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un an après la mobilisation, la frustration des agriculteurs persiste

Sur les visages, même fatigue, et dans les esprits, mêmes problèmes. Moins d’un an après leur premier mouvement de protestation, une grande partie des agriculteurs s’apprêtent à sortir les tracteurs pour bloquer les routes à partir de lundi et alerter sur leur situation. Récoltes historiquement faibles, concurrence internationale, apparition de nouvelles maladies, les difficultés s’ajoutent les unes après les autres aux exigences plus anciennes, comme la lourdeur administrative, la faiblesse des rémunérations ou la complexité des normes. Et face à cela, les agriculteurs dénoncent encore le manque de réponses politiques concrètes.

Bleu leur donne la parole ce vendredi, à l’occasion deune journée spéciale « crise agricole », au cours de laquelle le Premier ministre sera également l’invité de France Bleu. “Désabusé» pour les uns, en colère pour les autres, frustré pour la plupart, tour d’horizon avec les reportages des journalistes de France Bleu à travers le pays.

Dans la Creuse, la frustration des éleveurs face à l’inaction politique

Près de ses Charolaises, dans sa ferme de Genouillac, dans l’est de la Creuse, Carole Alabergère dresse un bilan amer de la première mobilisation : «Il n’y a pas eu de véritables actes et quelque part, on s’en doutait un peu”regrette-t-elle au micro de France Bleu Creuse. “Le pays est resté paralysé pendant un mois. Nous nous attendions à des réponses, mais le temps a passé et rien n’a changé», dénonce également Robin Leclercq, éleveur de vaches laitières à Saint-Bard, “un peu dégoûté que les choses n’avancent pas.”

Carole Alabergère sera de nouveau dans les manifestations à partir de lundi mais elle semble désillusionnée. « Je ne sais même pas si nous devons le croire. Nos politiques doivent vraiment évoluer. Il y a toujours un ras-le-bol général”souligne-t-elle.

Carole Alabergère, éleveuse à Genouillac dans l’est de la Creuse. © Radio-France
C.André

«On n’en peut plus», confie un éleveur marnais

Le ton est le même dans la Marne, dans la ferme de Stéphane Minjeau, à Vitry-en-Perthois. Normes administratives, fièvre catarrhale, mauvaises récoltes et maintenant le traité de libre-échange avec le Mercosur…les difficultés s’accumulent. « J’en ai complètement marre. Quand tu te lèves le matin et que tu as des problèmes de santé, des contraintes financières et administratives, on n’en peut plus »il se confie à France Bleu Champagne-Ardenne“À un moment donné, les éleveurs diront ‘stop, on arrête’.» Lui aussi sera de retour dans les rangs des manifestants à partir de lundi.

Stéphane Minjeau, producteur laitier de la Marne, mobilisé il y a un an, il manifeste à nouveau contre le Mercosur. © Radio-France
Lion Citron

En Haute-Saône, on s’apprête à manifester devant l’Élysée

Sous-traitant agricole en Haute-Saône, Maxence Wittmann est prêt à se rendre aux fenêtres d’Emmanuel Macron pour se faire entendre. “Rien n’est fait, nous ne sommes pas écoutés »souligne à France Bleu Besançon celui qui a manifesté trois fois à Paris avec son tracteur début 2024. « Ce que nous avons fait en début d’année n’est rien du tout comparé à ce qui va se passer. S’il faut aller déposer les lames devant l’Élysée, nous le ferons cette fois-ci ! “il menace.

Il attend des mesures concrètes, tout comme Boris Verne, céréalier dans le département voisin du Jura depuis 20 ans. Ses champs s’étendent à perte de vue, avec sept cultures différentes. Mais ils ne lui permettent pas toujours de se verser un salaire. En cause, les prix trop élevés des matières premières : « Les produits phytopharmaceutiques augmentent tout le temps, les semences aussi… L’azote reste élevé donc si on produit un produit inférieur par rapport aux autres années, on n’a plus de marge brute à la fin, donc la récolte ne sera pas plus rentable ». D’autant que les récoltes 2024 sont médiocres, du fait d’un temps très pluvieux.

Dans l’Eure, “18 mois perdus”

Aujourd’hui, ce qui reste de la première mobilisation pour de nombreux agriculteurs, c’est d’abord beaucoup de frustration. “Un an plus tard, rien ne s’est passé. Les promesses auraient dû être tenues, sauf que l’Assemblée a été dissoute, et cela a tout arrêté.“, deplores Christophe Guicheux, farmer in Sylvains-les-Moulins, south of Évreux, in Eure. “Au moment où le nouveau gouvernement a été mis en place, toutes les lois qui auraient dû être adoptées, comme la loi d’orientation agricole qui était censée produire quelque chose de correct pour les agriculteurs, n’ont pas été adoptées. Il faut donc tout recommencer. Nous aurons perdu 18 mois, mais 18 mois qui seront très compliqués pour les agriculteurs.

Un an après la mobilisation historique de l’hiver 2024, la situation des agriculteurs français s’est dégradée selon Christophe Guicheux. © Radio-France
Bastien Roques

Dans l’Yonne, bio et conventionnel dans le même bateau

Et qu’ils produisent en bio ou en conventionnel, les agriculteurs ont les mêmes attentes. « Bio ou conventionnel, nous sommes tous dans le même système. Nous avons tous du mal à payer nos factures aujourd’hui. » explique à France Bleu Auxerre Philippe Laugaudin, producteur de céréales et oléagineux bio à Évry dans le nord de l’Yonne. A quelques kilomètres de là, René Fouet, betteravier et maire de Champigny-sur-Yonne, fait le même constat : les lourdeurs administratives empoisonnent leur vie, tout comme le libre-échange à outrance et la guerre des prix contre la grande distribution.

René Fouet, conventional beet grower in Champigny-sur-Yonne and Philippe Laugaudin, in large organic crops in Evry in Yonne. © Radio-France
Renaud Chandelier

Dans le Finistère, lourdeur administrative et idées noires

À ces difficultés s’ajoutent le surmenage et la solitude qui menacent de nombreux agriculteurs. Dans le Finistère, Michel, agriculteur qui souhaite garder l’anonymat, a dû faire appel à une association pour le soutenir. “Ça n’allait plus, je me repliais sur moi-même», témoigne-t-il sur France Bleu Breizh Izel. “J’étais fatigué, je travaillais tout le temps, même la nuit. Une fois, j’ai dormi sur mon tracteur.

Le taux de suicide est plus élevé chez les agriculteurs que dans les autres professions. Selon la MSA, la Mutualité sociale agricole, 529 agriculteurs ont mis fin à leurs jours en 2016, soit environ 1,5 suicide par jour dans le secteur.

La passion gagne pour la jeune génération

Malgré tout, une partie de la jeune génération refuse de se laisser décourager. Dans les Pyrénées-Atlantiques, Lou-Anne Godot, 22 ans, a repris il y a trois ans une exploitation agricole à Barinque. «Je l’ai toujours eu en tête depuis que je suis petite. Je savais que je voulais travailler dans ce monde : les animaux, la ferme. elle explique à France Bleu Béarn. Malgré “la paperasse“Et les crises sanitaires, sa motivation n’a pas été mise à mal.”Je me lève tous les matins et m’amuse à aller soigner mes mollets. Je pense que c’est la passion. Je suis très fier de ce que je fais. Je n’ai absolument aucun regret.

Jeyson Gruau envisage de s’installer dans le Nord Mayenne l’année prochaine. © Radio-France
Marcellin Robine

En Mayenne, Jeyson Gruau, 23 ans, rêve aussi depuis longtemps de devenir agriculteur. En septembre prochain, cet employé agricole aura sa propre exploitation dans le Nord Mayenne et il n’a pas tellement peur de se lancer en pleine crise agricole. « Il y a encore pas mal de demande en lait de vache, donc pour moi, on pourra toujours s’en sortir. » il explique à France Blue Mayenne. “Après, c’est toujours la même chose, c’est le prix du lait, il faut qu’il soit mieux valorisé chez les éleveurs. Pour faire entendre cette revendication, il se mobilisera auprès des Jeunes Agriculteurs dès ce dimanche. « Nous devons être unis entre nous. C’est très important. S’il n’y a pas de réponse, ça va monter et ça va devoir aller de l’avant »il prévient.

 
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