L’adoption sans précédent de deux lois entravant les activités de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens met en jeu la vie de centaines de milliers de civils.
Tel-Aviv
Israël a un très vieux compte à régler avec l’UNRWA. Depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza, le 7 octobre 2023, l’État hébreu ne cesse de dénoncer cette agence onusienne active dans les domaines de l’éducation, de la santé et des services sociaux au profit de centaines de milliers de réfugiés palestiniens. Cette campagne a atteint son point culminant lundi avec le vote par le Parlement de deux lois.
La première interdit toutes les activités de l’agence onusienne sur le territoire israélien, c’est-à-dire dans la partie orientale de Jérusalem, annexée par Israël. Le deuxième texte va sérieusement entraver le fonctionnement de l’UNRWA en augmentant les obstacles bureaucratiques et en bloquant notamment les transferts de fonds pour assurer les salaires et le paiement des fournitures.
Si cette interdiction est appliquée, « il s’agit d’un désastre, notamment en raison de l’impact qu’il est susceptible d’avoir sur les opérations humanitaires à Gaza et dans plusieurs régions de Cisjordanie »occupée par Israël, a déclaré à l’AFP Juliette Touma, porte-parole de l’UNRWA. Elle rappelle que l’agence est « le principal responsable, (….) notamment en termes de logement, de nourriture et de soins de santé de base ». Des actions essentielles dans l’enclave palestinienne de Gaza, dévastée par plus d’un an de bombardements israéliens, qui ont tué plus de 40 000 Palestiniens, selon le Hamas, dont au moins 223 personnels de l’UNRWA.
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Large consensus à la Knesset
Ces sanctions ont fait l’objet d’un très large consensus au sein de la classe politique israélienne. Pas moins de 92 députés sur 120, tant issus de la majorité de Benjamin Netanyahu que de la quasi-totalité de l’opposition centriste, ont soutenu ces projets de loi. Cette quasi-unanimité est le résultat d’une hostilité fondamentale, mais aussi de l’impact d’une vidéo diffusée ces derniers jours dans laquelle apparaît un Palestinien, membre de l’appareil militaire du Hamas, participant au massacre du 7 octobre dans le sud. d’Israël.
Or, ce Palestinien était employé comme chauffeur par l’UNRWA depuis 2022. Il a été tué lors d’un raid aérien israélien dans la bande de Gaza. Selon l’armée, son cas serait loin d’être une exception. Les responsables israéliens estiment que 10 pour cent de la main-d’œuvre de l’UNRWA, de loin le plus grand employeur de la bande de Gaza et de Cisjordanie, sont des membres de la branche militaire du Hamas ou des sympathisants. L’armée israélienne affirme avoir transmis une liste nominative de 100 « terroristes » infiltrés au sein de l’UNRWA.
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En août, la direction de l’agence a annoncé que neuf de ses employés – sur 13 000 à Gaza – qui « peut avoir été impliqué dans les événements du 7 octobre » avait été licencié. L’audit international réalisé par l’ancienne ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna a réfuté les accusations israéliennes d’infiltration massive de l’UNRWA par le Hamas. Après ce rapport qui a blanchi l’UNRWA, de nombreux pays qui avaient arrêté leurs financements ont remis la main à la marmite, jugeant « indispensable » cette agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens.
Benjamin Netanyahu a précisé qu’un délai de 90 jours avait été accordé avant que les lois prennent effet sur le terrain. « Nous sommes prêts, avec nos partenaires internationaux, à garantir qu’Israël continuera à faciliter la fourniture de aide humanitaire aux civils de la bande de Gaza, mais de manière à ne pas mettre en danger la sécurité d’Israël »a déclaré le Premier ministre, qui n’a pas fourni plus de détails sur une alternative à l’UNRWA. Ces dernières années, certains pays se sont montrés sensibles au discours israélien.
Résoudre la question des réfugiés
Yuli Edelstein, président de la commission de la défense et des affaires étrangères du Parlement, a imputé toute la responsabilité à la communauté internationale. ” Nous avons donné 90 jours dans le monde pour trouver une solution », a-t-il proclamé.
Nous avons clairement fait savoir au gouvernement israélien que nous étions profondément préoccupés par ce projet de loi.
Matthew Miller, porte-parole du Département d’État des États-Unis
A travers la liquidation de l’UNRWA, c’est la question des millions de réfugiés palestiniens qu’Israël souhaite également résoudre. L’agence est en effet régulièrement dénoncée par l’État hébreu pour avoir perpétué le statut de réfugié de génération en génération alors que cette transmission n’est appliquée nulle part ailleurs dans le monde. L’UNRWA aurait, selon le récit israélien, favorisé une « victimisation » Palestiniens.
Ces arguments n’ont cependant pas convaincu à l’étranger, où la décision israélienne a provoqué un tollé, même aux États-Unis, principal allié de l’État hébreu. « Nous avons clairement fait savoir au gouvernement israélien que nous étions profondément préoccupés par ce projet de loi. »a déclaré le porte-parole du Département d’État, Matthew Miller. États-Unis « exhorter » Israël à « suspendre la mise en œuvre de cette législation »il a ajouté.
Tensions avec les États-Unis
Selon les médias israéliens, Jack Lew, l’ambassadeur des États-Unis en Israël, a travaillé ces dernières semaines avec des ministres et des députés pour empêcher l’adoption de ces lois. Le secrétaire d’État Antony Blinken a également tenté la semaine dernière de convaincre Benjamin Netanyahu d’abandonner ce projet. Cette question constitue, en effet, l’une des causes de la tension actuelle entre les deux pays.
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Les États-Unis ont menacé de bloquer une partie de l’aide militaire à Israël si, d’ici la mi-novembre, 350 camions transportant de l’aide humanitaire n’entraient pas quotidiennement dans la bande de Gaza, y compris dans le nord de l’enclave où l’armée israélienne mène des opérations depuis des semaines. , exhortant les habitants à quitter la zone. Toutefois, les livraisons d’aide sont bien en deçà de cet objectif. Par ailleurs, la question de savoir qui pourrait être responsable de sa distribution, tâche qui incombait jusqu’à présent à l’UNRWA, est loin d’être résolue.
A Londres, le Premier ministre britannique Keir Starmer a déclaré qu’il « sérieusement préoccupé » par ceci « une législation qui risque de rendre impossible le travail essentiel de l’UNRWA pour les Palestiniens ». Alors que la France « déplore très profondément » le vote israélien, l’Allemagne aussi « fortement critiqué » les décisions de la Knesset.
Une décision sans précédent
En première ligne pour dénoncer l’extrémisme israélien à moins de dix jours du scrutin américain, l’Irlande, la Norvège, la Slovénie et l’Espagne ont, de leur côté, « condamné » ce vote dans un communiqué commun. « Le travail de l’agence est essentiel et irremplaçable pour des millions de Palestiniens, en particulier dans le contexte actuel à Gaza. »écrivent les gouvernements de ces quatre pays européens ayant reconnu l’État de Palestine.
Pour l’ancien diplomate Denis Bauchard, « il est sans précédent dans l’histoire récente qu’un État membre des Nations Unies remette en cause une organisation dépendante de l’ONU par un tel vote ». « A travers l’UNRWA, ajoute l’ancien ambassadeur de France en Jordanie, c’est l’ONU qui est visée dans sa légitimité. Mais cela fait partie d’un ensemble de déclarations ou de décisions israéliennes qui ne respectent pas l’ordre international tel que défini par l’ONU. ».
Les derniers exemples en sont, selon lui, les attaques de l’armée israélienne contre la FINUL – la Force des Nations Unies au Liban – et les critiques véhémentes de l’État hébreu contre Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, déclaré persona non grata en Israël. .
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