La présidente de la Coordination rurale, Véronique Le Floc’h, annonce un durcissement du mouvement paysan. Entretien.
Quelle forme prendront les actions de la Coordination Rurale dans les jours à venir ?
Nous avons des listes de doléances pour un plan de sauvetage agricole et nous nous sommes d’abord adressés aux préfectures pour demander des réponses. Ensuite, nous envisageons de nous mobiliser partout où nous continuons à vivre grâce à l’agriculture, même si nous, dans les fermes, ne vivons plus.
Les banques sont ciblées, les industriels, la MSA… En fait, tous ceux qui devraient être dans le combat à nos côtés et qui, finalement, sont très discrets et n’ont pas participé à nous apporter des solutions.
Nous allons bloquer les centrales d’achat, le fret alimentaire, de nombreux camions, les ports notamment ceux de La Rochelle, Bayonne, Bordeaux. Des coopératives également qui ne jouent pas le jeu et importent des produits alors que nos silos sont pleins.
Nous bloquons également les deux côtés de la frontière espagnole, au Boulou et à Hendaye.
Il y aura beaucoup de cibles et puis une grosse, dont je ne peux pas encore parler (le CR n’exclut pas notamment de bloquer Toulouse, NDLR)
Le blocage de l’A9 au Boulou, entamé mardi, va-t-il se poursuivre ?
Oui, c’est d’une durée indéterminée. Les roulottes ont été aménagées en paille, elles sont couvertes pour se réchauffer, des relais seront organisés. Tout est conçu pour contenir.
Quelles régions seront concernées ?
Les actions se concentreront d’abord sur deux régions, l’Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine, avec d’autres opérations un peu plus ponctuelles dans les Ardennes, la Marne et d’autres départements, car les vendanges ne sont pas terminées, ailleurs, puis-je je pense que cela ira ensuite partout.
Dès demain (ce mercredi 20 novembre), d’autres départements vont se mobiliser.
CLe mouvement ressemblera àil alors à celui que tu as conduit en début d’année ? Êtes-vous prêt à bloquer la France ?
Comment faire autrement ? À la Coordination rurale, il y a toujours un plan A et un plan B. Nous avons de l’imagination. Nous ne sommes pas là pour embêter la population, mais cette fois, il faut vraiment que chacun prenne conscience du tournant qui nous attend.
Si nous continuons ainsi, dans moins de dix ans, il ne restera plus que 150 000 exploitations agricoles, cela signifie que nous avons perdu notre autonomie alimentaire, nous allons aussi externaliser nos emplois. Il n’y a pas de pire projet social en France que celui que connaît l’agriculture. On ne peut pas massacrer une population qui travaille 70 heures par semaine, qui n’a pas de vacances, pas de retraite, qui finit fauchée. Si nous disparaissons, ce sont des emplois, des vies, c’est beaucoup de choses. Le Mercosur signerait l’arrêt de mort de l’agriculture française.
Les consommateurs pourraient bien décider de nous rejoindre, car on a pu le constater durant l’hiver, tous ceux qui s’arrêtaient sur le bord des routes pour nous apporter leur soutien. Ce mouvement est appel du fond du cœur. C’est un cri de détresse.
Ne craignez-vous pas les excès ? La FNSEA ne veut pas de blocages, que vous inspire son positionnement ?
Quoi que fasse la Coordination rurale, la FNSEA la critique. Je ne critiquerai pas leurs actions.
Ils font ce qu’ils veulent. Je suis ici pour défendre les agriculteurs. Lorsqu’ils peuvent dépasser certaines limites, il faut un peu de compréhension. QQue préférons-nous ? Avoir deux suicides par jour parce que la situation n’est plus supportable ? À un moment donné, si une personne déborde, c’est qu’elle est épuisée. Et ils sont nombreux dans ce cas.
Le ministère de l’Agriculture l’affirmait en début d’année : il y a 40 % des exploitations agricoles en difficulté financière. Depuis, nous avons connu les pires récoltes de cet été. A chaque fois nous nous levons, mais nous nous levons en moins grand nombre.
Vous êtes-vous fixé des lignes rouges à ne pas franchir, en termes de violences et de modes d’action ?
Les consignes sont claires : pas de dégâts matériels, pas de dégâts aux personnes. Quand quelque chose se salit, il est nettoyé.
Mais nous espérons obtenir gain de cause très rapidement pour éviter tout débordement, car plus cela durera, plus cela deviendra risqué.
En toile de fond du mouvement, il y a aussi les élections qui se profilent dans les chambres d’agriculture, c’est aussi un enjeu pour les syndicats…
Ce sera un référendum. C’est là que nous verrons si les agriculteurs ont compris qu’un changement s’imposait. En tout cas, nous espérons beaucoup de ces élections, elles seront décisives pour connaître la volonté des agriculteurs de sortir ou non de cette situation par eux-mêmes.
Les actions du monde paysan se durcissent
Les agriculteurs français ont entamé mardi une deuxième journée de mobilisation nationale contre l’accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur, le marché unique sud-américain, avec l’entrée dans le mouvement de la Coordination rurale, qui souhaite durcir les actions. Après le premier round de mobilisation orchestré, lundi, par la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs (85 points de manifestation à travers la France), les agriculteurs ont multiplié les opérations musclées, mardi : blocus du centre d’Albi (Tarn), occupation de la préfecture d’Agen. (Lot-et-Garonne), déchets déversés devant les portes de la mairie de Pessac (Gironde) et de la préfecture de Rodez… Un cortège d’une centaine de vignerons part, au même moment, de Béziers en direction de la frontière espagnole, où une première barrière filtrante a été organisée sur l’A9 au péage du Boulou (PO). Près de Montauban, dans le Tarn-et-Garonne, les locaux de France Nature Environnement (FNE) ont été endommagés. Les agriculteurs craignent notamment que la détermination de Bruxelles et du Mercosur à conclure, d’ici la fin de l’année, des négociations commerciales à long terme ne les expose à la concurrence de produits agricoles importés moins chers et qui ne sont pas soumis aux mêmes normes que les produits nationaux. Matignon annonce la tenue d’un débat sur le Mercosur au Parlement, suivi d’un vote, le 26 novembre.
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