fidel Castro», comme on l’appelle, a accueilli en grande pompe à l’Élysée le dirigeant cubain, à qui elle a donné un baiser qui a défrayé la chronique. Elle applaudit les guérilleros communistes salvadoriens, les insurgés zapatistes mexicains qui défendent l’autonomie des peuples indigènes. Et avoue un coup de foudre idéologique pour leur chef, le sous-commandant Marcos. Révolutionnaires et anticapitalistes, ils ont tous son soutien.
Je continuerai mon action jusqu’à ma mort
Danielle Mitterrand
« Je poursuivrai mon action jusqu’à ma mort », déclarait-elle en 1992. Une promesse tenue. En février 2010, la veuve du président manifestait devant le siège de Veolia Environnement contre le contrôle de la multinationale sur la distribution d’eau. Elle a droit à cette ressource pour tout son dernier combat. A 85 ans, la résistante clunyoise conserve l’esprit de révolte de ses 17 ans.
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Le 22 novembre 2011, en hommage à la « petite pasionaria » qui vient de rendre son dernier souffle, le gouvernement régional du Kurdistan irakien a décrété une journée de deuil.
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