Chaque mois, l’office de tourisme de Béziers propose une visite guidée de l’appartement familial où a grandi l’illustre Jean Moulin. Si tout le monde, ou presque, connaît la fin tragique du résistant torturé par le nazi Klaus Barbie, après son arrestation à Caluire près de Lyon, l’histoire familiale de celui qui fut préfet, résistant et artiste, entra au Panthéon en 1964. , est souvent ignorée du grand public.
Ce mercredi 30 octobre, une dizaine de visiteurs s’apprêtent à pénétrer dans l’immeuble du 6 rue d’Alsace, à Béziers, où Jean Moulin a vécu jusqu’à ses 18 ans. Ouvert au public depuis mai 2023, l’appartement de 60 m2 situé au 4ème L’étage, restauré « comme à l’époque », est composé de 5 pièces structurées autour d’un hall. Les pièces sont pavées de carrelages d’origine, les mêmes sur lesquels ont marché Jean et sa famille, composée de Blanche, sa mère, Antonin, son père, et Laure, sa chère sœur à qui l’on doit de nombreuses anecdotes sur leur quotidien, racontées. lors de la visite de la guide, Manon : “Il y a beaucoup de femmes aux Moulins, elles aiment s’entourer de jeunes et accueillent souvent leurs nièces, qui viennent étudier à Béziers, je vous laisse imaginer le tumulte de recevoir tout ce beau monde.”
“Tout le monde se réjouit de sa naissance”
D’autant que l’appartement ne comporte qu’une seule chambre parentale, où dort le petit Jean Moulin jusqu’à ses deux ou trois ans. Il est le seul à être né à Béziers, en 1899, parmi quatre frères et sœurs dont une sœur et un frère décédé prématurément. « Tout le monde est ravi de sa naissance, son père en particulier, qui lui écrit un poème en provençal. » Deux domestiques habitent également l’appartement, l’une d’elles, Maria, est amoureuse des militaires qui tiennent la caserne du Guesclin, située sur la place devant l’appartement et «j’ai adoré regarder les soldats s’entraîner tous les matins. Jean était son prétexte pour descendre se promener et les voir, ce qu’il aimait aussi. Quand il ne voulait pas sortir, elle achetait son silence avec des bonbons.
facétieux, voire irrévérencieux, il est friand de jeux de mots et de caricatures.
Au fil des pièces, le futur panthéonisé est décrit comme facétieux, voire irrévérencieux. Adepte des jeux de mots, il transforme les phrases du catéchisme, en tenant compte de la laïcité de son père Antonin, un enseignant qui fait apprendre par cœur à ses enfants la déclaration des droits de l’homme, et qui passe son temps au bureau de la bibliothèque. Cette salle, où se trouve un manuel de philosophie appartenant à Jean, permet d’évoquer sa vie d’écolier, grâce à des copies de bulletins scolaires et de mémoires :« En CM2, on dit qu’il néglige son écriture et bavarde en classe, qu’il est agité et distrait pendant ses cours, en 6e, qu’il doit surveiller son comportement malgré un bon travail sinon il ne fera rien de bon s’il persévère. sur ce chemin.
Dans cette pièce, Jean passe de longues heures avec son père, qui l’y enferme pour lui faire réciter ses cours de latin, se terminant par des disputes. “puisque Jean ne faisait que ce qu’il voulait” Sœur Laure fera rapport. Dans l’un de ses devoirs, Jean-Moulin glorifie la figure de Vercingétorix, mort en défendant sa patrie, figure tutélaire prémonitoire… C’est aussi dans ce bureau que le père s’enferme avec les reliques de son aîné, Joseph, à la santé fragile, décédé à l’âge de 19 ans d’une péritonite. Ce grand frère qui aide toujours son jeune frère Jean à gagner au jeu des petits soldats.
“Il a compartimenté sa vie selon les personnes avec qui il était”
C’est dans la salle à manger, où l’on peut voir deux photos de Jean et de sa sœur, qu’en 1926, alors sous-préfet à Albertville, il surprend toute sa famille, attablée, en lui annonçant ses fiançailles avec une Parisienne. : « Il a beaucoup compartimenté sa vie en fonction des personnes avec qui il était. Avec sa famille, modeste et réservée, il n’a pas dévoilé ses sentiments. Avec ses amis, dans le quartier Montparnasse où il fréquentait l’élite artistique, il se montrait expansif et jovial, puis en tant que sous-préfet, il se montrait rigoureux et strict.
C’est également dans cet appartement que le futur résistant apprendra à dessiner dès l’âge de 5-6 ans, avec ses crayons de couleur offerts par une voisine, qu’il remercie en la caricaturant dans des proportions peu flatteuses. « A défaut d’écouter, en classe, le petit Jean caricature ses professeurs » » rit le guide qui raconte que pendant le travail, Jean se transforme, reste sage, concentré des heures durant. Son tout premier croquis représente un soldat, probablement observé depuis la fenêtre ou lors de promenades avec la servante Maria. Suivent les caricatures de professeurs comme Napoléon, jusqu’aux illustrations publiées dans des revues ; ces dessins sont conservés dans la superbe bibliothèque Daniel Cordier de la médiathèque.
Romanin, l’autre Jean Moulin, est à découvrir à la médiathèque
Au sein de la médiathèque André-Malraux se trouve une vitrine. La bibliothèque personnelle de Daniel Cordier que l’illustre secrétaire et biographe de Jean Moulin a léguée à la ville de Béziers. Dans cette pièce située au premier étage se trouve la collection presque complète des livres et ouvrages lui ayant appartenu mais aussi un impressionnant secrétaire en bois et surtout, une collection de dessins conservés dans une imposante bibliothèque en bois, réalisés par l’autre Jean Moulin, Romanin. . La salle, accessible uniquement par visite, vaut le détour, tant le génie de la ligne appliquée par le designer et résistant, séduit le regard. Du Montparnasse des années folles aux scènes de vie à la campagne ou au monde du travail, Jean Moulin dessine la société française de l’époque avec un regard tendre et drôle ou acerbe et critique, lorsqu’il s’agit de dénoncer, par exemple, l’implication tardive des États-Unis. Les États pendant la Première Guerre mondiale. La ville compte 500 dessins de l’artiste résistant, dont 13 consacrés à la tauromachie. Un détour incontournable, qui accompagne la visite guidée de l’appartement familial du 6 rue d’Alsace.
Prochaines visites : 16/11 et 26/12 de 14h30 à 16h30, 8e/6e. Résa : 04 99 41 36 36
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