News Day FR

Sarah Saldmann et François Ruffin dans la « sociale », ça veut dire quoi ?

Si comme moi vous ne saviez pas qui était Sarah Saldmann avant de voir le nouveau film de Gilles Perret et François Ruffin, vous allez vite faire sa connaissance. Une brève séquence suffit pour découvrir, stupéfait, l’existence de cet avocat au phrasé preppy qui n’hésite pas à affirmer que les chômeurs sont des assistés sociaux et des profiteurs. Dans la fiction, le personnage semblerait bien trop cliché pour convaincre. Mais cette personne est bien réelle : des « Grandes Gueules » à « Touche pas à mon poste », elle multiplie les discours ultra-réactionnaires dans plusieurs émissions tristement populaires.

Invitée par François Ruffin, exaspéré par ses propos, à venir vivre un temps dans la peau d’une personne vivant au smic, la chroniqueuse accepte de tenter l’expérience pendant quelques jours. Le défi est biaisé d’avance : il s’agira en effet de lui faire découvrir un certain nombre d’activités professionnelles pratiquées par ceux qui se situent au bas de l’échelle salariale – et dont elle estime qu’ils pourraient gagner beaucoup plus à condition de faire preuve de plus d’ambition et moins de paresse. .

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter Slate !Les articles sont sélectionnés pour vous, en fonction de vos centres d’intérêt, chaque jour dans votre boîte mail.

Or, vivre avec le Smic, ce n’est pas (seulement) cela : c’est aussi s’inquiéter à chaque instant de ne pas pouvoir terminer le mois autrement que dans le rouge, pris en gorge par des factures incompressibles et qu’on ne peut réduire. puis ne laissez que des miettes. Cela signifie devoir renoncer à la plupart des loisirs dont vous rêvez, mettre de côté la plupart de vos projets, s’habiller utilement au lieu de s’habiller joliment, renoncer aux dépenses de santé qui vous permettraient de vous sentir mieux, etc. Bref, cela n’a pas grand-chose à voir. avec un simple stage d’immersion chez une poissonnerie ou avec une aide-soignante, que nous réaliserions comme un jeu de rôle avant de regagner notre luxueuse demeure.

j’irai travailler pour toi

Mais il faut commencer par quelque chose : comme Valéry Giscard d’Estaing qui est allé dîner avec les Français pour mieux se confronter à leur réalité, ou comme ces chefs d’entreprise qui ont participé à l’émission « Patron incognito », Sarah Saldmann accepte de plonger dans le « La d’en bas » pour voir ce que ça fait. Le résultat n’est pas sans rappeler les premiers films d’Étienne Chatiliez : la collision entre deux univers non faits pour se rencontrer est aussi violente que caustique.

Tout commence dans un hôtel de luxe, lorsque François Ruffin attend Sarah Saldmann, à la fois excité et un peu inquiet de la suite. C’est lui qui a eu l’idée de ce film et, à bien écouter, il semble que Gilles Perret, avec qui il a déjà co-réalisé je veux le soleil et Levez-vous, les femmes !être moins enthousiaste que lui. “J’étais convaincu que le processus cinématographique était bon, Gilles Perret nous le raconte. La confrontation des contraires suscite inévitablement des rires, des émotions, des colères. Tous les ingrédients que nous aimons mettre dans nos films ! En revanche, je pensais que j’étais incapable d’accompagner Sarah Saldmann pendant le tournage.

Mettez-vous au travail ! crée vite une impression étrange, comme le souligne Gilles Perret, « Il faut reconnaître que Sarah Saldmann a joué le jeu. Donnons-lui au moins ce crédit. En effet, on est partagé entre le désarroi face à cette bourgeoise qui livre des colis en talons aiguilles et une certaine forme de gratitude à son égard pour avoir accepté cette expérience. Rapidement, on en vient même à espérer que ce stage en immersion pourrait la changer profondément, avant de se laisser dépasser par notre propre naïveté.

Descendre sur terre

Le film permet de se demander si placer les individus hors sol face à la réalité de la majorité des Français pourrait suffire à les faire tomber une fois pour toutes de leur tour d’ivoire pleine d’idées fausses et de mépris de classe. Quand Sarah Saldmann fond sincèrement en larmes après avoir rencontré Louisa, une aide-soignante qui travaille pour des petites choses mais surtout pour se sentir utile, on commence presque à y croire. « Elle a bougé un peu mais elle est vite revenue dans son monde, résume Gilles Perret. Il est vrai qu’aujourd’hui elle ne s’aventure plus sur le territoire social lors de ses apparitions à l’écran… »

A ce niveau, Mettez-vous au travail ! atteint vite les limites de son dispositif, dont les deux réalisateurs sont parfaitement conscients. “On ne va pas ramasser les bourgeois une à une pour les ramener sur terre”note Gilles Perret, réaliste. Il ne s’agit donc pas de proposer que tous ceux qui crachent sur la « France des assistés » viennent aussi faire leur petit stage. « Pour créer plus d’égalité et de solidarité entre les gens, il existe un formidable outil : les impôts. Et pour imposer la taxe, il faut un rapport de force politique favorable. Cela dit, nous sommes tous les deux optimistes et, pour Sarah Saldmann, nous y avons cru un moment… »

Pour des raisons que nous laisserons aux spectateurs le soin de découvrir, l’aventure finira par tourner au chaos. L’occasion pour Gilles Perret et François Ruffin de braquer définitivement leur caméra sur ceux qu’ils affirment être les véritables héros de leur film : les gens qu’ils ont obligés à accueillir Sarah Saldmann à leurs côtés, ces gens qui se battent au quotidien pour obtenir une vie décente. vivre et croire fermement à la notion de solidarité. A la fin de la course, les deux réalisateurs leur dérouleront littéralement le tapis rouge lors d’une séquence durant laquelle les précaires seront traités comme des stars.

L’affaire du duo Perret-Ruffin peut paraître manichéenne, mais dans un monde où Sarah Saldmann (croque-monsieur aux truffes et vêtements coûtant plusieurs milliers d’euros) et Haroun, Nathalie, Sylvain, de l’Amine, dont le quotidien est fait de précarité, il Il semble impossible de leur reprocher de porter un regard quelque peu binaire sur notre monde. Politiquement, cette confrontation ne mène nulle part, mais elle aura au moins permis de faire la lumière sur les trajectoires de certains de ces travailleurs au parcours inégal. Et cela nous aura donné l’occasion de haïr encore plus cette grande bourgeoisie qui vit dans son monde en détestant tout ce qui est en dessous d’elle et en refusant évidemment de partager son butin.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

Related News :