«ÇCela fait des semaines que ça clignote partout. » Le vendredi 13 novembre 2015, en visite à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis pour interroger une islamiste repentie, Lucie Kessler (Fleur Geffrier, vue dans Gouttes de Dieu), commandant à la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure), s’inquiète de la menace terroriste croissante sur le territoire français.
À des milliers de kilomètres de là, en Turquie, l’analyste de la DGSE Malika Choukri (Rachida Brakni) tente d’extraire d’un prisonnier réticent la localisation d’Abdelhamid Abaaoud, un jihadiste activement recherché : « Quand vous le retrouverez, il sera trop tard »… C’est avec ce sombre avertissement que la série commence Les espions de la terreur, dont M6 diffuse les deux premiers épisodes ce mardi 12 novembre.
A LIRE AUSSI « Un ami dévoué » : que vaut la mini-série sur le mythomane du Bataclan ? Basée sur le livre d’investigation éponyme (publié en 2018 chez Harper Collins France) de Mathieu Suc, journaliste spécialiste des questions de terrorisme chez Mediapart, cette passionnante mini-série en quatre parties raconte jour après jour, et mois après mois, la traque des responsables. pour les attentats parisiens perpétrés par les services de renseignement français en 2015 et 2016. Une course contre la montre haletant pour les empêcher de récidiver et une remarquable plongée de réalisme dans un monde opaque, immergés aux côtés d’agents entièrement dévoués à leur sacerdoce, souvent au le sacrifice de leur vie privée.
Au cœur du réacteur des services secrets français
C’est en lisant un article de Mathieu Suc que Franck Philippon, le créateur de la série a vu « la promesse d’une fiction très forte » : « On y disait qu’à la suite du 13 novembre, la DGSE avait établi une liste de quelques noms de cibles. Au bout de deux ans, toutes ces cibles avaient été hébergées et éliminées, explique-t-il. j’ai ensuite lu Les espions de la terreur et j’ai senti qu’il y avait là matière à une histoire à la fois captivante et cathartique, portant les émotions qui nous ont tous traversés et racontant la nécessité de les surmonter pour agir et éviter de nouvelles grèves. »
Mais si l’enquête du journaliste détaille de l’intérieur le fonctionnement des services secrets de l’État islamique, présentant ses divisions (contre-espionnage, bureau des opérations extérieures, commandos, etc.), ses méthodes et le parcours de ses protagonistes, la série renverse le point focal pour adopter celui des agents de la DGSE et de la DGSI : « Dans la fiction, le récit repose sur l’empathie et l’identification. Il était donc impossible d’adapter le livre du point de vue des terroristes”, explique Emmanuel Daucé, le producteur de ce thriller chez Terra Media Fiction.
A LIRE AUSSI « Novembre » sur France 2 : plongée au cœur de l’antiterrorismeLes auteurs imaginaient donc Lucie, Malika, ou encore Vincent Morin (Vincent Elbaz), major à la direction de la sécurité intérieure de Lille, comme autant de héros positifs pour porter l’intrigue : « Au-delà de retracer l’enquête, l’un des objectifs était de tendre la main au spectateur de le faire passer à travers le miroir et de lui montrer le travail de ces hommes et femmes dans les coulisses pour rendre hommage à leur engagement total », explique Franck Philippon.
Fictifs, ces personnages n’en restent pas moins le reflet d’authentiques espions, que Mathieu Suc a pu rencontrer pour les besoins de son travail. Ou par plusieurs « sources » de la DGSI, dont s’inspire le personnage de Saïd (Rachid Guellaz), alias « Minotaure ». Le journaliste a effectivement participé aux ateliers d’écriture, aux côtés des scénaristes (dont Laurent Guillaume, ancien flic) et d’un ex-agent, assurant une précision impressionnante du récit.
L’obsession du réalisme
Un souci de réalisme assumé également par le réalisateur Rodolphe Tissot (La dernière vague, Ce que Pauline ne te dit pas), qui allie sobriété et efficacité dans sa mise en scène : « On raconte une histoire vraie. Ce qui était important pour moi, c’était donc de montrer les choses telles qu’elles se passaient, pas d’en faire des scènes de cinéma, insiste-t-il, revendiquant la série américaine comme référence.Les tours imminentes. Nous avons eu accès à de nombreux reportages, dont celui de l’arrestation de Salah Abdeslam (un des hommes du commando du 13-Novembre, NDLR). Il décrit un tapis rouge avec des cartons de pizza au fond d’une cave. Eh bien, c’est exactement ce que nous avons filmé. »
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Très documentée, la série déroule une intrigue dense, au rythme intense. Revers de la médaille : on peut parfois se sentir dépassé par la quantité d’informations fournies sur cet univers codifié – termes précis, noms de terroristes, sigles, etc. – notamment dans le premier épisode, particulièrement dense. Franck Philippon le reconnaît : « L’enjeu était de réussir à traduire la complexité de l’enquête, sans la trahir, tout en rendant l’histoire compréhensible. »
La ligne de crête est fine mais la série parvient finalement à trouver le bon équilibre pour captiver le spectateur. En apnée, il ne peut échapper à cette poursuite asphyxiante, entre huis clos, conflits départementaux, filatures, infiltrations numériques, etc., qui laissent au passage entrevoir l’intimité ébranlée des agents de la lutte antiterroriste. La tension est permanente, l’émotion toujours sous-jacente.
Parfaitement écrit, réalisé et incarné (on citera également Pierre Perrier et Louis-Do de Lencquesaing), ce thriller d’espionnage est une véritable réussite, dans la lignée du Bureau des Légendes et d’autres modèles similaires. Les deux premiers épisodes seront suivis du documentaire Au sein des services secrets de l’État islamiqueégalement adapté du livre de Mathieu Suc. Les deux prochains seront diffusés le mardi 19 novembre, précédant le documentaire Opération Apagan, exfiltrer Kaboul.
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