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Mensonges et plus si affinités

Pour la sortie de son dernier album J’ai menti.Damso s’ouvre et se laisse photographier pour la première couverture numérique de l’histoire de Booska-P. Une nouvelle prise de risque pour ceux qui n’ont pas peur du mensonge ni du doute. L’homme est serein face à ses peurs, ses névroses, et son public… Interview.

Position-P : Quand on a écouté l’album, j’ai vraiment eu le sentiment que tu t’amusais, peut-être plus que jamais, à essayer de nouvelles choses, de la danse au shatta. Même au niveau de la communication, c’est hyper organique et spontané, vu de l’extérieur. On se sent presque plus à l’aise que jamais, même s’il s’agit d’un projet expérimental où l’on prend beaucoup de risques…

Damso : Je crois avoir compris qu’il ne servait à rien de s’inquiéter. C’est peut-être parce que j’ai la trentaine et que je prends mes responsabilités (sourire)… Je vais juste mieux et je crois que quand on va mieux, on se sent plus libre… Je pense que la distance que j’ai avec ma compréhension du comment des autres me voir est proche de 100%. Je comprends que vous considérez le projet comme quelque chose d’expérimental, mais ce n’était pas nécessairement mon approche. Le regard des autres m’affecte de moins en moins, et cela crée une liberté que je ne maîtrise pas encore complètement, que je découvre en même temps que tout le monde.

Damso pour la première reprise numérique de Booska-P. Photographie :Atman Qrita.

Un album Damso fait partie des événements de l’année culturelle au sens large. Avec le bruit et les débats générés par les séances d’écoute, ressentez-vous la pression ?

Oh honnêtement, je vais bien. Je sais que je répète souvent la même chose… En fait, l’opinion des autres est quelque chose que je chéris aussi parce que « c’est ton avis, je l’accepte, nous sommes ensemble ; que ce soit positif ou négatif, c’est en fait calme ». Et je suis tellement à l’aise avec ça. Je ne vois pas cela comme de la pression, pour moi la pression vient quand on a peur du doute. Moi, je n’ai pas peur de mon doute. Mes peurs sont à la bonne place, elles me servent d’alarme. Je n’ai donc pas ce rapport au risque dans la musique parce que j’aime ce que je fais, indépendamment des autres. Là, je me sens encore mieux et c’est là qu’il n’y a plus de risques. Tout cela me met à l’aise.

Photographie : Otman Qrita.

Ce projet marque votre grand retour avec de nouvelles musiques… On vous a vu interagir souvent avec votre public ces derniers mois, qu’est-ce que cela vous a apporté ?

Prendre du temps pour moi m’a permis de rencontrer des gens de mon public et de prendre du temps pour eux. J’avais des discussions d’une heure, parfois deux heures… Avant, je ne rencontrais mes fans qu’à la fin d’un festival ou d’un concert. Le fait d’avoir pris du temps pour moi m’a aussi permis de rencontrer des gens du public et d’avoir du temps pour eux. Et je pense que parler aux gens qui écoutent votre musique la rend plus humaine ; Je n’ai plus vraiment ce côté-là “célébrité”. Je vois juste des humains et nous discutons… C’est peut-être pour cela que la pression n’existe vraiment plus.

Avez-vous l’impression d’être revenu à hauteur humaine depuis le début de votre renommée ?

J’ai compris que j’avais finalement des choix. J’ai compris qu’il n’y avait pas qu’une seule façon d’expérimenter la célébrité. Je peux le vivre comme je veux. Je ne le savais pas avant. Maintenant, quand je rencontre des gens, nous parlons ; ce sont juste les gens qui aiment ou n’aiment pas ce que je fais, et fin de l’histoire. Maintenant que je comprends ça… Je ne vois pas comment j’aurais de la pression, c’est cool.

Photographie : Otman Qrita.

Cela se ressent dans les paroles, dans vos prises de risques, l’album est aussi expérimental que flamboyant par moments…

C’est très beau ! En vérité, quand j’écris, je ne me pose pas plus de questions que ça. Je pense que c’est un travail personnel que j’ai fait, qui porte ses fruits… Je vais bien, je comprends mieux les choses, je comprends mieux certaines émotions. Je suis dans une dynamique où je me mens de moins en moins, où je sais quand je peux me mentir, et ça aussi me fait parfois du bien. J’ai enfin une très bonne relation avec moi-même, je pense que c’est juste ça.

Quand on parle de mensonge par exemple, un album de Damso sans parler d’amour ou de couple, ce n’est pas un album de Damso. On a l’impression que ce thème, ce mélange entre fiction et réalité, vous fascinera toujours.

Je ne sais pas si je m’en lasserai un jour, ou s’il y a des problèmes qui me suivront peut-être jusqu’à la fin de ma vie (rires). Je vis ma vie et je suis étonné de réaliser… (il fait une pause) qu’il y a des choses qui continuent de me suivre, peu importe ce que je fais, elles sont là, alors je leur dis.

Photographie : Otman Qrita.

Il y a aussi d’autres thèmes récurrents dans votre musique, comme la condition des noirs, que ce soit face au racisme ou dans une dimension plus large, lorsque vous parlez du néocolonialisme. Nous savons que vous êtes préoccupé par le Congo, votre pays d’origine. On a l’impression que ces sujets vous rattraperont toujours dans votre musique…

Quand j’entre en studio, je ne viens pas avec une seule partie de moi, je viens dans son ensemble. C’est peut-être aussi pour cela que je parlerai toujours de certaines choses. Je vais en studio avec moi tous, et si une mélodie m’inspire au combat, j’écrirai à ce sujet.

Êtes-vous optimiste face à ces questions ?

Je dirais non, je pense que c’est pessimiste. Les choses changent, mais nous ne sommes pas toujours là pour le voir, et je l’accepte. C’est pourquoi je vais au Congo et je fais ce que je peux. Ce qui m’intéresse, c’est que les choses changent, que je sois là ou pas.

En parlant de politique, il y a une phrase qui m’a fait sourire, celle sur « la main lourde » de Damien Tarell (qui a giflé Emmanuel Macron en juin 2021, NDLR)…

Tu es le seul à l’avoir attrapé, les gens ne l’ont pas remarqué ! Les gars, je vais vous faire une punchline de folie (rires) ! Plus sérieusement, quand j’écris cette punchline je ne pense pas immédiatement à la politique… C’est ce qui est intéressant avec une punchline c’est que chacun peut se l’approprier par rapport à un contexte qui lui convient. C’est clair que ce sont les plus belles punchlines. Je ne donnerai pas trop de définition car cela perturbe aussi l’élan de l’auditeur. La punchline, vous pouvez la prendre vous-même, il y a un contexte, en même temps il pourrait y en avoir un milliard. C’est ça l’art de la punchline pour moi, je la mets là, je te mets la pression et c’est à toi de réfléchir.

Photographie : Otman Qrita.

Avez-vous toujours cette magie de vous dire : « Là, ils vont l’avoir » ?

Oui, toujours ! Mais c’est davantage avec mes frères et mes amis, avec qui je partage certaines phrases devant le public. C’est ce que nous préférons en famille.

Chaque album marque une étape dans la vie deun artiste, à ce stade où en sommes-nous avec Damso, où en es-tu ?

Nulle part, et c’est pour ça que je l’aime vraiment. Cette fois je n’ai rien besoin de chercher, j’ai compris que désormais je vis de mes joies. Et chaque jour, il y a une petite nouvelle vie. Comme hier, je me suis dit, je vais aller à Milan, je vais me détendre. Et puis peut-être que je dirai en fait je n’aime pas ça, et j’irai au Brésil et en fait c’est ce côté-ci, de nulle part qui m’intéresse.

Parce que vulgairement, j’ai fini le jeu. Je ne vais pas me mentir, me dire qu’il y a des défis qui m’intéressent alors qu’ils ne m’intéressent plus. Ce qui m’intéresse maintenant, c’est de découvrir des choses qui m’intéressent, c’est là que j’en suis. Comme le design par exemple, c’est pour cela que je suis à Milan en ce moment. Parfois, j’aime aussi aller en Scandinavie. C’est ce que je commence à développer, il y a une porte qui est entrouverte. C’est là que je suis dans ma vie, un nulle part qui me convient.

Photographie : Otman Qrita.

Dans votre parcours artistique, vous avez annoncé que ce projet serait l’avant-dernier. Vous êtes toujours sur cette ligne, nombreux sont ceux qui vont être tristes...

Non, ne sois pas triste ! Je pense encore qu’après Beyah je partirai, mais il y a quelqu’un qui m’a parlé et qui m’a fait comprendre quelque chose. Elle m’a dit : il n’est pas nécessaire de s’arrêter pour avancer. Cela fait quelques jours que cela résonne en moi. Là, mon cœur est prêt à faire autre chose et je suis donc toujours dans cette réflexion. Mais surtout, je ne voudrais jamais, au grand jamais, ne pas être authentique auprès de mon public. Tout d’abord, je ne le voudrais pas pour moi, mais encore moins pour mon public. Parce que c’est peut-être une erreur pour moi honnêtement… Si ça ne me parle plus, je vais essayer d’autres choses. Maintenant tu n’es pas à l’abri… (sourit) Je l’ai toujours fait J’ai menti…

Interview de Jalal Kahlioui
Artistic direction: Noemi Bonzi
Photographies : Otman Qrita

 
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