C’est l’un des enjeux de l’élection présidentielle américaine : Kamala Harris et Donald Trump courtisent les minorités qui pourraient faire basculer l’élection dans certains États. Alors que ces communautés penchent traditionnellement du côté démocrate, leur soutien s’érode en faveur de Donald Trump.
Plus que jamais, chaque voix compte. Alors que Kamala Harris et Donald Trump sont au coude à coude dans les sondages, les deux candidats s’attachent à convaincre les minorités en leur envoyant des messages personnalisés, que ce soit lors des événements de campagne ou via des publicités.
Afro-Américains, Hispaniques… Ces communautés peuvent jouer un rôle déterminant le 5 novembre, notamment dans les États clés (États swing), capables de faire basculer l’élection selon qu’ils appartiennent au giron démocrate ou républicain.
· Les Afro-Américains ne sont pas une fatalité pour Kamala Harris
C’est l’un des piliers de l’électorat démocrate. Les Afro-Américains, qui représentent 13,7 % de la population selon le Bureau américain du recensement, ont voté à plus de 90 % pour Barack Obama, Hillary Clinton et Joe Biden lors des élections précédentes.
Mais pour Kamala Harris, cette réserve de voix ne semble pas gagnée d’avance. Seuls 78 % des Afro-Américains envisagent de voter pour elle, selon un sondage d’opinion New York Times/Siena College publié le 12 octobre. La démocrate connaît notamment des difficultés avec les hommes noirs, puisque seuls 69 % d’entre eux déclarent vouloir voter. pour elle selon la même enquête.
Ce écart entre les sexes (l’écart entre les sexes) s’observe à l’échelle de l’ensemble de la population, mais s’observe encore plus dans un électorat qui vote habituellement en bloc pour le camp démocrate. Le premier président noir américain, Barack Obama, a mis en garde ses « frères » hésitants à rallier Kamala Harris. « Vous donnez toutes sortes de raisons et d’excuses. Cela me pose un problème. Cela me fait penser que vous n’aimez pas l’idée d’avoir une femme comme présidente”, a-t-il déclaré à Pittsburgh le 10 octobre.
Au-delà de la question du genre, comment expliquer ce –relatif- désenchantement ? « Malgré de bons résultats économiques, l’administration Biden n’a pas réussi à améliorer les conditions de vie des Noirs américains dans les centres-villes », souligne Olivier Richomme, professeur de civilisation américaine à l’université Lyon 2-Lumière. .
Le fait que Kamala Harris elle-même soit une femme noire n’a pas non plus eu l’effet amoureux escompté. « Elle est la fille d’un père jamaïcain et d’une mère indienne. Son histoire de vie ne résonne pas forcément auprès de l’électorat afro-américain descendant d’esclaves », estime Olivier Richomme. La démocrate est cependant diplômée de l’université Howard, le « Harvard » des noirs américains, où elle s’est tissé un réseau dans les sororités afro-américaines.
Consciente de ces difficultés, Kamala Harris, qui a reçu le soutien de nombreuses stars noires comme Stevie Wonder et Lizzo, a élaboré une série de propositions censées bénéficier directement aux hommes afro-américains. Ce programme vise à les aider à lancer leur petite entreprise ou leur commerce, notamment grâce à des prêts avantageux, mais contient également des aides à la formation et à l’apprentissage, ainsi qu’un système d’accès privilégié aux métiers de l’éducation.
Le vote des Afro-Américains sera particulièrement crucial en Géorgie, où ils représentent près d’un tiers de la population. Cet Etat clé a été remporté par Joe Biden en 2020… avec une petite avance de 12 000 voix sur Donald Trump.
· Hispaniques et latino-américains tentés par Donald Trump
La catégorie des « Hispaniques et Latinos » représente 19,5 % de la population américaine, selon le Bureau du recensement et représente le deuxième groupe ethnique en importance après les « Blancs ».
« C’est un électorat plus large, mais traditionnellement moins politisé que les Afro-Américains », décrit Olivier Richomme. Cependant, son poids politique augmente d’élection en élection. Cette année, 36 millions de Latinos sont inscrits sur les listes électorales, soit 4 millions de plus qu’en 2020 et plus du double qu’en 2000, selon le Pew Research Center. Le taux de participation de la minorité tend également à augmenter et dépasse pour la première fois le seuil des 50 % en 2020.
Si le camp démocrate est traditionnellement favorisé par cet électorat, ce soutien semble s’effriter. Quand 71 % des Latino-Américains ont voté pour Barack Obama en 2012, seulement 59 % ont voté pour Joe Biden en 2020, toujours selon le Pew Research Center. Une courbe que Kamala Harris, créditée de 57% des intentions de vote de l’électorat latino début septembre, peine actuellement à redresser.
Quant à l’électorat afro-américain, l’absence d’amélioration de la situation économique des Latino-Américains peut expliquer la tentation de voter pour Donald Trump. 85% d’entre eux estiment que l’économie sera “très importante” dans leur choix de candidat et plus de la moitié (52%) ont “confiance” dans la politique économique de l’ancien président républicain.
Alors que l’immigration occupe une place centrale dans la campagne, l’hostilité envers les migrants affichée par Donald Trump peut paradoxalement séduire ces électeurs. «Beaucoup de Latinos veulent ‘fermer la porte derrière eux’ et limiter l’immigration. Ils ne sont pas non plus à l’abri de la xénophobie et de la tentation de l’homme fort », souligne le spécialiste des Etats-Unis Olivier Richomme.
Selon un sondage du New York Times/Siena College réalisé début octobre, la plupart des Latino-Américains ne se sentent pas concernés lorsqu’ils Donald Trump accuse les migrants d’être des criminels et d’« empoisonnement du sang » du pays.
Cependant, dans la dernière ligne droite de la campagne, un comédien soutenant Donald Trump a tenu des propos racistes à l’encontre du territoire hispanophone de Porto Rico, On l’appelle « l’île flottante d’ordures ». Une déclaration dont Donald Trump s’est désolidarisé, mais qui pourrait avoir de lourdes conséquences, près de 4 millions d’Américains étant d’origine portoricaine.
Si les Latino-Américains n’ont jamais joué un rôle central dans une élection, ils pourraient cette fois faire basculer le vote dans certains États clés où leur démographie explose, comme au Nevada ou en Arizona.
· Les Asiatiques, un électorat en croissance
Troisième minorité du pays, les Américains d’origine asiatique voient également leur poids démographique et politique augmenter. D’origine principalement chinoise, philippine ou indienne, ils représentaient en 2023 6,4 % de la population américaine, contre seulement 1,5 % dans les années 1980.
Selon le Pew Research Center, environ 15 millions d’Américains d’origine asiatique auront le droit de voter en 2024, soit une augmentation de 15 % par rapport aux élections de 2020 (+12 % pour les Latinos et +7 % pour les Afro-Américains).
Longtemps négligé par les sondeurs, le comportement politique des Américains d’origine asiatique est moins connu. En 2020, une majorité d’entre eux (entre 60 et 70 % selon différents sondages à la sortie des urnes) ont donné leur voix à Joe Biden.
Fille d’un oncologue et chercheur indien, Kamala Harris peut espérer gagner des voix dans cette communauté. Selon de récentes enquêtes, elle bénéficie d’une dynamique favorable.
Selon une enquête du NORC Institute de l’Université de Chicago publiée en septembre, 66 % des Américains d’origine asiatique envisagent de voter pour Kamala Harris, alors que seulement 46 % déclarent vouloir voter pour Joe Biden en juillet selon le même institut. Le vote de la communauté asiatique pourrait peser lourd dans l’État clé du Nevada, où elle représente 11 % des votants.
· Le poids des minorités religieuses
Les minorités religieuses font l’objet cette année d’une attention particulière aux Etats-Unis, sur fond de conflits au Moyen-Orient et de mouvements de protestation dans les rues et sur les campus américains.
Classés « blancs » dans le recensement fédéral, les Arabes-Américains représentent une petite minorité de trois millions de personnes. Toutefois, cela pourrait faire la différence dans le Michigan. Dans ce état swing remportée d’une courte tête par Joe Biden en 2020, Kamala Harris fait face à la méfiance d’une partie de l’électorat arabo-musulman, qui critique son administration pour son soutien armé à Israël.
Le mouvement pro-palestinien « Uncommit », qui avait déjà appelé à un vote de protestation contre Joe Biden lors des primaires démocrates, s’est ainsi positionné contre Donald Trump, mais sans soutenir explicitement Kamala Harris.
Plus importante démographiquement, la minorité juive – environ 7 millions d’Américains – penche historiquement du côté démocrate. Selon une étude du Pew Research Center publiée le 9 septembre, 65 % des Juifs déclarent vouloir voter pour Kamala Harris. Son rival républicain s’est également agacé, allant jusqu’à affirmer que les Juifs devraient subir un « examen de tête » s’ils votaient démocrate et « auraient beaucoup à voir avec » une éventuelle défaite républicaine. L’American Jewish Committee a dénoncé une rhétorique « dangereuse » et le Jewish Council for Public Affairs (JCPA) a critiqué le candidat pour avoir utilisé des « stéréotypes antisémites ».
Enfin, les 50 millions d’Américains catholiques forment la plus grande communauté religieuse du pays, soit 20 % de la population. Selon le Pew Research Center, une petite majorité (52 %) envisage de voter pour Donald Trump, dont le colistier JD Vance est catholique. Kamala Harris, qui s’est opposée à l’Église catholique au sujet de l’avortement, semble avoir moins d’importance pour cet électorat. Contrairement à Donald Trump, elle n’a pas assisté au dîner de la Alfred E. Smith Memorial Foundation, un événement caritatif catholique populaire auprès des candidats à la Maison Blanche.
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