News Day FR

“Le Maroc n’intervient pas dans les relations que d’autres pays entretiennent avec l’Algérie”

UNAu sommet d’une petite colline surplombant la nécropole mérinide du Chellah à Rabat, deux ministères royaux du royaume chérifien, celui de l’Intérieur et des Affaires étrangères, se font face. Dans le bâtiment de verre qui abrite la diplomatie marocaine, l’ambiance est à l’image de la réputation du locataire des lieux depuis sept ans : feutrée et disciplinée. Sahara occidental, bilatéral avec la , immigration, relation avec l’Algérie, Moyen-Orient… Dans un entretien de 45 minutes, Nasser Bourita n’a éludé aucune question. Entretien.

Point Afrique : Comment évaluez-vous l’état actuel des relations diplomatiques entre le Maroc et la France, que beaucoup qualifient déjà d’« historique » ?

Nasser Bourita: Cette visite marque le début d’un nouveau chapitre dans les relations entre le Maroc et la France portées par Sa Majesté le Roi Mohammed VI et le Président français Emmanuel Macron. Elle ouvre une page solennelle matérialisée par la signature par les deux chefs d’Etat d’une déclaration de grande importance relative au « partenariat exceptionnel renforcé ». Ce document marque l’expression d’une ambition renouvelée de coopération bilatérale, solidement ancrée dans les principes d’égalité entre les États, de transparence, de solidarité et de responsabilité partagée. Il définit les domaines de collaboration prioritaires – tels que les énergies renouvelables ou la modernisation des infrastructures ferroviaires et portuaires – qui deviendront les fondements d’une relation enrichie et mutuellement bénéfique.

La gouvernance de ce partenariat est également définie dans la déclaration : il sera sous la supervision directe des deux chefs d’État et suivi par un comité restreint, chargé de tracer des voies innovantes et de saisir les opportunités pour ancrer le renforcement de cette relation dans la durée.

Nous avons traversé une période d’essoufflement dans la relation

Les accords signés devant le souverain et le président français inaugurent une nouvelle génération d’engagements, révélateurs d’une vision partagée. Ce partenariat repose sur une authentique démarche collaborative, un véritable « faire avec le Maroc », qui consiste à faire les choses ensemble, reconnaître et valoriser le potentiel des entreprises marocaines. Les partenariats emblématiques, autour de la ligne à grande vitesse et de l’hydrogène vert, incarnent ce nouvel esprit.

Le plan d’autonomie marocain est passé d’une « base sérieuse » il y a quinze ans à la « seule base » qui existe aujourd’hui pour Paris. Quelle dynamique régionale espérez-vous stimuler grâce à ce soutien ?

L’essentiel de la position française réside dans son point de départ : le présent et l’avenir du Sahara s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine, comme l’exprime la lettre du président français adressée à Sa Majesté le Roi, le 30 juillet. autrement dit, la France affirme que le Sahara ne peut être considéré en dehors de cette souveraineté. Quant à la résolution de ce conflit régional, Paris considère le plan d’autonomie proposé en 2007 comme la seule base réaliste et réalisable pour une solution politique.

Aujourd’hui, toutes les conditions sont réunies pour avancer : l’initiative d’autonomie bénéficie du soutien de plus de 112 pays à travers le monde, dont plus d’une vingtaine de pays des Amériques, dont les États-Unis, près des trois quarts des États africains et Pays membres de l’Union européenne. Cette dynamique internationale s’étend à tous les continents et à toutes les régions.

Il manque cependant un ingrédient clé : un partenaire responsable et sérieux pour avancer vers une solution. Le véritable acteur de ce conflit régional continue de privilégier le statu quo. Cette immobilité a un impact sur la sécurité de la région et un coût pour le Maghreb, le Sahel, les deux rives de la Méditerranée, et surtout pour les peuples marocain et algérien.

Comment l’évolution de la position de la France sur la question du Sahara pourrait-elle influencer la prochaine résolution des Nations Unies ?

La position française s’inscrit dans une dynamique globale initiée il y a quelques années par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, marquée par de nombreuses reconnaissances explicites de la souveraineté marocaine sur le Sahara, à travers l’ouverture d’une trentaine de consulats à Laâyoune et Dakhla, et un soutien croissant à la plan d’autonomie comme solution à ce conflit régional.

Les consulats ont reçu des instructions pour travailler en étroite collaboration avec la préfecture de police

Au sein de l’Union européenne, près de 20 des 27 pays soutiennent également cette approche. La position française est significative : elle émane d’un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, mais surtout d’un pays qui connaît les réalités de cette région et acteur influent au sein de l’UE.

En outre, la résolution du Conseil de sécurité est soutenue par les États-Unis car joli support (éditeur principal), et la France souhaite œuvrer en faveur de cette position au sein des instances multilatérales. Paris a déjà joué un rôle actif dans le processus d’élaboration et de discussion de la résolution, qui sera adoptée cette semaine, et nous verrons si de nouveaux éléments émergeront.

Précisément dans le cadre de vos relations avec la France, quelles mesures envisagez-vous pour faciliter davantage la réadmission des ressortissants marocains en situation irrégulière ?

Aujourd’hui, nous cherchons à accélérer la délivrance des laissez-passer en coordination avec les autorités françaises, afin d’assurer une identification rapide et de faciliter le retour des migrants irréguliers. Selon les directives des hautes autorités marocaines, les consulats ont reçu des instructions pour collaborer étroitement avec la préfecture de police et optimiser ce processus.

A LIRE AUSSI Macron au Maroc : Airbus, Sahara & OQTFFort d’une diaspora bien intégrée de plusieurs millions de Marocains, dont une majorité d’étudiants et de professionnels en France, le Maroc tient à préserver cette image positive. Le président français a également salué la réussite des Marocains en France dans divers domaines. Il n’a cependant jamais été question de poser des conditions : les personnes en situation irrégulière et identifiées comme Marocaines seront reprises sans détour, dans un esprit de responsabilité et d’engagement partagés.

Comment Paris et Rabat envisagent-ils de relever les défis migratoires en Méditerranée dans le cadre de leur partenariat renouvelé ?

La question migratoire ne peut être résolue en désignant comme seuls responsables les pays de transit, d’origine ou de destination. La notion de responsabilité partagée est également au cœur de la vision royale : seule une véritable coordination et un engagement mutuel entre les différents acteurs permettront d’avancer.

Prenons l’exemple des mineurs non accompagnés (UMA). En 2018, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a donné des instructions pour identifier les enfants qui ont de la famille ou qui peuvent être hébergés dans des centres au Maroc. En juin de la même année, une mission est dépêchée en France pour procéder à leur identification ; au bout de 4 mois, il s’est avéré que les deux tiers des 717 mineurs interrogés n’étaient pas d’origine marocaine. Cependant, même lorsque le Maroc a voulu rapatrier ceux qui l’étaient, le processus s’est heurté aux restrictions imposées par le juge des enfants, qui interdit le transfert des mineurs jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de la majorité. Cette faille, exploitée par les réseaux de traite des êtres humains, permet aux mineurs non expulsables de circuler librement en Europe.

Pour continuer à renforcer la coopération, une mission de juges français a même été invitée en octobre 2018 à visiter les centres de protection de l’enfance. Suite à cette visite de terrain des juges français, un plan de procédure a été validé pour encadrer le retour des mineurs non accompagnés, dans le cadre de la coopération judiciaire entre la France et le Maroc.

Si l’Algérie perçoit le renforcement de nos relations avec certains pays comme une menace, cela dépend de son interprétation.

Compte tenu de l’importance des relations de la France avec l’Algérie, quelles mesures attendez-vous de Paris pour mieux équilibrer ses liens avec le Maghreb ?

Le Maroc n’intervient pas dans les relations que d’autres pays entretiennent avec l’Algérie. Nous nous concentrons exclusivement sur nos relations bilatérales avec nos partenaires, laissant chaque pays libre de développer les liens qu’il souhaite avec l’Algérie. Cette position constitue une doctrine claire et constante de Sa Majesté le Roi. Si l’Algérie perçoit le renforcement de nos relations avec certains pays comme une menace, cela dépend de son interprétation. En ce qui nous concerne, nous ne pouvons pas conditionner nos relations avec un pays à celles qu’il entretient avec un autre. Notre priorité est de faire progresser nos relations conformément à nos propres intérêts.

Dans le cadre de l’Initiative atlantique, comment le Maroc envisage-t-il de collaborer avec la France au Sahel tout en préservant ses relations avec les pays de la région ?

Dans sa démarche afro-optimiste, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a toujours refusé de considérer le Sahel comme une fatalité. C’est pourquoi il s’est rendu quatre fois au Mali depuis 2012, investissant massivement dans la formation de plus de 500 imams à l’Institut Mohammed VI pour la formation des imams et initiant de nombreux projets de développement, en plus de la présence marocaine dans le secteur bancaire et économique. . C’est dans cet esprit qu’a été lancée l’initiative royale, offrant aux pays du Sahel l’accès aux ports marocains, aux zones de stockage, aux infrastructures logistiques, à la fibre optique, et les accompagnant dans les démarches douanières.

L’idée est de désenclaver le Sahel, de le sortir de son isolement. Les réactions à cette initiative royale ont été très positives : trois réunions ministérielles ont déjà eu lieu et des groupes de travail ont été mis en place par les chefs d’État concernés pour favoriser l’appropriation de cette initiative. Un document de référence a été élaboré et sera prochainement soumis à l’approbation des chefs d’État, avec des projets à lancer à court, moyen et long terme.

Notre pays porte en lui un héritage juif ancré dans son identité nationale

La France, également impliquée dans cette région, poursuit ses objectifs, mais avec sa propre approche. L’objectif commun reste la stabilisation du Sahel, dans le profond respect des choix de ses peuples et avec la ferme volonté de favoriser leur développement.

À la lumière des mobilisations pro-palestiniennes au Maroc, comment le gouvernement concilie-t-il sa coopération avec Israël et son soutien à la cause palestinienne ?

Contrairement au Moyen-Orient, notre pays porte en lui un héritage juif ancré dans son identité nationale. C’est un modèle de coexistence inspirant où la religion n’est pas un obstacle. La reprise des relations diplomatiques avec Israël en 2020, dans le cadre de l’accord tripartite Maroc-États-Unis-Israël, n’implique pas un soutien aux actions du gouvernement israélien. Le Maroc a fermement condamné, au plus haut niveau, les attaques israéliennes contre des civils, des hôpitaux et des écoles, les jugeant inacceptables. Sa Majesté le Roi, Président du Comité Al Qods, a, à l’occasion du rétablissement des liens avec Israël, réaffirmé son attachement à la cause palestinienne en appelant le même jour le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas.

Il faut comprendre que cette démarche ne signifie pas un renoncement à la cause palestinienne, bien au contraire. La position marocaine sur la question palestinienne, qui constitue, comme l’a souligné Sa Majesté le Roi, une priorité au même titre que la question du Sahara, reste sans ambiguïté : cette posture de principe ne connaît ni compromis ni silence ; elle est exprimée régulièrement par la plus haute autorité de l’Etat.


À découvrir


Kangourou du jour

Répondre

Vers une médiation marocaine au Moyen-Orient ?

Écoutez, pour le Maroc, à ce stade, il est essentiel d’œuvrer discrètement pour promouvoir des discussions apaisées et un dialogue constructif. Le Royaume a toujours soutenu les initiatives susceptibles de conduire à une paix durable et à une solution juste prenant en compte les droits inaliénables du peuple palestinien et la solution à deux États, sans jamais tomber dans les extrêmes.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

Related News :