Il avait quitté Plazac en Dordogne pour ses études, il y est revenu pour reconstruire sa vie. Antonin Bergier est un survivant. Il se trouvait au Bataclan à Paris le 13 novembre 2015 lorsque des terroristes djihadistes ont attaqué les lieux, faisant 90 morts et plusieurs centaines de blessés. C’était un vendredi soir, Antonin Bergier et ses amis Allan et Bertrand, originaires de la côte landaise, avaient décidé d’assister ensemble au concert des Eagles of Death Metal tout en célébrant les 40 ans du troisième.
Il était environ 21h15, les premiers riffs de guitare venaient de retentir lorsque les premières fusillades éclatèrent. Neuf ans plus tard, Antonin Bergier n’a rien oublié de ces minutes et de ces heures qui l’ont envoyé, lui et les 1 500 spectateurs présents, en enfer.
Une balle dans la gorge
« Bertrand danse, je bois un verre avec Allan quand j’entends des explosions. Je pense d’abord aux pétards. Mais c’est la panique générale. Les gens crient, courent dans tous les sens. Ils tentent d’échapper aux rafales des kalachnikovs. On se perd. »
« Devant moi, poursuit le Périgord, deux assaillants, un jeune homme de petite taille, l’autre assez grand avec une carrure athlétique, vêtu de vêtements sombres et non masqué, continuent de tirer. Je prends un escalier de service et me retrouve à nouveau face à face avec des terroristes. Ils m’ignorent et continuent de mitrailler dans tous les sens. Je dois chevaucher des cadavres, les blessés gémissent, le sang coule, j’entends des cris : c’est l’horreur. Finalement, j’ai réussi à sortir et je me suis réfugié sur le boulevard dans un immeuble voisin où se trouvaient déjà une dizaine de personnes. Je ne suis pas concerné. Je soigne une jeune fille blessée par une balle à l’épaule et au dos, elle sera rapidement évacuée. »
“Je dois chevaucher des cadavres, les blessés gémissent, le sang coule, j’entends des cris : c’est l’horreur”
Récupéré par les secours en pleine nuit et longuement interrogé, Antonin Bergier n’a pu se rendre à l’hôtel où logeaient ses amis Allan et Bertrand que le matin du 14 novembre 2015. Il n’a retrouvé Allan seul, blessé. dans l’épaule. Ce n’est que le lendemain qu’on apprend le décès de Bertrand : il a reçu une balle dans la gorge.
Dans les jours qui suivent, Antonin Bergier est orienté vers les services psychiatriques. Au moment du drame, âgé de 29 ans, il étudiait en maîtrise d’économie et vivait donc en région parisienne. Tout a changé : « J’ai la tête vide, je suis jeune mais je n’ai plus de projets, alors je décide de partir prendre l’air huit mois en Amérique du Sud où je trouve du travail. Mais le Périgord me manque, je suis de retour, je me cherche, alternant petits boulots et suivis psychologiques en région parisienne. »
Un corps de ferme à restaurer
S’il décide ensuite de reprendre ses études et obtient un master 2 en diplomatie en négociation stratégique, sa reconstruction, lente et difficile, avance avec un projet très concret : en 2020, le Périgourdin achète un mas en pleine campagne à Meyrals, près de Saint-Pierre. -Cyprien, pour le rénover. Antonin Bergier a repris « le goût de la vie », s’efforçant d’oublier. Aujourd’hui, les travaux sont presque terminés et il est fier d’habiter cette maison restaurée. Parallèlement, il est recruté comme collaborateur du député Sébastien Peytavie.
« Ma chance est d’être encore en vie mais je reste marqué à jamais, malgré le temps qui passe », murmure-t-il. Pas un jour ne passe sans penser à cette nuit d’horreur et à son ami Bertrand… En 2022, pour le procès des attentats du 13 novembre (1), il ne s’est rendu qu’une seule fois à Paris, accompagné d’un ami avocat.
(1) La cour d’assises spéciale de Paris a condamné Salah Abdeslam, seul membre survivant des commandos qui ont tué 130 personnes, à la réclusion à perpétuité, la peine la plus lourde du code pénal. Les autres prévenus ont été condamnés à des peines allant de deux ans de prison à la perpétuité, avec une période de sûreté pour certains et une période incompressible pour d’autres.
A Périgord victim
Un jeune Dordogne est tombé au Bataclan. Maxime Bouffard est décédé dans les bras d’un de ses amis. Il avait 26 ans et faisait ses débuts en tant que réalisateur. Il vivait à Paris depuis cinq ans mais cet enfant de Coux-et-Bigaroque restait très attaché à son Périgord. Le village a également donné son nom à l’école locale et ses amis ont créé un festival de rock en sa mémoire, les Bouffardises. Le dernier clip qu’il a réalisé, pour la chanson « Joséphine » du Dernier Métro, est sorti, le groupe conservant cet hommage posthume à ce « gars simple qui aimait la vie ».
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