► La France peut-elle se retrouver sans budget ?
Et fermer en France comme aux Etats-Unis où les administrations fédérales s’arrêtent au 1er janvier faute d’accord entre le Congrès et le président sur le budget ? La situation n’est pas impossible en France, même si la Constitution prévoit des mécanismes pour que l’État dispose d’un budget au 1er janvier de chaque année.
Ainsi, dans le cas où le Parlement ne se prononcerait pas dans un délai de 70 jours après le dépôt du projet de loi de finances (50 jours pour le budget de la Sécurité sociale), l’article 47.3 de la Constitution permet au gouvernement d’exécuter son budget par ordonnance.
L’article 47.4 prévoit également la possibilité, en cas de délai trop court pour permettre la promulgation de la loi de finances, de voter une loi d’urgence autorisant la perception des impôts, les dépenses de l’État étant fixées par décret sur la base des le budget de l’année précédente.
La Constitution ne dit cependant rien du cas où le gouvernement serait censuré après avoir utilisé l’article 49.3 pour faire passer son texte en force…
► Que se passerait-il si le gouvernement était censuré ?
Ce scénario pourrait se produire dès la semaine prochaine, si le gouvernement choisissait d’utiliser le 49,3 sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Il s’exposerait alors à une motion de censure qui, si elle réunissait les voix du Nouveau Front populaire et du Rassemblement national, serait susceptible de faire tomber le gouvernement.
“Dans ce cas, la navette parlementaire est censée se poursuivre avec une nouvelle lecture dans chacune des assemblées, explique Mathieu Carpentier, professeur de droit public à l’université de Toulouse-Capitole. Mais j’imagine mal un gouvernement censuré, donc démissionnaire, mener une démarche législative. »
Dès l’été, une note du secrétaire général du gouvernement visant à clarifier les prérogatives d’un gouvernement démissionnaire estimait néanmoins que le budget relevait des « envoi d’actualités ».
« Il n’y a pas plus d’acte politique qu’un budget ! Ce n’est pas à un gouvernement qui s’occupe des affaires courantes de défendre un budget. »estime Mathieu Carpentier pour qui il faudrait donc recourir au droit d’urgence prévu par l’article 47.4 : « C’est tangent à la lettre de la Constitution, mais cela me semble être le plus cohérent avec principe de continuité de la vie nationale érigée par le Conseil constitutionnel. »
La loi d’urgence devra encore être votée par le Parlement. « S’il était rejeté, ce serait arrêt : au 1er janvier, chacun aura le droit de refuser de payer la TVA ou, s’il est mensuel, l’impôt sur le revenu car les impôts n’auront plus de base légale…”prévient le juriste pour qui le gouvernement a un autre choix : renoncer à utiliser le 49.3 et aller au bout du délai constitutionnel de 70 jours…
« A partir du 21 décembre, il pourra voter le budget par ordonnance »il explique. Avec bien sûr le risque que l’Assemblée, fâchée d’avoir été privée de ses prérogatives de vote, le censure. Mais la France aurait bel et bien un budget au 1er janvier.
► Quelles conséquences économiques et financières ?
De tels scénarios ne seront cependant pas sans conséquences financières pour la France. “Jusqu’à présent, nous avons bénéficié d’une certaine indulgence de la part des agences de notation”note Éric Dor, professeur à l’IESEG School of Management de Lille. En octobre, pour maintenir la note de la France à AA, l’agence Fitch comptait sur la capacité du gouvernement Barnier à faire adopter le budget.
Mais déjà, les marchés commencent à s’inquiéter : des pays comme l’Espagne ou le Portugal, de même notation mais de meilleurs fondamentaux économiques, empruntent à des taux plus attractifs que la France.
La chute du gouvernement conduirait donc les agences de notation à réviser à la baisse la note de la France. « Passer de la catégorie AA à A aura des conséquences, prévient Éric Dor. Les grands fonds veulent acheter de la dette AA, moins de dette A. Les banques qui détiennent de la dette A ont également l’obligation de la couvrir avec davantage de fonds propres : cela pourrait dissuader certaines d’acheter de la dette A. Dette française. Tout cela entraînera une hausse des taux. »
Pour Éric Dor, la censure du gouvernement Barnier serait donc « le scénario catastrophe »même s’il n’a pas peur « un scénario grec » : “Ce qui attend la France, c’est un écart de taux avec l’Allemagne du niveau de l’Italie, autour de 1,5 point, contre environ 0,7 point aujourd’hui”, explique-t-il. Cela pourrait coûter cher. »
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