« Pourquoi insistons-nous pour changer les mathématiques au lycée chaque année ? »» demande Jean-Rémi Girard, le président du syndicat national des lycées et collèges (Snalc). Une question qui prédomine après que la ministre de l’Éducation nationale, Anne Genetet, a dévoilé son plan intitulé « Acte II du choc des savoirs », mardi 12 novembre.
Elle a notamment annoncé qu’une épreuve anticipée de mathématiques serait instaurée à partir de juin 2026 pour les élèves de première année générale et technologique, « sur le même modèle que le test de français attendu ». “C’est encore une autre solution dans cinq ans”commente Claire Piolti-Lamorthe, présidente de l’association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public (APMEP). Depuis 2019, l’exécutif tâtonne sur le traitement réservé aux mathématiques au lycée.
Ajustements répétés
Tout a commencé avec la réforme du baccalauréat menée par le ministre de l’Éducation nationale de l’époque, Jean-Michel Blanquer. Celui-ci prévoyait la suppression des secteurs traditionnels (L, ES et S) au profit des spécialités. Jean-Michel Blanquer avait ainsi imaginé deux voies, pour les profils qui voulaient se spécialiser en mathématiques et pour ceux qui, au contraire, ne le souhaitaient pas.
Cette réforme laissait ainsi la possibilité à certains élèves d’abandonner les mathématiques en fin de deuxième année. « Ce qui a eu pour conséquence de remettre en question la place des mathématiques »analyse Pierre Mathiot, inspirateur de la réforme du bac et du lycée, puis copilote de son comité de suivi de 2019 à 2023.
Le déclassement du sujet avait suscité un tollé, tant parmi les enseignants que parmi les dirigeants d’entreprises qui avaient réagi dans de nombreuses tribunes. Le gouvernement a été contraint de faire marche arrière en 2022 en réintroduisant une dose facultative de mathématiques avant de la rendre obligatoire à la rentrée 2023 pour tous les élèves de CP (sous forme d’une heure et demie de cours par semaine).
“Mais jusqu’à présent nous n’avons pas mesuré leur niveau puisqu’il n’y avait pas d’épreuve de mathématiques”expliquait Anne Genetet en début de semaine. A travers cette nouvelle épreuve, la ministre indique qu’elle souhaite « avoir un vrai baromètre et élever le niveau en mathématiques ».
Sur le deuxième objectif fixé par le ministre, le monde enseignant est dubitatif. « Ce n’est pas parce qu’on reprogramme un test qu’on hausse le niveau »replies Jean-Rémi Girard. « Est-ce en introduisant un examen qu’on redonne le goût de la matière aux étudiants ? »interroge Claire Piolti-Lamorthe. L’APMEP demande avant tout « plus d’heures consacrées aux mathématiques afin de mieux former les étudiants car l’heure et demie est très insuffisante pour réaliser l’ensemble du programme indiqué. »
Encore de nombreuses incertitudes
Par ailleurs, certains craignent que la mesure ait un effet contre-productif sur la place des mathématiques au lycée. « Cela crée une sorte d’exception très surprenante dans le fonctionnement du bac Blanquer.estime Jean-Rémy Girard. Les non-spécialistes auront une note d’examen et une note de contrôle continu tandis que les spécialistes auront deux notes d’examen. Ce qui n’existe pour aucun autre matériau. N’envoyons-nous pas le message que les mathématiques bénéficient d’un traitement spécifique ? »
Cette annonce soulève également des questions de faisabilité. “Cela pourrait bousculer l’architecture du bac Blanquer, car il faudrait attribuer un coefficient à cette épreuve anticipée, et donc en retirer aux autres épreuves”estime Pierre Mathiot. Le spécialiste note également que ce test augmenterait l’horaire des examens et qu’il mobiliserait un grand nombre de correcteurs caril concernerait près de 300 000 exemplaires.
De même, qu’adviendra-t-il du contenu du test ? Le ministère explique que “les modalités précises sont en cours d’élaboration”tant sur le coefficient que sur le programme sur lequel les étudiants de première année seront évalués. Mais il ajoute qu’il y aura deux tests distincts pour les spécialistes et pour les autres.
Pierre Mathiot se dit “interrogatif” concernant l’annonce du ministre. « J’y étais plutôt favorable, car cela pourrait avoir du sens qu’on vérifie le niveau des élèves de première année en français et en mathématiques, qui constituent l’épine dorsale du système scolaire français.il confie. Mais je me demande s’il n’est pas trop tard dans la dynamique de cette réforme qui a besoin de stabilité. » Car celui qui est aussi politologue prévient : « Il y a peu de chances que cette disposition soit effectivement mise en œuvre. Or, dans le monde éducatif, les enseignants, les parents et les élèves n’aiment pas les incertitudes. »
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