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une marée humaine pour dire au revoir aux marins

NARRATIF – Des centaines de milliers de spectateurs sont venus saluer dimanche la quarantaine de marins au départ des Sables-d’Olonne.

Ils sont arrivés en vélo électrique vers 4h30 du matin, à une heure où les rues des Sables-d’Olonne n’étaient pas encore envahies par le public ni fermées à la circulation. Une vieille couverture écossaise au sol pour délimiter leur petit territoire, un grand thermos pour le thé chaud, une brioche vendéenne et tout un tas de chouquettes dans un sac en papier imbibé d’huile pour les aider à affronter la matinée. Marie-Caroline et Jacques, abonnés du Vendée Globe, en sont à leur sixième départ.

Au fil des années, ils ont peaufiné leur organisation pour trouver le meilleur emplacement sur les quais de La Chaume, le long du canal où les marins défilent dans une ambiance furieuse et un brouhaha vertigineux. « A chaque édition, on vient un peu plus tôt, ce sont les meilleurs endroits, où il y a la meilleure ambiance »glisse l’ancien sémaphoriste de la marine nationale emmitouflé dans son caban. A quelques mètres de lui, la fête se prépare aussi. Un père tente désespérément de réparer une corne de brume en fin de vie. « Ce sont les enfants, ils ont cassé le pourboire. Et bien tant pis, on va crier ! »dit-il avec fatalisme devant les visages découragés des trois bambins.

La grande foule

Le jour ne s’est pas encore levé, mais les meilleurs emplacements ont déjà été pris d’assaut. De petits groupes de supporters s’occupent de remonter le moral à l’heure du croissant. Parmi les bannières « Fais-nous rêver » ou « Bonne chance »chacun a un favori désigné : Jean Le Cam (Tout commence dans le Finistère – Armor Lux), often, Violette Dorange (Devenir), le plus jeune (23 ans) dans l’édition parfois aussi. Un groupe de trois Guingampais montés sur des tabourets, coiffés de coqs tricolores et armés d’une vuvuzela, une corne sud-africaine au bruit assourdissant, divertissent la galerie. « The hats are for Monique, Guirec Soudée’s chicken ! »expliquent-ils, en référence aux fameuses gallinacées rouges qui ont accompagné le Breton lors de son tour du monde à la voile entre 2013 et 2014.

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Il n’est pas encore 7 heures et les quais bruyants sont remplis de monde. Les retardataires commencent à se tourner vers le Remblai, cette longue promenade bordant la plage des Sables-d’Olonne. L’ambiance n’est pas aussi festive, mais avec une bonne paire de jumelles, vous pourrez aussi profiter du spectacle une fois les bateaux sortis du chenal en attendant le coup de feu prévu à 13h02.

Quatre ans après un triste départ en pleine crise du Covid et du confinement, la foule nombreuse a une nouvelle fois assiégé la cité vendéenne. Combien étaient-ils ce dimanche alors que la barre du million de visiteurs du village devait être dépassée ce week-end ? Les organisateurs espéraient 400 000 personnes, public compris en mer (entre 7 000 et 12 000 spectateurs répartis sur un peu moins de 1 000 bateaux, selon diverses estimations). Les vedettes rapides proposant des excursions pour suivre le départ étaient pleines, malgré des tarifs élevés : parfois jusqu’à 300 euros. A ce prix, le déjeuner est inclus avant le retour à terre en milieu d’après-midi.

Maelström d’émotions

Mais en mer, c’était un peu la douche froide pour ces privilégiés. Car même si le soleil a réussi à percer les nuages, le vent très faible (4 nœuds) a cloué tous les bateaux sur place au départ, pénalisant davantage les Imoca à foils que ceux à dérives droites. « Ce sera au moins un petit soulagement de ne pas se faire écraser en mer ce soir »s’est réjouie Samantha Davies (Initiatives cardiaques) sur le ponton, heureux d’éviter une raclée dès le départ dans ce tour du monde en solitaire, sans assistance et sans escale.

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Pour voir le spectacle, il fallait être tôt le matin sur le ponton de Port Olona, ​​un véritable tourbillon d’émotions. Charlie Dalin (Macif Santé Prévoyance), deuxième il y a quatre ans et l’un des grands favoris à la victoire, a ouvert le bal avec des essayages chronométrés à la seconde près à 8h00 précises. « Partez d’abord ? Ça me va, c’est génial, c’est exactement ce dont j’avais besoin »a glissé Le Havrais, pressé de repartir et attendu par Thomas Coville au pied de son bateau. « Tu as la meilleure histoire »lui glisse le navigateur qui a fait neuf fois le tour du monde (en solitaire ou en équipage) après l’avoir laissé s’isoler avec sa compagne et son fils. « Rendez-vous ici, en janvier, pas avant »dit le Normand en s’éloignant, le poing serré. En face, Yannick Bestaven avoue avoir « mal dormi » comme beaucoup de concurrents. Après avoir pris le temps d’embrasser le trophée installé à l’entrée du ponton, le champion en titre a longuement serré son épouse et ses deux filles dans ses bras. Loïse et Mona parviennent à tenir le coup, mais fondent en larmes en voyant leur père s’entendre Maîtrisez CoQ.

« Autant hier j’étais impatient de repartir, autant j’y resterais encore quelques jours voire quelques semaines avant d’y aller »confides Jérémie Beyou (Charal), désormais cinq participations au Vendée Globe, mais le cœur lourd avant de bercer sa petite Romane de seulement 3 mois. Les adieux ont également été difficiles pour Violette Dorange, la benjamine de l’édition, submergée par l’émotion avant même d’atteindre son ponton où l’attendaient ses parents, son frère et sa sœur. « Le simple fait de voir les autres concurrents sur la chaîne me fait quelque chose »chuchote-t-elle après avoir séché ses yeux rouges. « C’est fou et magique »répète-t-elle doucement, des étoiles dans les yeux.

Succès garanti

Il y avait au contraire de l’euphorie dans l’air et même beaucoup d’insouciance devant le bateau de Guirec Soudée (Freelance.com) après la visite du ministre de l’Intérieur et vendéen Bruno Retailleau est venu dire un mot à la majorité des marins. « C’est le plus beau jour de ma vie. Je suis super calme. Vous avez devant vous un homme heureux, qui retrouvera son élément. J’ai de l’eau de mer qui coule dans mes veines et ce n’est pas stupide de dire ça. C’est que du bonheur… On m’a dit qu’il y en avait 400 000 les gens sur la chaîne ! »» proclame le rookie.

Un peu plus tard, Benjamin Ferré (Monnoyeur-Duo Pour un Travail) relâche la pression en se lançant dans une danse endiablée sur le pont de son Imoca, une enceinte portable glissée dans sa combinaison de cracheur Dis que ce n’est pas si Joe par Murray Head. Une image insolite, comme celle du déguisement de Damien Seguin (Groupe Apicil) skipper né sans mains, enfilé dans un costume de Capitaine Crochet. Le japonais Kojiro Shiraishi (DMG Mori Global Un) avait opté pour des vêtements de samouraï, et Jingkun Xu (Jingkun Xu) pour une tenue traditionnelle chinoise pétillante. Succès garanti dans la chaîne. Pas de quoi rivaliser malgré tout avec la popularité incomparable de Jean Le Cam, lui aussi éteint sur le ponton avant le départ (il avait qualifié l’avant-course et les sollicitations médiatiques de « chemin de croix ») ce showman transformé dans son élément, la mer. Un « King John » né pour faire monter encore un peu les décibels dans une chaîne conquise et lui réservant un au revoir triomphal.

 
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