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une lettre d’admiration, quarante ans après

Toute occasion de mentionner François Truffaut est une bonne occasion à saisir. Même le quarantième anniversaire de sa disparition, survenue le 21 octobre 1984. Du feutre de deuil, Éric Neuhoff dessine trois ans plus tard un Lettre ouverte à François Truffaut. Le critique était en noir. Il réapparaît aujourd’hui avec une préface où l’auteur souhaite informer le défunt des changements survenus en son absence : « Le cinéma français, vous le savez, est devenu un repaire de gendarmes et de bas bleus. Vous avez échappé aux César où des dames s’affichent nues avec des Tampax en guise de boucles d’oreilles. »

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« Cela fait longtemps que les éditeurs ne vont plus au cinéma. Ils n’ont même plus le temps de ne pas lire.

Pour le reste, le texte continue de se distinguer des hommages convenus par sa liberté suprême : « Cette lettre zigzague. Pour Madame de Sévigné, nous reviendrons. J’improvise au fur et à mesure. » Mais contrairement aux gens filés par Antoine Doinel dans Bisous volésNeuhoff ne confond jamais le lecteur, pur plaisir de le suivre à travers ses souvenirs et ses anecdotes, ses réflexions sur le septième art et ses coups de gueule : « Cela fait longtemps que les éditeurs ne vont plus au cinéma. Ils n’ont même plus le temps de ne pas lire. » Et même ses digressions qui n’en sont pas vraiment, puisqu’il ne perd jamais le sujet de vue. Le diable est dans les détails, le cinéma aussi.

Truffaut ou rien

L’œil était dans la pièce sombre et regardait François. Noté la présence d’un personnage en arrière-plan, noté la couleur d’un ciel ou la matière d’une cravate, trouvé la confirmation que la forme d’une ville change plus vite, hélas, que le cœur d’un mortel, surtout lorsqu’il s’arrête de battre – « Si c’est vrai, vous ne reconnaîtriez pas Paris. La place de Clichy, qui n’avait plus de secret pour vous, serait une terre étrangère. » Aucune idolâtrie dans ces pages, Adèle H. ou même La salle verteautrement dit les films sérieux du réalisateur, « barbouille violemment » notre cinéphile.

La Révolution est un bloc, ce n’est pas l’œuvre de Truffaut. Pas de jargon, pas de sociologie, il s’agit de films réels, de la manière dont ils se mêlent à la trame de nos existences du troisième type, entre réalité et fiction, de la manière dont, une fois les lumières allumées De retour, leurs personnages continuent de parler et d’agir à travers nous. D’un chemin de vie trouvé dans l’obscurité des projections : « Soyez Truffaut ou rien, ce slogan nous a semblé approprié. Le temps a passé. Nous avons fini par être nous-mêmes. » Aussi pertinent de célébrer Truffaut avec une rétrospective de sa filmographie qu’ici avec la littérature.

Un bon livre se relit

L’homme qui aimait les femmes, on le sait, était aussi l’homme qui aimait les livres. Nous recommanderons ceci Lettre ouverte à François Truffaut tant aux truffaldiens les plus fervents qu’à ceux qui ignorent le double d’Antoine Doinel. Nous le recommanderons également aux lecteurs de sa première édition. Un bon livre se relit comme un bon film se revoit, c’est même comme ça qu’on les reconnaît.

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Lettre ouverte à François Truffaut, d’Éric Neuhoff, aux éditions Albin Michel. 144 pages, 15 euros.

 
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