« Jeu, set et match. » Dès l’aube ce mercredi 6 novembre, alors que les premiers résultats de l’élection présidentielle américaine indiquaient une victoire de Donald Trump, Elon Musk n’a pas caché sa joie sur son réseau social X (ex-Twitter). Pour le milliardaire sud-africain, c’est l’accomplissement d’une longue campagne en faveur du candidat républicain, soutenue financièrement à hauteur de près de 120 millions d’euros, mais aussi savamment orchestrée sur sa plateforme achetée en octobre 2022. « En deux ans, Elon Musk a préparé le terrain pour Trump de deux manières : explique Romain Badouard, chercheur en sciences de l’information et de la communication et maître de conférences à l’université Paris-Panthéon-Assas. Il a tous deux été rapatrié »
Non content d’avoir réhabilité la sphère complotiste américaine sur son réseau social, Elon Musk a également choisi d’adopter la rhétorique de l’élection volée en 2020. Ainsi, le 30 octobre, le milliardaire a relayé une vidéo suggérant que Dominion, fournisseur de machines à voter, est aurait rencontré des problèmes techniques. « Que se passe-t-il, Dominion ? » “, il a ensuite publié, suggérant une fraude potentielle sans l’énoncer clairement afin d’éviter tout procès en diffamation. Une autre fausse nouvelle annoncée par Elon Musk est que le Parti démocrate transporte des migrants « illégaux » vers des États swing, dans le but de leur faire obtenir la citoyenneté américaine et de voter pour eux.
Des espaces de discussion privilégiés accordés à la magasphère
Un véritable matraquage, accéléré dès un mois avant la date du scrutin, s’est ainsi mis en place sur sa plateforme. Durant le seul mois d’octobre, pas moins de 3 000 posts ont été publiés par le milliardaire, assure le New York Times. “On parle d’un homme jouissant d’une visibilité phénoménale, compte le plus suivi de la plateforme avec 202 millions d’abonnés, qui en plus de cette audience a peut-être bénéficié de bonus algorithmiques, rappelle Tristan Mendès France, maître de conférences à l’université Paris Cité, collaborateur de l’Observatoire du complot. La valeur ajoutée de Musk, c’est d’avoir emmené dans la magasphère toute une partie de sa communauté plutôt fanatique de ses innovations technologiques, en tweetant en même temps que patron de X, entrepreneur de Tesla et activiste politique de Trump. »
L’outil ” espace “ a également permis de donner la parole à un certain nombre de personnalités de la complosphère américaine, favorables au camp républicain. Grâce à cette fonctionnalité permettant des conversations audio en direct sur 4 millions de followers), adepte de théories scientifiques vagues et covid-sceptique… Ainsi que Donald Trump lui-même. Selon Elon Musk, cet « espace » partagé avec le candidat républicain a été vu un milliard de fois.
Changement idéologique
Alors que Donald Trump a déjà affirmé vouloir nommer Elon Musk à la tête d’une commission gouvernementale chargée d’un audit de la fonction publique américaine, la sphère conspirationniste américaine exulte. “Il est assez surprenant de constater un tel virage idéologique, de la part d’un homme qui, au moment du scandale Cambridge Analytica, prônait une meilleure régulation des réseaux sociaux et la mise en place de moyens supplémentaires pour lutter contre la désinformation”, note Romain Badouard, en référence à cette société accusée d’avoir massivement exploité les données de millions de citoyens américains lors de la campagne de Donald Trump en 2016. “Musc suppose qu’il va faire volte-face et mettre sa plateforme au service d’un milliardaire ultralibéral, il déchiffre à nouveau. C’est une situation symptomatique de l’évolution du monde de la Silicon Valley : quand l’argent entre en jeu, les idéaux politiques passent au second plan. »
Et en fait, la stratégie est plus que payante financièrement : “Je t’aime Elon” » a déclaré Donald Trump au début de son discours de victoire, sans compter ses paroles douces pour son fidèle soutien de campagne. Dans la matinée, les actions du groupe Tesla ont bondi de 13% en pré-séance.
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