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Kamel Daoud, lauréat du prix Goncourt, fait l’objet de deux plaintes en Algérie tandis que Boualem Sansal aurait été arrêté à Alger. En toile de fond, des tensions diplomatiques entre Paris et Alger.
Coïncidence frappante. Kamel Daoud et Boualem Sansal, tous deux écrivains franco-algériens, se retrouvent, à quelques jours d’intervalle, dans le viseur d’Alger. Le premier, récent lauréat du prix Goncourt pour son roman « Houris », est accusé de s’être inspiré sans autorisation de la vie d’un survivant d’un massacre de la décennie noire. Boualem Sansal, dont les proches n’ont plus de nouvelles de lui depuis une semaine, aurait été arrêté samedi 16 novembre à l’aéroport d’Alger alors qu’il revenait de Paris. Il est depuis en prison.
Comment comprendre cet acharnement contre deux auteurs ? Apparemment, ils sont accusés de choses très différentes. « Houris », de Kamel Daoud, a été interdit en Algérie dès sa sortie, en vertu de l’article 46 de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale (mis en avant le roman), qui punit de prison toute personne. « utilise ou exploite les blessures de la tragédie nationale pour saper les institutions de la République populaire algérienne et affaiblir l’État » […] ou ternir l’image de l’Algérie à l’international ». Mais les attaques contre lui vont désormais plus loin.
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Vendredi 15 novembre, un survivant d’un massacre dans les années 1990, Saâda Arbane, a déclaré à la télévision algérienne que Kamel Daoud s’était approprié sa propre histoire pour son roman. Comme Saâda Arbane, Aube, le personnage principal de « Houris », a survécu à un égorgement raté, porte une canule, entretient une relation difficile avec sa mère, gère un salon de coiffure… Selon son témoignage, Saâda Arbane a confié ses souvenirs et ses traumatismes à une psychiatre, devenue depuis l’épouse de Kamel Daoud. Elle dénonce une violation du secret médical. Elle a même porté plainte dès la parution du livre début août. Selon son avocat, Me Fatima Benbraham, une autre plainte a été déposée contre Kamel Daoud, au même moment, « au nom de l’Organisation Nationale des Victimes du Terrorisme ».
Uncertainty for Boualem Sansal
Dans le cas de Boualem Sansal, 74 ans, la plus grande incertitude demeure quant à sa situation. Selon un article du « Figaro » publié ce vendredi 22 novembre, l’écrivain et le journaliste qui l’accompagnait «seraient entre les mains des services secrets algériens et détenus au secret pendant six jours. Ils seraient accusés de « renseignement avec l’ennemi » ». De quel ennemi parle-t-on ? Peut-être de France. Ce vendredi soir, son éditeur Gallimard a exprimé son « profonde inquiétude » et appela son “libération immédiate”.
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Écrivain très critique envers le régime algérien, l’auteur du « Serment des barbares », lunettes rondes et queue de cheval blanchie, aurait pu payer ses récentes déclarations à « Frontières », média réputé d’extrême droite : « Lorsque la France colonisa l’Algérie, toute la partie occidentale de l’Algérie faisait partie du Maroc : Tlemcen, Oran et même jusqu’à Mascara. […]. Lorsque la France colonisa l’Algérie, elle s’établit comme protectorat au Maroc et décida, arbitrairement, de rattacher tout l’est du Maroc à l’Algérie, en traçant une frontière. »
Le Sahara occidental catalyse aujourd’hui les fortes tensions entre la France et l’Algérie. Lors de son déplacement au Maroc fin octobre, le président français Emmanuel Macron a en effet reconnu « Souveraineté marocaine sur le Sahara occidental »enterrant ainsi encore davantage les relations diplomatiques franco-algériennes déjà au point mort. Depuis, le gouvernement algérien a sans doute durci ses positions à l’égard de la France. Une politique dont Kamel Daoud et Boualem Sansal semblent payer le prix de manière spectaculaire et dramatique, dans le cas de Sansal.
Dans un texte publié sur le site du « Point », ce vendredi 22 novembre, Kamel Daoud réagit au sort de Boualem Sansal, qu’il appelle « mon frère ». Il écrit : «Je pensais avoir payé le prix le plus élevé pour mon dernier roman. Non. Il existe des livres encore plus chers : Sansal l’a démontré. Un pays qui traite mal ses écrivains est un pays qui manque son avenir, parce qu’il rate l’opportunité de son rêve. […] Mon frère Sansal est derrière les barreaux, comme toute l’Algérie. »
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