[Mise à jour le 18/11 à 23h30 avec la déclaration du BNIC]
Comment réagir aux surtaxes chinoises sur les spiritueux européens ? C’est cette question à choix multiples que se posent les maisons de cognac depuis plusieurs mois. Les possibilités sont claires : ne pas travailler avec les autorités chinoises, coopérer un peu ou collaborer beaucoup. Pour préserver son deuxième marché, le cognac pourrait glisser vers l’option la plus complaisante.
Les salariés de Hennessy à Cognac seront en grève ce mardi 19 novembre pour dénoncer, selon leurs représentants syndicaux, la volonté de leur direction de s’essayer à la mise en bouteille du cognac en Chine. Selon la CGT, la branche LVMH envisagerait d’exporter du cognac déjà assemblé par conteneur afin de contourner les taxes de plus de 30% annoncées par le ministère chinois du Commerce sur le cognac en bouteille, en réponse aux taxes européennes sur les véhicules fabriqués en Asie. Ce ” test » pourrait avoir lieu d’ici la fin de l’année.
“Nous voyons cela comme une délocalisation de notre production, nous donnons la possibilité aux Chinois de contrôler notre outil, ce serait une perte de qualité et d’identité”critique Matthieu Devers, représentant CGT chez Hennessy. Verrerie, bouchage, étiquetage, emballage : “Tout ce que nous maîtrisons serait fait ailleurs, sans notre maîtrise et en leur offrant encore plus d’éléments pour produire leur propre copie”s’inquiète l’ouvrier, dont la direction aimerait également étudier les effets du transport sur la qualité de l’eau-de-vie.
La sous-traitance en première ligne
Contactée, la direction de Hennessy n’a pas encore répondu. L’option du transport en vrac plutôt qu’en bouteille est forcément sur la table des grandes maisons. L’idée a été évoquée lors d’un CSE de Rémy Cointreau. Si les entreprises empruntent cette voie, elles décideront donc de supprimer une partie de l’activité de la chaîne de valeur aval établie en Charentes. Un sacrifice des sous-traitants pour préserver le débouché commercial et anticiper d’éventuelles surtaxes, considérées comme le pire scénario par le secteur.
C’est aussi une manière d’obtenir l’approbation des vignerons car en assurant des expéditions de gros volumes, la commercialisation est maintenue. Et les domaines vont pouvoir écouler les stocks qui débordent dans les caves depuis deux ans. Après les premières difficultés enregistrées par la verrerie cette année, la sous-traitance serait encore durement touchée. Il est d’autant plus en première ligne qu’aucun cahier des charges n’impose que le cognac soit mis en bouteille sur son territoire d’origine.
« Ce n’est qu’une étude, vont-ils la mettre en œuvre à grande échelle ? Nous n’en savons rien» tempère un employé d’une des trois grandes maisons de cognac. Mais il n’y a pas de fumée sans feu, si la première maison le fait, elle ouvre la voie aux autres. Derrière, la crise sociale sera très violente. »
Sollicité par La Tribune, le Bureau national interprofessionnel du cognac ne commente pas l’étude d’Hennessy mais explique le « stratégies individuelles » par le contexte d’urgence. ” DEn attendant une solution négociée, et face à la dégradation constatée, certaines Maisons pourraient être contraintes d’explorer toutes les voies qui leur permettraient de maintenir la présence de l’appellation sur le marché chinois afin de tenter de limiter les impacts négatifs sur l’ensemble du territoire. secteur et région »écrit-il en mentionnant que « La priorité de la France doit être la recherche d’une solution négociée pour sortir Cognac de cette procédure. »
Après le vote de l’Union européenne sur les véhicules électriques fin septembre, la voie diplomatique semble être la dernière chance d’éviter l’arrivée des surtaxes. Mais alors que les résultats 2024 sont attendus en forte baisse, les chambres n’attendront pas les négociations gouvernementales pour réagir à leur manière.
La diplomatie, dernier recours du cognac et de l’armagnac face aux impôts chinois
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