Louis Chedid est cet auteur, compositeur, interprète et écrivain nourri presque par voie intraveineuse de mots. Au fil du temps, il a su les combiner pour les transformer en chansons. Pourtant, à sa naissance, à Ismaïlia en Égypte, rien ne permettait à sa mère poétesse d’imaginer qu’il deviendrait chanteur-interprète et lui-même écrivain, tel était le cordon ombilical qui lui enroulait autour du cou. l’avait empêché de crier et même de respirer. Dès l’âge de cinq ans, un concert classique à la salle Gaveau semble avoir scellé son destin et lui avoir donné le goût du son. À 16 ans, il commence à écrire ses propres textes, et 60 ans plus tard, il manie toujours la plume avec le même brio. Aujourd’hui, il a sorti un nouvel album intitulé Rêveur, rêveuret sera en concert au Théâtre des Bouffes du Nord les 13 et 14 décembre.
franceinfo : C’est le rêve, finalement, qui construit un chemin ?
Louis Chedid: Bien sûr. Si je n’avais pas rêvé d’une vie meilleure après le baccalauréat – le baccalauréat étant une étape qu’il fallait franchir – si je n’avais pas rêvé depuis des années et des années de ce que je pourrais faire plus tard et aux côtés d’artiste. J’ai aussi eu la vision de ma mère qui était quelqu’un qui écrivait, et alors quand j’étais toute petite, je me disais : qu’est-ce qu’elle fait ? Je n’ai pas compris. Elle était dans son lit avec sa table un peu inclinée, son texte puis elle corrigeait ses manuscrits. J’ai vu plein de couleurs, de marqueurs différents et je me suis dit : c’est ce que je veux faire quand je serai grande, je veux rester à la maison, dans mon lit, être libre.
Le premier morceau qui ouvre l’album et qui finalement le clôture aussi puisqu’il existe une version piano voix, est : Pulsation. Cela veut-il dire que le cœur a ses raisons ?
Oui, je pense que l’émotion, et l’amour – il ne faut pas avoir peur des mots – que l’on donne aux autres et qu’on se donne avant tout, c’est arriver à « aimer ». Quand j’étais petite, je ne m’aimais pas. Et puis au fur et à mesure que la vie avance, il faut apprendre à s’aimer. C’est vraiment la première chose.
«Quand on s’aime un peu, on regarde les autres et on a envie de leur donner des sentiments, des émotions. C’est un métier qui est vraiment fait pour ça. J’ai l’impression de servir un but. “
Louis Chedidsur franceinfo
On se sent plus léger depuis l’album précédent, un album piano chant, En noir et blancqui est venu renforcer quelque chose.
Je m’éclaire. Donc il y a beaucoup de gens qui pensent que quand on a fait beaucoup de disques, on n’a plus rien à prouver, mais c’est le contraire. La barre est de plus en plus haute, c’est de plus en plus difficile parce qu’on a le background de tout ce qu’on a fait avant. Nous sommes en même temps assez libérés de beaucoup de choses qui nous préoccupaient au début. On se demande si on sera encore capable d’écrire une chanson, on est cérébral, on se pose la question, chaque phrase est analysée, on perd beaucoup de temps. Mais à un moment donné – du moins, c’est mon expérience – on se dit : «Je l’ai déjà fait, je sais que c’est possible, l’inspiration ne s’épuise jamais, finalement c’est une évidence et j’avance« .
C’est surprenant parce que pendant longtemps, vous avez eu du mal à parler du temps qui passe parce qu’il y a toujours ce chemin inévitable. Et quand tu étais petite, tu avais un professeur qui te traumatisait.
Oui, un professeur de français qui m’a dit : «Pensez-vous à la mort ?«Et j’avais huit ans. Cela m’a complètement traumatisé parce que je me disais : “Ah putain, oui, je n’y pense pas« . A huit ans, c’est un peu normal. D’un autre côté, cela a dû me permettre de faire des chansons que je n’aurais peut-être pas faites si je ne le pensais pas.
Cet album vous ressemble terriblement et plus on avance, plus vos albums vous ressemblent. Avant, vous nous racontiez des histoires qui étaient les nôtres et aujourd’hui, vous vous racontez à travers nous.
C’est tout à fait vrai. J’ai quelques exemples comme ça. J’ai fait une chanson intitulée Bouc-Bel-Airqui est un village près d’Aix-en-Provence où je suis allé quand j’étais petite. Dans toute cette scolarité qui a été vraiment éprouvante pour moi, il y a justement eu ces trois mois de vacances où je suis allé à Bouc-Bel-Air et où je me suis senti vraiment heureux. Alors un jour, j’ai fait un album et cette chanson, et quand je suis revenu à Paris, je l’ai fait écouter à mon producteur de l’époque et je lui ai dit : «eh bien, ça ne m’intéresse queje”. Mais je me souviens, il y avait d’autres personnes et les gens étaient très émus par cette chanson. Ce jour là je me suis dit :
« Plus nous cherchons au plus profond de nous-mêmes des choses très personnelles, plus nous pouvons être universels car tout le monde vit ces émotions. »
Louis Chedidsur franceinfo
Pour finir, il y a un titre très fort qui s’appelle Le bonheur me rend heureux. Alors, qu’est-ce que le bonheur ?
Pour moi, il s’agit de vivre comme je rêvais de vivre quand j’étais adolescente et d’y parvenir. C’est un luxe dans la vie de pouvoir vivre comme on rêvait quand on était petit, ou même de vivre librement et de pouvoir faire des choses qu’on aime et de ne pas avoir ce sentiment de travail, même si on travaille beaucoup. .
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