Par
Vincent Guerrier
Publié le
6 novembre 2024 à 5h36
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Installé à Rémalard (Orne) depuis de nombreuses années, le journaliste Michel Floquet n’oublie pas de suivre avec attention la campagne américaine qui touche à sa fin.
Même si les résultats n’ont pas encore été officialisés, Mercredi 6 novembre 2024, l’ancien correspondant de TF1 et LCI aux USA livre son analyse d’un pays totalement fracturé.
Vous êtes un ancien correspondant de TF1 à la Maison Blanche. Comment suivez-vous ces élections aujourd’hui ?
Je suis ces élections avec passion. Ils sont décisifs pour l’avenir des États-Unis et aussi, dans une large mesure, pour le nôtre. Je m’informe simplement à travers la presse, française ou américaine, plus sur les enjeux que sur les projections tant l’élection paraît incertaine.
Les résultats sont très proches. Aucun gagnant n’a encore été désigné. Vous souvenez-vous d’une situation similaire ?
Oui bien sûr. Ce n’est pas la première fois que le système électoral américain peine à désigner un vainqueur. Souvenez-vous des élections de 2000. Al Gore contre George W Bush. Il a fallu attendre plus d’un mois avant de trouver un vainqueur, en l’occurrence Bush. Et dans quelles conditions ! C’est la Floride qui a fait basculer les élections. Bush a finalement été déclaré vainqueur avec un peu plus de… 500 voix d’avance et a donc remporté tous les grands électeurs de l’État. Dommage si Al Gore avait la majorité dans tout le pays. C’est également ce qui est arrivé à Hillary Clinton, qui avait la majorité des voix mais a finalement été battue par Trump en termes de nombre d’électeurs en 2O16.
Tump avait déjà contesté les élections de 2020. Sera-t-il capable d’accepter une nouvelle défaite, si elle est finalement actée ?
Trump a déjà prévenu qu’il n’accepterait pas sa défaite, sauf peut-être si elle devait être massive, et même alors. Son équipe a commencé à contester les conditions des élections dans plusieurs États avant même l’ouverture du scrutin. Tout indique que lui et nombre de ses partisans ne sont pas prêts à reconnaître le verdict des urnes s’il leur est défavorable avec tous les risques de troubles que cela engendre.
Les deux candidats Kamala Harris et Donald Trump sont-ils comme les USA : un pays totalement divisé ?
Jamais, sauf bien sûr pendant la guerre civile, le pays n’a été aussi divisé. Deux Amériques qui ne se parlent plus et que tout oppose. La vision du monde aime les grands enjeux sociétaux, l’avortement par exemple. L’émergence d’une pensée éveillée a largement contribué à diviser le pays. Chacun des deux candidats incarne un modèle de société radicalement opposé à l’autre. Ce sera très compliqué, non pas de les réconcilier, mais simplement de les faire cohabiter.
Quel regard portez-vous sur l’état de santé de la démocratie américaine depuis votre départ du pays ?
La démocratie américaine est malade, c’est évident. Il est incapable de renouveler le personnel politique et le bipartisme fige le débat dans un affrontement sans nuance. Cette élection sera aussi la plus coûteuse de l’histoire : plus de 14 milliards de dollars avec un poids accru des milliardaires, regardez l’engagement d’Elon Musk aux côtés de Trump.
La campagne a été incroyablement violente. Tentatives d’assassinat, invectives constantes, mentions de nombreux contre-vérités, notamment de la part de Donald Trump. Mais cela n’affecte pas son électorat. Comment l’expliquer ?
Tous les électeurs de Trump n’apprécient pas son style, sa vulgarité, sa violence et ses mensonges. Mais ils sont prêts à tout pour évincer le candidat démocrate. Elle incarne la fin des valeurs sociétales auxquelles ils sont attachés et représente, selon eux, un danger mortel pour l’économie avec un programme qu’ils n’hésitent pas à qualifier de « socialiste ».
Peut-on envisager que ce type de campagne, de débat politique, devienne une norme ici en France, dans quelques années ?
La France est un pays où le débat politique, quoi qu’on en pense, apparaît très subtil par rapport aux Etats-Unis même si là aussi certains se comportent de manière caricaturale. Je me veux donc relativement optimiste mais vigilant car souvent ce qui se passe en Amérique nous arrive avec 15 ou 20 ans de retard…
Pratique
Michel Floquet est l’auteur de Sad America, qui évoque les USA de Donald Trump, publié en 2016 aux éditions Arènes.
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