Il lui a fallu près de vingt ans, et encore un après-midi entier, pour laisser son cerveau revenir dans ce bureau. Pour permettre à sa mémoire de l’emmener dans cette salle située au même étage que la rédaction de la première chaîne de télévision d’Europe. Où, le soir du 14 mars 2005, après le journal de 20 heures de TF1 auquel elle avait assisté, elle attendait son alors tout-puissant présentateur, Patrick Poivre d’Arvor.
Dans un café de Valence, le 3 octobre, Caroline Merlet est assise, tremblante et souriante, soulagée et effrayée à l’idée d’aborder à nouveau le traumatisme enfoui. “Pour survivre à cela, il faut l’embellir ou l’oublier, car sinon Je risquais de plonger”explique-t-elle. Cette femme de 48 ans n’en avait pas parlé depuis deux décennies : sa plainte pour viol contre PPDA qu’elle a déposée le 16 juin 2005, et la procédure d’enquête menée par la police judiciaire des Hauts-de-Seine qui a suivi, n’ont jamais révélé jusqu’à présent.
Dans la nombreuse affaire visant Patrick Poivre d’Arvor, accusé de viols, d’agressions ou de harcèlement par des dizaines de femmes, on a cru que la plainte déposée par la journaliste Florence Porcel le 15 février 2021 constituait une première étape procédurale. La première apparition sur le radar judiciaire des violences sexuelles accusées par l’ancienne star de TF1. La défense de l’intéressé s’est même basée sur cette chronologie : la vengeance d’un premier plaignant décrit comme un «amant rejeté» agissant par désespoir, ce qui déclenche dans son sillage une vague de plaintes et de témoignages prétendument faux.
Enquêtes importantes
L’enquête ouverte fin 2021, dans laquelle PPDA a été mis en examen, a révélé à partir des archives de la police judiciaire, le 19 octobre 2022, cette procédure qui datait de près de vingt ans. Une découverte stupéfiante pour les juges chargés de l’enquête : cette plainte décrit un mode opératoire identique à celui qui a conduit au premier viol dénoncé par Florence Porcel, alors âgée de 18 ans. Il n’y a d’ailleurs que quatre mois d’écart entre ce dernier, ce qui aurait pris lieu le 8 novembre 2004 et celui rapporté par Caroline Merlet. Dans l’enquête en cours, l’émergence de la procédure de 2005 pourrait être décisive, alors que Florence Porcel dénonce un second viol qui a eu lieu en 2009, et qui n’a pas été prescrit.
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Les magistrats apprennent également que l’enquête préliminaire de 2005, finalement classée sans suite, déclenchée par Caroline Merlet, alors âgée de 29 ans, a suscité d’importantes investigations. En octobre 2005, Patrick Poivre d’Arvor est entendu par la police judiciaire des Hauts-de-Seine, tout comme ses deux principaux collaborateurs de TF1. Et les enquêteurs se sont rendus au siège de la chaîne pour effectuer des constatations dans le bureau du journaliste, comme les procès-verbaux consultés par Le monde en témoignent.
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