« J’ai vécu un cauchemar, mais le fait d’être disculpé dans cette affaire me fait du bien, même si j’éprouve un sentiment de colère et de soulagement. » Noël Le Graët savoure ce qu’il considère comme une victoire. Sur le plan juridique, il se sent légitimement triomphant, après la fin de la procédure à son encontre pour harcèlement moral et sexuel, « aucune infraction ne semble suffisamment grave ». Il pourrait même devenir le grand gagnant. D’abord devant le tribunal administratif de Paris puisque son conseil a demandé l’annulation du rapport de l’inspection générale du ministère des Sports « pour violation du principe d’impartialité et d’indépendance par ingérence politique ». Une décision des juges en ce sens effacerait le côté » interne » du dossier. Plus largement, cela constituerait un affaiblissement du pouvoir de régulation et de contrôle de l’État sur les fédérations et une sacrée jurisprudence d’impunité pour les présidents qui y sont actuellement élus.
Ensuite, l’ancienne ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra se défendra les 3 et 4 décembre devant la Cour de justice de la République (CJR) pour diffamation. Ce dernier apparaît encore aujourd’hui, aux yeux de l’ancien maire socialiste de Guingamp, comme le scélérat instigateur de ses malheurs, parfois en connivence avec Florence Hardouin. L’homme entretenait le sentiment, à force d’enchaîner les mandats, de survivre à tous les gouvernements. « Tout est parti du Qatar, où ça n’allait pas bien avec Madame la Ministre, je ne sais pas si elle mérite que je l’appelle comme ça queil aborde dans L’équipe. Je n’ai pas toujours été très amical avec Oudéa-Castéra, qui ne se comportait pas comme un ministre. Je lui ai dit sans détour. » Désormais, il fait le point sur son cas personnel et se moque de son passage rapide à l’éducation nationale, preuve qu’il ne s’agissait que d’une erreur de casting. Il avait seulement sous-estimé la proximité de l’ancien PDG de la FFT avec le président de la République lorsqu’il se plaignait de son attitude à l’égard de Jupiter.
Le patron distribue les mauvais points
Noël Le Graët digère mal le manque de reconnaissance d’un petit monde qui, selon lui, lui doit tout. A commencer par ceux qui l’ont sorti, sous les applaudissements malgré tout, au conseil d’administration de la FFF, et bien sûr l’ancienne directrice générale Florence Hardouin : « Elle m’a trahi plusieurs fois. J’étais en colère contre elle bien avant le Qatar car elle disait aux jeunes cadres de la FFF que je n’étais plus dans le coup, mais j’avais pardonné. Je l’ai complètement entraînée. C’est une énorme déception… »
Il continue toujours de se positionner en faiseur de roi, s’attaquant à son successeur Philippe Diallo qui opérerait dans l’ombre d’un véritable gardien. « Je ne vois pas Aulas numéro 2 de Diallo. Peut-être qu’ils changeront l’ordre… » Un deuxième couteau est monté en grade suite à sa chute et donc également coupable de lèse-majesté : « Il est viré du syndicat UCPF, ex-Foot Unis, j’ai une place libre, je me dis qu’il connaît le foot et le nomme trésorier. Avec le départ de Brigitte Henriques du CNOSF, je l’ai promu vice-président. J’aurais mieux fait de nommer une autre femme. » Il ne cache pas sa préférence, lors des prochaines élections, pour la liste de son ami Pierre Samsonoff : « Je vais le soutenir. Il fera un bon palmarès, il connaît bien le football amateur. Il est sérieux, intelligent et cultivé, ce n’est pas un excentrique. »
Bref, Noël Le Graët continue de résumer son départ, certainement en grande partie résultat d’un contexte et de l’abandon de certains soutiens autrefois aveugles, à une aventure judiciaire entre le ministère et les cercles dirigeants de la fédération. En se contentant de se placer uniquement sur le terrain juridique, il ignore certaines crises qui l’avaient également mis sur la sellette. Par exemple, son entretien avec RMC où il a virtuellement renvoyé Zinédine Zidane, qui a donné lieu à un tweet vengeur et pour le coup meurtrier de Kylian Mbappé. (sa réponse à ce sujet figurait dans la première version de l’entretien publiée par le quotidien ce dimanche soir, mais elle n’y était plus ce lundi matin, NDLR). Sans parler de ses propos pour le moins méprisants, lors d’une émission consacrée au sort des ouvriers travaillant sur les chantiers de construction au Qatar. Au moins, son camarade Gianni Infantino ne l’a pas abandonné et a trouvé de quoi l’occuper à la FIFA.
N’oublions enfin pas son audition à l’Assemblée nationale devant la commission d’enquête sur les échecs des fédérations sportives où ce grand dirigeant tout-puissant a reconnu ignorer le plan social, mis en place en 2021 par Florence Hardouin, depuis qu’il n’a pas « s’occuper[t] pas directement du staff (…) Il y avait trop de monde à un moment donné à la FFF. Je regrette certains départs. » La FFF, l’une des fédérations les plus riches de France, était alors l’une des seules à profiter du Covid-19 pour dégraisser, malgré les aides de l’Etat et ses réserves. Au final, par ce qui est dit et surtout qui se tait, l’entretien de l’ancien patron de l’EAG en dit long sur cette fameuse gouvernance du sport que tout le monde critique, mais qui ne risque pas de changer si tôt.
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