«Tant que l’État ne comprendra pas que les communes ne sont pas un fardeau mais un levier, nous serons dans une incompréhension permanente et totale», a insisté André Laignel, premier vice-président adjoint de l’AMF, président de la Commission des finances locales et maire d’Issoudun (Indre, 11 232 habitants), lors d’une conférence de presse le 5 novembre 2024. En effet, les élus locaux, qui tiendront leur 106e Le Congrès, du 18 au 21 novembre, ne supporte plus d’être le « bouc émissaire » de l’État, accusé de prétendue mauvaise gestion. Certes, il y a des collectivités mal gérées, mais « au niveau macro-économique, le problème des comptes publics est ailleurs », estime le président de l’Association des maires de France (AMF), David Lisnard. Pour preuve : « malgré le mille-feuille qui nous a été imposé », les dettes totales du bloc municipal représentent 8,9 % de la richesse produite (PIB), contre 9 % il y a 30 ans. C’est-à-dire une quasi-stabilité. Et c’est une dette d’investissement, « donc il y a un actif en face ». Durant la même période, la dette de l’État a presque triplé.
Quant aux dépenses communautaires, elles représentent moins de 11% du PIB. “Tous nos comptes, par obligation légale, sont à l’équilibre en fonctionnement et les dotations de l’Etat ne sont pas des subventions, c’est de l’argent que l’Etat prélève et redistribue”, a rappelé David Lisnard. Depuis 2010, pour participer au redressement des comptes publics, les collectivités ont débloqué 71 milliards d’euros prélevés sur la dotation globale de fonctionnement (DGF). « Ce sont des vases communicants. Avec ces 71 milliards d’euros, nous avons nourri un système à bout de souffle et hyper centralisé.»
Une loi de finances punitive
Pas étonnant que les élus locaux soient mécontents. « Après quatre années de crise continue, le Congrès de 2024 risque d’être celui de la colère », a déclaré André Laignel pour qui, ces trois derniers mois, l’ancien gouvernement a proféré « une dénonciation calomnieuse » et le nouveau gouvernement applique une « punition » dans le loi de finances. Le ministre de l’Économie de l’époque avait indiqué que les finances des collectivités locales représentaient le principal danger pour la France, évoquant « un dérapage compris entre 16 et 20 milliards d’euros », sans toutefois justifier ces montants. Déplorant que ni les commissions des finances des deux assemblées, ni la commission locale des finances, n’aient reçu de réponse sur ce point, André Laignel a rapidement balayé les nouvelles charges que doivent supporter les collectivités : normes (+ 4,1 milliards d’euros), masse salariale dont l’augmentation du point d’indice (+ 2,5 milliards d’euros), la police municipale (+ 2,2 milliards d’euros), la petite enfance (qui nécessite de créer des postes), le transfert de pièces d’identité sans indemnisation, les dépenses de santé liées à l’urgence bien que les collectivités n’aient aucune compétence dans cette affaire…
Derrière toutes ces « mauvaises accusations », les communautés ont « un sentiment de profonde humiliation ». Finalement, le nouveau gouvernement a imposé « une loi de finances injuste et irresponsable, une saignée sans précédent ». Le Gouvernement a beaucoup communiqué sur les 5 milliards d’euros d’effort demandés aux collectivités. Un « mensonge d’État », pour André Laignel, qui décompte plus de 11 milliards d’euros de réductions de moyens et de nouvelles charges. Ainsi, au moins 55 % des communes verront leur DGF diminuer en euros courants et 80 % en euros constants. “Mettre le bloc municipal dans une section réglementée de la loi de finances, l’étouffer avec des normes et des réglementations entraînera un effondrement des investissements.” Le vice-président de l’AMF estime à 50 % la baisse de l’autofinancement net local, ce qui conduit à moins investir ou à s’endetter. Il pointe « de graves erreurs qui mettent en péril les services publics locaux, alors que les habitants attendent davantage de services de proximité ».
46 milliards d’impôts locaux en moins
Sans parler de la « décentralisation galopante » (ZAN, urbanisme…), des différents plans (chauffage, eau, vélo…) qui ne sont accompagnés d’aucun moyen supplémentaire. Et la recentralisation financière avec la nationalisation des impôts locaux. L’élu ajoute : « chaque fois que l’État avait besoin de faire un don fiscal, les impôts locaux étaient touchés. Il y a donc eu 46 milliards de suppressions d’impôts locaux.»
Autre sujet de colère : la Cour des comptes a récemment « incriminé les salariés de la fonction publique territoriale », et ordonné aux collectivités de supprimer 100 000 postes. « Mais qui supprimer ?, a demandé André Laignel. Assistantes maternelles, aides-éducatrices, routiers… ? »
Il faut au contraire rechercher la performance, la productivité et ne pas pénaliser l’économie. “Affaiblir les autorités locales risque de livrer le pays vers des crises”, estime l’élu. La France compte 498 000 élus locaux, dont plus de 400 000 entièrement bénévoles. Une « richesse extraordinaire ».
Martine Courgnaud – Del Ry
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