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l’avocat Antoine Vey devant le conseil de discipline du barreau de Paris pour des soupçons de harcèlement moral et sexuel

L’ancien collaborateur d’Éric Dupond-Moretti est au cœur d’une procédure devant le conseil de discipline du barreau de Paris pour des soupçons de harcèlement moral et sexuel. L’avocat fait également l’objet d’une enquête pénale après trois plaintes déposées contre lui.

Ils décrivent tous avec les mêmes mots l’enfer qu’ils ont vécu entre les murs de ce prestigieux cabinet d’avocats. Collaborateurs, stagiaires, salariés, plusieurs affirment avoir été « humilié », “réduit”, « harcelé » par leur patron, Antoine Vey.

Cet avocat pénaliste, connu pour avoir défendu le fondateur de Wikileaks Julian Assange, mais aussi Patrick Balkany ou le frère de Mohamed Merah, a été choisi comme associé par le ténor Eric Dupond-Moretti en 2016, qui lui a ensuite confié les rênes du cabinet après sa nomination au poste de ministre de la Justice.

A 40 ans, l’avocat est donc accusé de faits potentiellement qualifiés de harcèlement moral et sexuel, révélés par nos confrères du journal. Libération en mars 2023. Franceinfo a pu s’entretenir avec certains anciens salariés qui se disent victimes des agissements de leur ancien patron. Au fil des années, plusieurs personnes ont démissionné, certaines ont contacté l’Ordre des Avocats, d’autres, plus rarement, ont décidé de porter plainte. Des plaintes que franceinfo a pu consulter et qui révèlent un quotidien décrit par un ancien collaborateur comme “un asile”.

“Je ne pouvais pas rentrer chez moi sans pleurer dans le bus”raconte un avocat installé dans le cabinet d’Antoine Vey il y a sept ans. Comme d’autres, elle raconte “intimidation”les humiliations, et “contrôle” exercé par l’avocat pénaliste sur ses confrères. «Dès qu’on a vu un message arriver, il y a eu une panique qui est montée. Nous nous sommes dit : « Qu’est-ce que je vais faire ensuite ? », « Quel nouvel ordre et contre-ordre va-t-il encore me donner ? ?’ et surtout ‘quel mécontentement va-t-il encore exprimer ?’, alors qu’on avait vraiment l’impression d’être au bout de ce qu’on pouvait donner »dit l’avocat.

Arrivée au cabinet en 2017 après un drame personnel, elle se retrouve responsable de tâches de comptabilité et de secrétariat malgré ses 20 ans d’expérience. Un tableau récapitulatif des dossiers en cours lui a particulièrement marqué. « C’est le niveau CP/CE1 » rebute l’avocat pénaliste selon le récit de l’avocat. Elle lui demande de changer de ton. « Le lendemain, j’ai été affecté à cette tâche pendant un mois, que j’ai dû refaire encore et encore, avec des codes couleurs qui changeaient, la pagination qui n’était pas tout à fait la bonne. C’était assez humiliant”, témoigne l’avocat qui a décidé de quitter le cabinet au bout de neuf mois parce que “de [son] corps qui ne voulait plus et ses proches qui étaient inquiets. Elle finira hospitalisée en psychiatrie après « une décompensation très violente ».

Et elle n’est pas la seule à avoir vu sa santé se dégrader durant son passage au bureau. D’autres anciens employés disent avoir dû prendre des anxiolytiques pour “Essaye de dormir”, ou avez perdu plusieurs kilos.

Ils décrivent tous également “ces humiliations” érigé selon eux “dans le système”. Pour maintenir son influence, Antoine Vey utilise ce qu’il appelle lui-même, selon plusieurs anciens collaborateurs “la théorie de l’élastique”.

« Nous étions tous une cible potentielle. À son tour. Antoine Vey avait systématiquement en ligne de mire un collaborateur sur lequel il déversait sa haine, sa colère, ses frustrations depuis des semaines. […] Il a changé quand il a senti que nous étions à bout de nerfs, prêts à nous effondrer, à nous rebeller, à démissionner.

un avocat

dans son rapport au Barreau

Souvent des humiliations publiques, notamment lors « assemblées générales » convoqué plusieurs fois par semaine par Antoine Vey. “Il rendait les copies, et parfois il montrait un document à tout le monde et demandait pourquoi c’était de la merde”dit un ancien collaborateur. Des scènes que les avocats débriefent ensuite longuement dans des échanges privés. « C’est vraiment horrible, j’ai l’impression d’être à l’école, en train de discuter de mes devoirs pour ne pas me faire engueuler par le prof. » écrit un avocat après une réunion houleuse.

« C’est ce que nous avons tous en commun : être dépossédés de toute confiance en nous et craindre de ne pas pouvoir rebondir ailleurs. Nous restons avec l’idée que nous ne valons rien. décrit une avocate dans son rapport au Barreau. Un cercle vicieux qui explique la difficulté de plusieurs anciens collègues à quitter le cabinet.

À ces humiliations s’ajoutent des demandes constantes, selon plusieurs témoignages. Messages et appels incessants de 6h du matin à après minuit, le week-end, les jours fériés et les jours fériés. « Votre téléphone doit être le prolongement de votre main », prévient Antoine Vey dès l’embauche, raconte un ancien stagiaire. Lorsque ses confrères ne répondent pas immédiatement, l’avocat n’hésite pas à interroger ses confrères via les nombreux groupes Whatsapp communs (jusqu’à 147) pour connaître les raisons de cette absence de réponse. «Cela pourrait même arriver lorsque nous étions aux toilettes pendant deux minutes.» dit un ancien collaborateur.

Une autre raconte dans son rapport au Barreau avoir mis son téléphone en mode sonnerie constante pendant un an et demi et avoir “J’ai perdu le goût de dormir” le week-end “de peur qu’il n’essaye de m’appeler un samedi matin à 8h du matin”. Les jours fériés ne font pas exception. Lundi de Pâques“J’ai eu droit à mon petit rappel ce matin à 8h”, écrit un avocat du cabinet dans une conversation commune entre collègues, où l’ampleur du malaise surgit à chaque échange. “Pour vrai, tout le monde travaille ???”, en redémarrer un autre. “Oui parce que je n’ai pas le choix”, répond un troisième.

« Nous harceler était sa raison d’exister », résume une ancienne employée dans son rapport à l’Ordre. Des demandes incessantes, y compris lors d’arrêts maladie, pour des tâches présentées comme urgentes mais qui concernent parfois la vie privée d’Antoine Vey. Une avocate raconte à franceinfo qu’on lui a demandé, alors qu’elle ne travaillait pas, d’organiser l’anniversaire de son patron.

Des demandes très loin des missions d’un cabinet d’avocats, qu’Antoine Vey n’hésite pas à exiger de ses troupes selon plusieurs de ses anciens collaborateurs. “Aller chercher ses costumes, l’accompagner chez le dentiste ou récupérer sa fille à l’école, réserver ses dîners et déjeuners au restaurant, ou encore ses vacances”, énumère un ancien membre du cabinet.

« Il a demandé à un stagiaire d’aller lui acheter une brosse à dents… On touche le fond » un avocat a écrit un jour à son compagnon. Un autre salarié, qui a porté plainte contre Antoine Vey, raconte avoir dû s’occuper d’un déménagement entre le domicile parisien de l’avocat et sa résidence secondaire, nettoyer les vomissures de ses enfants dans sa voiture, déboucher les toilettes de son appartement, démonter le Noël arbre ou les poubelles. Dans sa plainte, cet homme affirme avoir été “traité comme un larbin” pour des missions qu’il juge “dégradant”. Traité de “escroquer”, obligé de travailler “devant” son patron pour qu’il puisse vérifier ce qu’il faisait, cet employé a fini par quitter l’entreprise. « Une tyrannie malsaine » qui a « mis en péril notre équilibre familial », » croit son associé à la plainte de cet ancien collaborateur.

À ces « Des conditions de travail asphyxiantes » À cela s’ajoute ce qu’une ancienne salariée n’hésite pas à qualifier, dans son cas, de harcèlement sexiste et sexuel. Antoine Vey «Je me suis amusé à rapprocher son visage du mien jusqu’à ce que je le repousse. Il a dit qu’il testait mes limites », dit-elle dans son rapport au Barreau. Elle affirme également avoir souffert “mains sur la cuisse” et des remarques misogynes répétées : “C’est bien quand elle est là mais surtout quand elle se tait”, “Ce n’est pas du dossier dont je veux parler mais de vos petites tenues”, “Tout le monde te regarde, c’est normal avec ce pantalon”.

Jusqu’à cette scène, lors d’un voyage dans le sud de la pour rencontrer un client. Antoine Vey insiste, selon elle, pour prendre un verre seul. Elle accepte, bien décidée à l’affronter pour mettre fin à ce harcèlement. “J’ai expliqué que son comportement me mettait mal à l’aise et que s’il y avait une raison pour laquelle il m’avait recruté, autre que mes qualités professionnelles, alors je démissionnerais”, dit cette avocate dans son rapport. Selon son récit, Antoine Vey aurait alors répondu : « 95 % des gars qui te voient veulent te détruire. Oui, c’est un peu pour ça que je t’ai recruté. Mais c’est ta faute, tu te maquilles, tu portes des jupes, tu fais des sourires. Avant de tourner la conversation “en dérision”.

Dans son rapport, l’avocate raconte également les messages d’Antoine Vey lors de son congé (« Est-ce que je te manque beaucoup ?) et les menaces proférées si elle dénonçait ses actes. Informé d’une procédure disciplinaire dans un autre cabinet d’avocats, Antoine Vey lui a dit “Ce que je te fais est pire” avant de menacer de “détruire” sa carrière si elle parle, dit l’avocat.

Après deux ans au sein du cabinet, elle décide de démissionner. À l’été 2019, elle consulte un médecin, son corps lâche : “J’étais épuisée, je pleurais, je ne pouvais plus tenir mon téléphone en main”dit-elle dans son rapport.

Un ancien salarié, contacté par franceinfo, raconte son soulagement après son départ. «Je vis à nouveau, j’ai retrouvé le goût de beaucoup de choses», dit-il. Pourtant, le jour où il a annoncé sa démission à son patron, Antoine Vey l’a menacé : « Si j’apprends que tu as parlé à Libé [le journal Libération, auteur de la première enquête sur Antoine Vey], Je paie un gars pour vous mettre une balle entre les yeux.. “Cela m’a vraiment inquiété” dit cet ancien employé. Une peur toujours présente aujourd’hui. “Je l’ai revu devant le palais de justice, j’ai eu des nausées et des maux de ventre pendant une heure, alors qu’il ne pouvait plus rien me faire.”

Contacté par franceinfo, l’avocat d’Antoine Vey nie fermement les accusations de harcèlement moral et sexuel portées contre son client. “La question posée par ce dossier est celle du degré d’exigence en cabinets d’excellence”, croit Me Emmanuel Marsigny. UN “exigence que la plupart de ces jeunes avocats qui portent plainte n’étaient pas capables de satisfaire”, poursuit l’avocat qui estime que ces accusations reposent uniquement sur « une dizaine d’anecdotes sur 10 ans de vie de l’entreprise ». Il demandera mardi 18 novembre un report de l’audience prévue à 11h30. Pour ces faits, son client Antoine Vey risque des sanctions allant de l’avertissement à la radiation.

 
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