« Aux Champs-Élysées ! » Au soleil, sous la pluie, à midi ou à minuit… » La chanson de Joe Dassin résonne entre les carcasses de viande, reprise à pleins poumons par 600 convives. Il est tôt, très tôt, ce jeudi matin. Pourtant, au marché de Rungis (Val-de-Marne), on débouche déjà des bouteilles de vin, on déguste du faux-filet et des côtelettes d’agneau dans un entrepôt à 4°C. Car ce 21 novembre, les grossistes en viande ont décidé d’organiser un banquet XXL au sein de leur propre pavillon pour célébrer le Beaujolais Nouveau dès 6 heures du matin.
Ils s’associent à Canon Français, une jeune entreprise spécialisée dans les banquets français XXL. Leur crédo : défendre le territoire et le patrimoine en organisant des tables géantes dans des lieux exceptionnels ou insolites. Ils reversent une partie des fonds à la préservation des sites historiques : châteaux, abbayes, etc.
Tiphaine, Jordan, Philippine et Pauline sont venus de Paris et de Versailles (Yvelines). « L’alarme s’est déclenchée à 4h05, 4h07, 4h09… » Philippine rit. « On est là pour l’ambiance, la viande – qui est excellente – et pour découvrir le MIN (marché d’intérêt national) de Rungis », confie Jordan, 31 ans, en se servant une portion d’aligot et un verre de vin, à l’heure du petit-déjeuner. « Le Beaujolais n’est pas le meilleur vin, mais avec de la bonne viande et des amis, il devient très bon ! » sourit Pauline.
« Patrimoine français et viande française, deux valeurs chères à Rungis »
Tandis qu’une ola commence sur les tables, une pharmacienne de l’Essonne termine son assiette. « Je vais travailler après, ça va être dur de tenir jusqu’à 20 heures », plaisante-t-elle. « Le prix n’était que de 8 euros, alors que les autres banquets au Canon Français coûtaient 80 euros. Un vrai bon plan, souligne son acolyte, de Chilly-Mazarin (Essonne). Et puis, c’était près de chez nous, on ne pouvait pas le rater ! »
L’idée d’une telle manifestation est venue de Christophe Deplanche, président du syndicat des grossistes en viande du MIN de Rungis. « Chaque année, nous faisions du Beaujolais Nouveau. Mais un jour que le marché était fermé, j’ai vu cette grande file vide dans le pavillon. Et si on y mettait des tables pour le Beaujolais ? J’ai contacté le Canon Français, un groupe de jeunes qui défendent le patrimoine français et la viande française, deux valeurs chères à Rungis. »
Le premier banquet, l’année dernière, a réuni 500 convives ; celui de 2024 autour de 600, avec clients, fournisseurs, salariés du site, grand public… « C’est le grand moment pour Rungis », applaudit Stéphane Layani, PDG de la Semmaris, la société qui gère le MIN. Nous sommes les premiers à être autorisés à vendre du Beaujolais Nouveau, c’est pourquoi nous le célébrons avant les autres. » Les premières dégustations ont cependant eu lieu à minuit pile à Beaujeu (Rhône), capitale historique de ce vignoble, situé à une heure de Lyon.
«On présente nos métiers»
« Nous n’avons pas l’habitude d’avoir autant de convives, mais c’est génial, car nous faisons découvrir la viande et nos métiers », sourit Christophe Deplanche, qui espère voir l’inflation sur ses prix stagner afin de préserver les volumes de vente, « et ainsi les éleveurs, dont beaucoup sont en difficulté dans le pays. »
Sur scène, les musiciens enchaînent les tubes, les sonneurs de cloches sonnent le cor de chasse, le président du marché exécute quelques pas de danse. L’alcool aidant, l’ambiance se fait détendue, festive, presque euphorique. Ce petit-déjeuner pas comme les autres permet à certains de pénétrer dans les profondeurs mystérieuses du plus grand garde-manger d’Île-de-France.
« Rungis est plus moderne et moins démodé que l’image que je m’en faisais », confie un participant, les yeux cernés. A côté, son ami, technicien sur les chantiers de la SNCF la nuit, est venu directement après le travail. « Et lui, là-bas, a choisi encore une autre option : la nuit blanche ! Il ne s’est pas couché du tout ! » rigole son ami. Pour eux, le Beaujolais signifie sûrement une sieste bien méritée.
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