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Vu de Pékin, le choix américain est entre la peste et le choléra

Il n’y a aucun coin du monde qui ne prête pas attention au résultat des élections américaines d’aujourd’hui. A Pékin, on fait semblant de ne pas s’y intéresser : la Chine incarne désormais « l’autre » superpuissance, et ne veut pas donner l’impression de faire dépendre son sort d’un vote étranger. En Européens modestes, on pourrait ajouter…

Pourtant, les débats sont intenses en Chine, sur les réseaux sociaux et les quelques espaces autorisés, pour savoir si Trump ou Harris serait mieux pour la Chine. Les commentateurs officiels chinois sont fatalistes : s’attaquer à la Chine est le seul point de consensus entre républicains et démocrates aux États-Unis. Le résultat ne fera donc pas grande différence : vu de Pékin, c’est choisir entre la peste et le choléra.

L’avenir des relations entre les deux géants

Ce n’est pas fondamentalement faux : on a vu Joe Biden poursuivre et amplifier la politique de confinement de la Chine entamée par Donald Trump lors de son unique mandat. Toutefois, les choses ne sont pas si simples. Les oppositions ne sont en effet pas aussi tranchées que sur l’Ukraine ou sur les relations avec Poutine. Mais les styles diamétralement divergents des deux candidats marquent autant de nuances qui peuvent compter lorsqu’il s’agit de définir la future relation entre les deux grands rivaux du XXIe siècle.

Vue de Pékin, Kamala Harris incarne la continuité et la prévisibilité, c’est-à-dire une relation de concurrence intense et de cordon sanitaire autour de l’accès de la Chine à la technologie occidentale. Il y a quelques jours à peine, la Maison Blanche publiait un rapport sur l’intelligence artificielle indiquant clairement qu’il fallait empêcher la Chine de dépasser les États-Unis dans ce domaine.

Donald Trump a de son côté annoncé la couleur, avec des droits de douane massifs sur les produits chinois, ce qui pourrait avoir de lourdes conséquences pour une économie chinoise qui peine à redécoller. Mais en même temps, Pékin le juge « pragmatique », un mot plus élégant que transactionnel, donc ouvert aux « deals », sa spécialité.

Soutien à Taïwan

Les Chinois ont été très intéressés par les petits mots de Donald Trump sur Taiwan. L’ancien président a accusé à plusieurs reprises l’île revendiquée par Pékin d’avoir, je cite, « volé des semi-conducteurs » aux Etats-Unis. Outre le fait qu’elle soit fausse, elle est surtout révélatrice de l’approche de Trump, totalement dénuée de convictions. Si Taïwan volait les semi-conducteurs, les États-Unis enverraient-ils leur armée pour défendre cette île démocratique en cas d’attaque chinoise ?

Cette ambiguïté a de graves conséquences pour la défense de l’île. Cependant, l’ancienne présidente taïwanaise Tsai Ing-wen, que j’ai rencontrée récemment à Paris, estime que le soutien à Taiwan au Congrès est suffisamment fort et bipartisan pour surmonter les différences de personnalité.

Cependant, il existe une école de pensée en Chine qui préférerait une victoire de Trump, estimant qu’il serait plus ouvert aux « accords ». Un homme d’affaires chinois m’a même dit que Xi Jinping et Vladimir Poutine sauront impressionner Donald Trump, qui respecte les « hommes forts ». On le voit, les analyses peuvent parfois emprunter des chemins détournés, à Pékin comme ailleurs.

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