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« Dites la vérité »… Deux fils face à leur père

jeson profil, sa carrure, son nom. David, le fils aîné de Gisèle et Dominique Pelicot, arrive au bar lundi 18 novembre en jetant un regard furieux vers la loge où est assis son père. « Je ne viendrai qu’une fois, lui dira-t-il, et je veux que tu t’en souviennes. »

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David a 50 ans. Lors de son témoignage, il appelle son père « ce monsieur », ou encore « le monsieur à ma gauche ». Il tente cependant d’exprimer l’effondrement qu’a été pour lui la soirée du 2 novembre 2020, ces cinq minutes au téléphone où sa mère lui a raconté ce qu’elle venait d’apprendre – « l’horrible, qu’est-ce qu’il y a de plus horribles ». . «Quand je raccroche, j’ai envie de vomir. Quelque chose que je fais. Je vais aux toilettes pour vomir puis je rejoins ma femme dans le salon, je lui demande d’envoyer les enfants dans leur chambre. »

David raconte ensuite ce voyage en train avec sa sœur Caroline et son frère Florian, sa mère qui les attend au commissariat de Carpentras, « un petit bout de femme frêle, fragile, complètement perdu ». La nuit d’angoisse dans la maison de Mazan où trône encore l’ordinateur de Dominique Pelicot, la nécessité immédiate de détruire toutes les traces possibles de cette vie de famille qu’il croyait heureuse. Et puis sa façon de fondre en larmes, deux jours plus tard, dans les bras de sa femme. La dévastation, le deuil de ce père qui organisait des anniversaires surprises pour ses enfants, que ses amis trouvaient « formidables », avec qui il partageait le goût du sport et du thriller.

“Il avait une valise et son chien est parti”

« Quand nous sommes rentrés à Paris, il ne restait à ma mère, de ces 50 années de vie commune, qu’une valise et son chien. Pendant son séjour chez nous, elle faisait seule de longues promenades, trois ou quatre fois par jour, durant plus d’une heure à chaque fois. Je lui ai dit un jour « Maman, quand tu sors comme ça, tu fais quoi ? Elle a dit : « David, je me promène et je parle à ce monsieur. Je lui demande pourquoi il m’a fait ça, est-ce que je méritais ça ». J’ai appris, bien plus tard, que lors de ces promenades elle criait sa colère, elle criait sa colère. »

Du procès, David dit qu’il s’attend à ce que les accusés soient punis à la hauteur de ce que toute la famille a subi. Et à propos de son père, qu’il parle enfin. « S’il te reste une once d’humanité, dis-nous la vérité, raconte ce que tu as fait à ma sœur, à mon fils. » Dominique Pelicot s’écrie, il lui coupe la parole : « Calme-toi, c’est moi qui parle. » « Je ne peux pas avouer quelque chose que je n’ai pas fait », a déclaré son père lorsqu’on lui a donné la parole.

« – Vous avez pris des photos de ma sœur.

Si j’ai pris des photos, c’est parce qu’on les faisait chanter. »

La « crème de la crème »

Sur les bancs, c’est la foule des grands jours : tous les accusés sont présents, tantôt anxieux, tantôt moqueurs. « La crème de la crème », précise un peu plus tard Florian, le fils cadet. Il est mince, barbu. Il a quinze ans de moins que son aîné. Il ne lui ressemble pas, pas plus qu’il ne ressemble à son père. Il s’interroge depuis longtemps sur sa filiation, espérant faire un test de paternité. « Serait-ce un soulagement d’apprendre que vous n’êtes pas son fils ? », demande son conseiller, Me Camus. « Ce serait un soulagement, oui. Parce qu’il y a une question d’identité derrière tout ça. Malheureusement. Évidemment. »

Florian avait des doutes sur son père. Il décrit la nervosité de Dominique Pelicot lorsqu’il a vu son fils utiliser l’ordinateur de Mazan pour imprimer des coloriages pour les enfants. Cette adresse, utilisée un jour : « fetiche45 ». « Je lui ai dit : ‘Quoi ? Mais vous ne pouvez pas avoir un e-mail normal ?» Il m’a dit « Non mais tu comprends, c’est pour les roues de vélo dans le coin droit ». Ces dernières années, j’ai remarqué que mon père se mettait plus rapidement en colère. Il est imposant, quand j’étais enfant il me faisait peur. Mais je n’y ai pas prêté attention. »

“Quelles sont les instructions?” »

Il y a eu ce jour aussi où son ex-femme lui a rapporté une conversation qu’elle avait entendue entre Dominique Pelicot et un de ses petits-fils : il s’agissait de jouer au docteur, l’enfant a refusé. Florian dit se reprocher de ne pas avoir immédiatement parlé à ses parents : son frère et sa belle-sœur. La question taraude la famille de savoir ce que les petits-enfants ont vécu.

Apparemment, poursuit Florian, ses parents formaient un couple exemplaire un couple qui a tout vécu : infidélité, « problèmes d’argent ». « Quand on apprend ce qui se passe, cette fracture, cet homme, comment se construit-on ? Quelles sont les instructions d’utilisation ? Comment fait-on ? Quel est l’héritage que vous nous laissez ? » « Ce n’est pas facile de s’appeler Pélicot, dira-t-il plus tard, mais je veux, grâce à cette épreuve, que nos enfants et nos petits-enfants soient un jour fiers de porter ce nom. »

Pas celui de Dominique, mais celui de Gisèle. « Si ma mère est devenue l’icône qu’elle est aujourd’hui, poursuit Florian, ce n’est pas pour défiler lors des soirées de gala. Cela implique la responsabilité de chacun. Et pour prendre ses responsabilités, il faut être dans la vérité. Si tu as effectivement un peu d’humanité, de dignité, ajoute-t-il en se tournant vers la boîte, dis la vérité à Caroline. Vous n’avez plus rien à perdre là où vous êtes. Et puis ce n’est pas ce que tu m’as dit : “On fait des choix, on prend l’arbre avec ses fruits ?” »

« Un drame absolu »


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Gisèle Pelicot est devenue une icône, c’est vrai. Dont le nom s’étale sur tous les murs d’Avignon. Dont le visage doux et déterminé est devenu celui du procès. Lundi, elle écoute sans dire un mot ses enfants à la barre. Ses fils, tout d’abord. Et puis sa fille Caroline qui, la voix un peu tremblante, affirme qu’elle est « la grande oubliée » du public. « Durant le premier mois de ce procès, raconte Caroline, j’ai réalisé que j’avais tellement pensé à ma mère que je me retrouvais un peu à l’écart, invisible. Lorsqu’on m’a montré ces photos le 3 novembre 2020 (images d’elle endormie, en sous-vêtements, NDLR), j’ai su que j’étais sous sédatif pour me faire maltraiter par Dominique. Gisèle a été violée, certes, sous soumission chimique, certes, mais la seule différence qui existe entre elle et moi, c’est l’existence de preuves tangibles et implacables. Pour moi, c’est une tragédie absolue. »

Caroline a créé une association, M’dors pas, et essaie de la faire vivre. “Pour moi, ce procès n’est pas seulement le procès de Gisèle Pelicot”, dit-elle encore. Il s’agit du procès de soumission chimique en , dont on entend peu parler. Cela prend forme, mais à quel prix ? Au prix de mes nuits, de ma santé mentale, de ma survie, de ma restauration personnelle. Mais je n’abandonnerai pas. Je resterai engagé jusqu’au bout, tant que nous n’aurons pas progressé sur ce terrain. » Elle retourne chez elle : quelque part près de sa mère, de ses frères et de ses belles-sœurs au milieu d’une famille brisée.

 
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