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Jérémy Ferrari, Baptiste Lecaplain et Arnaud Tsamere parlent de leur métier d’humoristes

Duos impossiblesc’est un peu leur réunion annuelle. Malgré leurs projets solos respectifs, Jérémy Ferrari, Baptiste Lecaplain et Arnaud Tsamere finissent toujours par se retrouver. C’est donc tout naturellement que le premier invite une nouvelle fois sur scène ses deux acolytes pour célébrer en grande pompe le cap de la 10ème édition de son gala comique avec de nouveaux sketchs et des invités de marque (Florence Foresti, Ahmed Sylla, Paul Mirabel, Artus, Armelle , Camille Lavabre, Alexandre Kominek). Et s’il leur laisse carte blanche sur scène (un peu trop parfois, tant ils en profitent), ses paroles dominent un peu plus dans les interviews. Peut-être parce que ce spectacle lui appartient. Rencontre avec un trio bien constitué.

Jérémy Ferrari: « Baptiste nous fait rire car il nous parle à chaque fois pendant une heure de sa compagne, de son travail et de ses enfants »

Télé-Loisirs : Votre complémentarité est-elle toujours la même qu’à vos débuts ?

Jérémy Ferrari : Dès que nous sommes réunis, quelque chose de magique se crée entre nos mondes. Duos ou trios, j’en fais entre cinq et dix par an depuis dix ans, et cette évidence n’est pas toujours facile à trouver. Quand on est trois, tout va très très vite à l’écriture.

Justement, est-ce facile d’écrire à trois ?

JF : Il y a une forme d’équilibre. Baptiste est certainement celui qui propose le plus de trucs d’écriture. En revanche, la structure le gêne profondément. Cela m’obsède au même titre que le rythme. Et souvent, c’est Arnaud qui décide. Baptiste préfère avant tout écrire des blagues, Arnaud, les réaliser, et moi, voir le résultat net ! (Tous les trois rient, ndlr)

Baptiste Lecaplain : C’est exactement ça !

Arnaud Tsamere : Il a raison. Au final, il y a des pourcentages dans les droits d’auteur, on s’y retrouve tous.

Jérémy, tu as un humour assez agressif. Baptiste plutôt dans la vie de tous les jours. Et Arnaud dans l’absurde…

JF : On est un peu comme ça dans la vie. C’est pourquoi ce trio fonctionne. Arnaud nous fait rire, Baptiste et moi, car sa façon de voir la vie est souvent en décalage avec la normalité. Baptiste parce qu’il nous parle à chaque fois pendant une heure de sa compagne, de son travail et de ses enfants. Et je suis tout le temps en colère. J’ai cette agressivité naturelle. On caricature ensuite nos traits sur scène.

Baptiste, Arnaud, dans l’émission vous vous appelez Boubou… vous vous donnez souvent des surnoms comme ça ?

BL : Je l’ai entendu m’appeler encore comme ça quand il est descendu du taxi ! Nous l’avons fait en privé. Et puis on l’a fait un jour dans un sketch.

AT : C’est un surnom affectueux.

Dans cette 10e édition, vous jouez sur le fait que vous leur avez laissé carte blanche et que vous ne comprenez pas trop ce qu’ils proposent. Est-ce que l’écriture fonctionne vraiment comme ça ?

JF : C’est exacerbé dans la série. Mais il y a des choses qui les font rire et moi moins, ou que je trouve trop absurdes, trop gratuites, ou pas assez structurées.

AT : Typiquement, dans cette édition, la prise d’otage nous faisait tellement rire mais il ne comprenait pas vraiment. Il nous a fait confiance.

JF : Je leur ai dit “Es-tu sûr? parce que je ne trouve pas ça drôle« . Comme ils étaient convaincus, je leur ai fait confiance. Les gens sont morts de rire alors je me suis incliné. C’est pareil pour Le trio : quand j’écris une émission, je fais plus de deux ans de recherches, je rencontre des politologues, des experts dans tous les domaines. Là, ce que nous avons écrit est un non-sens. Des fois je me demande comment on fait la tournée du Zénith avec ça (rires, ndlr). Et pourtant, nous avons battu le record de ventes depuis l’ouverture de la billetterie en ligne dans la catégorie humour.

Jérémy Ferrari: “Dans l’humour, il n’y a plus rien de nouveau”

Les croquis peuvent parfois être un peu brouillons. Était-ce l’envie d’écrire ?

JF : Tout à fait. L’humour est une surprise. Si vous faites les choses dans l’ordre, cela devient prévisible et moins efficace. C’est la recette du succès des Duos.

Accents, costumes, caricatures : vous jouez sur des mécanismes vieux comme le temps. N’avez-vous pas peur que le public s’ennuie ?

AT : Quand ce n’est pas le premier spectacle, il faut proposer ce que le public aime chez soi tout en apportant ce qu’il faut de nouveauté et de surprise. Ce n’est pas de la paresse ou une écriture naïve. Il ne faut pas se trahir tout en respectant les attentes des spectateurs.

JF : Dans l’humour, il n’y a plus rien de nouveau. L’écriture et les sujets font la différence. La mécanique peut être similaire si l’on est conscient que les clapets doivent surprendre. Quand Artus revient pour faire son personnage Sylvain, ce n’est pas original. Mais les gens sont tellement heureux de le voir dans une autre situation ! Pareil pour Ahmed Sylla, qui refait un accent, ou Alban Ivanov qui imite un gitan.

L’ombre de Guillaume Bats (décédé en 2023) plane sur cette dixième édition…

BL : Nous voulions vraiment lui rendre hommage. Nous ne voulions pas manquer quelque chose.

JF : Guillaume était la mascotte du Duos impossibles. Il était là chaque année depuis le début. Nous sommes une petite famille. Nous aurions fait la même chose pour n’importe quel autre membre du gang.

Dans ces sketchs, vous utilisez plusieurs mots offensants parfois interdits aujourd’hui (pute, pédé, nègre, trans). Avez-vous hésité à faire certaines blagues ?

JF : En tant que comédien, vous ne devriez jamais penser de cette façon. Si tu joues un homophobe, tu dois utiliser le mot “fagot”. La dénonciation, la provocation et la caricature font partie de l’art et donc de l’humour. La dernière chose à faire serait de censurer les comédiens. Une société qui va bien est une société où les artistes sont libres. Cela devient problématique si vous continuez à traiter les gens d’homosexuels « pédés» en dehors de la scène. Depuis 15 ans je fais des shows de 2h30 où j’insulte le monde entier. Ce n’est pas mal pris car il n’y a aucune ambiguïté sur le sens de ce que je fais.

AT : Nous faisons un métier très binaire : les gens rient ou pas. Tant que tout le monde rit, ça va. Quand des comédiens se font virer des chaînes, par exemple, c’est parce que leur blague n’était pas drôle.

Jérémy Ferrari: “Quand on fait de l’humour, il faut laisser le premier degré à l’entrée de la salle”

Pourquoi aborder si directement des thèmes personnels, par exemple l’alcoolisme ?

JF : On ne peut pas rire des autres en se ménageant. Par exemple, Baptiste et Arnaud se moquent de moi parce que je suis allé pleurer sur le tournage de Sept à huit (en 2022, ndlr). On dit que j’ai parlé de mon alcoolisme et de ma tentative de suicide pour relancer ma carrière. Quand on fait de l’humour, il faut laisser le premier degré à l’entrée et entrer au théâtre.

BL : Duos impossiblesc’est une soirée unique par an, il faut donc qu’il y ait des moments forts. Jérémy avait déjà fait une émission évoquant sa tentative de suicide. J’ai trouvé ça drôle de lui rendre hommage en détournant ce sketch.

Vous n’êtes pas gentils l’un envers l’autre : Arnaud vous moquez de votre divorce, Baptiste de vos échecs au cinéma…

BL : Ce n’est rien comparé au spectacle de Trio. On grimace très fort ! Après certaines séances d’écriture, nous avons dû nous appeler pour nous dire que nous ne pensions pas ce que nous disions.

JF : Je me souviens d’une séance d’écriture où on commençait à bavarder sur Arnaud à propos de sa relation, j’ai commencé à aller très loin, Baptiste aussi. Arnaud ne riait plus. Nous lui avons dit que si cela lui faisait mal, laissez tomber, et il a répondu : “non parce que c’est drôle”. Nous avons pris les devants pour proposer au public un véritable spectacle avec un début, un milieu et une fin. Il y a beaucoup d’irrévérence, d’absurdité, d’humour noir. Personne ne pourra reprocher notre humour radical aux autres puisque le pire repose sur nous et nos familles.

Arnaud, en mars prochain, vous aurez 50 ans, un nouvel âge de raison. Un conseil à donner à Jérémy et Baptiste, qui sont sur le seuil de quelqu’un d’autre ?

AT : Cela me fait rire car avoir dix ans de plus a souvent été un sujet de plaisanteries entre nous trois. Ils atteignent la quarantaine et ils commencent à avoir une blouse blanche et des douleurs ici et là. Je ne dis rien, j’observe et je souris. Les ennuis commencent. Ça va être génial ! Sur le Tournée en trioJe vais fêter mes 50 ans et eux leurs 40 ans !

 
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