A 21h40, des coups de feu retentissent. Au restaurant, Jaurès s’effondre. Touché de deux coups de revolver, ce fervent pacifiste vient d’être assassiné par Raoul Villain, un exalté étudiant nationaliste, partisan de la guerre avec l’Allemagne. Un mois après l’attaque de Sarajevo, rien ne peut arrêter la marche vers la guerre. Elle deviendra mondiale et sera terriblement meurtrière, avec plus de 9 millions de morts et de disparus (dont 1,4 million pour la France) et plus de 21 millions de blessés.
31 juillet 1914. Le jour où « Ils tuèrent Jaurès ! »
VIDÉOS – Il y a 110 ans, à 21h40, le pacifiste Jean Jaurès était assassiné au « Café du croissant », à Paris, rue Montmartre, à deux pas des grands boulevards. Rien ne semblait pouvoir arrêter la marche vers la Première Guerre mondiale.
Panthéonisation ou « récupération » ?
Automne 1924. Dix ans après l’assassinat de Jaurès, le Cartel de gauche est au pouvoir en France. Un anniversaire qui tombe à point nommé pour le président du Conseil des ministres, le radical Édouard Herriot. Bien que les socialistes lui aient apporté leur soutien parlementaire, ils ont refusé de participer au gouvernement. Pour consolider une alliance qu’il sait fragile et retrouver un peu de l’aura dont jouit encore Jaurès, Herriot décide de faire transférer ses cendres au Panthéon, dont le fronton proclame : « Aux grands hommes la patrie est reconnaissante ».
Le pays permit cependant que l’assassin de Jaurès soit acquitté le 29 mars 1919, par onze voix sur douze. Un juré a même estimé que c’était lui qui avait rendu un service à sa patrie : « Si l’adversaire de la guerre, Jaurès, s’était imposé, la France n’aurait pas pu gagner la guerre. » Pire, sa veuve a été condamnée aux dépens, et a dû payer les frais du procès.
Le « deuxième assassinat » de Jaurès
« Jaurès, tombé au service d’un prolétariat qui voulait la paix, n’appartient pas plus à M. Renaudel qu’à Herriot. Par sa légende et par sa mort, c’est à la Révolution qu’il appartient. »
Au lieu d’unir la gauche en la prenant à travers ses sentiments, cette mesure symbolique va la diviser. Votée par la loi du 31 juillet 1924, date éminemment symbolique, la panthéonisation de Jaurès fait l’objet d’une mise en scène grandiose le 23 novembre suivant, mais elle se déroule sans les communistes. Ces derniers crient au « redressement » politique, dénonçant le « deuxième assassinat » de Jaurès. L’article de « L’Humanité », publié le même jour par Paul Vaillant-Couturier, est sans ambiguïté : « Jaurès, tombé au service d’un prolétariat qui voulait la paix, n’appartient plus à M. Renaudel qu’à Herriot. Par sa légende et par sa mort, c’est à la Révolution qu’il appartient. »
L’hommage de Mitterrand à Jaurès au Panthéon
A gauche, les blessures mettront du temps à cicatriser. Fondé en 1905 sous la direction de Jean Jaurès puis rebaptisé Nouveau Parti Socialiste, la SFIO se revendique comme un « parti de lutte des classes et de révolution ». Lorsque le Parti socialiste lui succède en 1969, le congrès de Tours entérine la scission de la SFIO en 1920, avec la création de la Section française de l’Internationale communiste, futur Parti communiste français. En juin 1971, celle d’Épinay scelle l’unité des forces de gauche derrière François Mitterrand, élu premier secrétaire du parti. Le PS fonde alors son action politique sur l’Union de la gauche et l’élaboration d’un programme de gouvernement commun. Gagnant, la stratégie fonctionne Mitterrand à l’Élysée, le 10 mai 1981.
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