Par
Mathilde Desgranges
Publié le
5 novembre 2024 à 18h49
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«On s’y attendait», souffle Pierre Fostier, délégué syndical Force ouvrière Auchan et membre du CSE de la société du groupe Mulliez. « Cela fait des années que les choses ne vont pas dans le bon sens. »
Auchan a dévoilé ce mardi 5 novembre 2024 un projet de plan social à grande échellemenaçant 2 389 emplois en France, notamment à travers la fermeture d’une dizaine de magasins. Un signe de déclin pour le cinquième acteur du marché français, qui essuie des déconvenues financières depuis plusieurs années.
Un choc, mais pas une surprise. Sauf peut-être Michel Barnier, qui a déclaré, ce mardi, après l’annonce du projet de plan social, vouloir « savoir ce qu’Auchan (et Michelin) ont fait de l’argent public ».[qui leur a été donné]».
Une fréquentation en baisse constante
Depuis 2012, le groupe Auchan est confronté à une baisse constante de la fréquentation de ses magasins et de son chiffre d’affaires. « Nous avions prévenu[les dirigeants]», soutient cependant Pierre Fostier.
« Sur la période, et avant l’intégration des magasins Casino, sa part de marché est passée de 12,1% à 8%ses revenus ont baissé de 2,26 milliards d’euros”, explique l’entreprise dans un communiqué consulté par -.
Des projets coûteux
En cause, plusieurs projets particulièrement coûteux lancés par la chaîne de magasins historique de la famille Mulliez. Le délégué syndical Pierre Fostier retient surtout la mise en place d’un « nouveau processus de collecte », c’est-à-dire caisses automatiquesà la sortie des magasins.
A l’origine, le projet devait coûter 98 millions d’euros, “au final, l’entreprise a dû dépenser plus du double pour le mettre en place”, assure-t-il.
Et, ce dernier risque de continuer à augmenter : lors de la présentation de son « plan de retour à la croissance » aux représentants syndicaux ce mardi, l’enseigne a évoqué « vouloir lutter contre le vol aux caisses automatiques en installant des caméras utilisant l’IA », rapporte Pierre Fostier.
Ce projet, pour lequel nous avions pourtant été consultés, a été lancé contre l’avis du comité social et économique (CSE), et contre celui des experts qu’il a mandatés.
“Or, nous avions montré qu’il y avait certains points qui étaient préjudiciables à la clientèle, au chiffre d’affaires, mais aussi aux conditions de travail des salariés”, souligne-t-il, évoquant une situation répétée.
La « mort » du savoir-faire de l’entreprise
Le membre du CSE du groupe souligne également l’impact de la mise en place d’un nouveau modèle d’organisation, baptisé « projet PACTE », qui aurait provoqué un nombre important de démissionsà partir de l’année 2020.
« Avec ce projet de restructuration des dirigeants, de nombreux dirigeants à succès ont quitté l’entreprise. Mais finalement, il y a eu trop de départs et nous avons dû embaucher de nouvelles personnes, moins compétentes », explique Pierre Fostier. « Cela a tué le savoir-faire de l’entreprise. »
Surtout, Auchan a emboîté le pas aux autres géants du secteur en développant les hypermarchés, de manière disproportionnée. « Avec 311 supermarchés et 30 magasins de proximité au 30 juin 2024 », selon les informations de Échosle groupe est « structurellement trop présent dans les grands hypermarchés », estime-t-il dans son communiqué.
A l’avenir, elle envisage « d’inventer de nouveaux modèles de magasins » et de revisiter « le modèle de ses supermarchés ».
La guerre des prix
Depuis 2012, et avant l’intégration des magasins Casino, Auchan indique avoir vu sa part de marché passer de 12,1% à 8% dans un contexte « ultra-concurrentiel ».
” Seul, [l’entreprise] ne suffira pas à générer les marges nécessaires pour proposer des prix compétitifs. Pour revenir dans le match, Auchan doit baisser ses coûts et
simplifier son organisation », reconnaît la marque dans un communiqué.
Afin d’améliorer ses conditions d’achat sur le long terme (dix ans), le groupe a noué une alliance avec Intermarché pour acheter en commun.
Tout un modèle en question
Par ailleurs, Auchan, comme Carrefour, opère sur un modèle modèle intégré – elle est propriétaire de ses magasins –, contrairement aux enseignes comme E.Leclerc et Intermarché qui regroupent des indépendants. Ce modèle intégré génère des coûts d’exploitation plus élevés pesant sur la compétitivité-prix.
Le « plan de retour à la croissance en France » va dans ce sens selon la marque, puisqu’elle estime nécessaire de « revenir à un positionnement prix plus attractif » pour relancer l’activité de l’entreprise.
Concrètement, Auchan veut baisser ses prix qu’il juge désormais trop cher.
Une gouvernance instable
Fondée et dirigée par Gérard Mulliez jusqu’en 2006, la marque a ensuite vu plusieurs dirigeants se succéder à sa tête. Vianney Mulliez de 2006 à 2017, Edgard Bonte de 2018 à 2021, Yves Claude de 2021 à 2024 puis, tout récemment, Guillaume Darrasse, nommé en août pour redresser la situation.
« On change de direction tous les deux ans », regrette le délégué syndical. « Cela fait longtemps que nous n’avons pas perdu la boussole » qui était censée guider la stratégie de l’entreprise.
Là encore, Auchan reconnaît avoir a perdu « son ADN marchand »puisque le groupe réaffirme, dans son communiqué, la nécessité de « renouer » avec lui. Interrogé par - sur les raisons de son déclin, le groupe nous renvoie à son unique communiqué.
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