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« Aznavour est la bande originale de notre enfance »

Quelle a été la première chanson que vous avez entendue d’Aznavour ?

Je ne sais pas car, pour moi, Charles appartient à tout le monde. C’est la bande originale de notre enfance, de notre adolescence. Mes parents l’écoutaient, tout le monde l’écoutait, à la radio, dans les taxis, dans la rue. Il y a toujours une chaise libre pour lui au cas où il viendrait sonner. Cela m’a toujours donné l’effet qu’on obtient lorsqu’on entend un concert en plein air, auquel on n’a pas forcément accès, qu’on entend résonner et qui traverse les murs.

Aviez-vous une bonne image de lui ? Le film ne montre pas que ses bons côtés…

Oui, j’avais une bonne image de lui car je ne connaissais pas son histoire. Il était très gentil, mais dans le film, on ne l’épargne pas et on ne devrait pas le faire. Nous sommes tous humains, tous faillibles. Il est important de donner de la texture aux personnages. Il ne faut pas mentir sur la matière et c’est ça qui est intéressant. Et puis il a eu des moments difficiles. Si, du coup, on présente un personnage impeccable de A à Z, comment peut-on l’identifier ? Personne n’est parfait.

Comment as-tu fait ?

Pour retrouver le personnage, je cherchais le « côté obscur » qu’on retrouve dans les biopics. Quand ce sont des stars dont tout le monde connaît la vie, cela nous impose des contraintes dans lesquelles nous devons trouver la liberté. Certains ont traversé des phases de drogue, de tromperie ou de prison. Là, il n’y avait pas ça. Nous avons travaillé avec des psychologues, nous avons creusé plus profondément. Ils retournent des pierres, apportent un éclairage qui peut être utilisé directement dans le film ou qui nourrit simplement le personnage sans être visible. Mais nous avons trouvé une malédiction. Aznavour est quelqu’un qui ne sera jamais heureux. Quand on veut à tout prix atteindre ses objectifs, parfois on passe à côté de l’essentiel, sa famille, ses enfants. Cela crée une fissure, comme la mort de son fils. Et il s’enferme dans ce que j’appelle sa bouée de survie qui était, pour lui, l’écriture.

La partie la plus difficile a-t-elle été d’apprendre à chanter, à écouter de la musique ou à danser ?

Peut-être chanter : six mois, huit heures par semaine. Chanter et danser, en plus d’être acteur, apporte des contraintes techniques dont il faut s’affranchir pour pouvoir se produire. En plus, Charles Aznavour, tout le monde connaissait sa voix, si unique. J’avais la chance d’avoir une tessiture, un timbre, un voile rauque… Il fallait que ça marche : il y avait “Elvis” qui sortait au cinéma à ce moment-là et l’acteur avait fait un travail étonnant. Cependant, c’est la voix qui est arrivée le plus rapidement.

Allez-vous devenir chanteur ?

Non (rires). Quand je travaille, j’envoie toute mon énergie. Dans la chanson « Comme ils disent », je n’ai appris que l’extrait que je chantais. Je n’ai pas eu le temps de me disperser. Je suis un réservoir, et quand je termine un rôle, je siphonne le réservoir pour passer au personnage suivant.

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(Photo Antoine Agoudjian)

Dans le personnage de Charles Aznavour, avez-vous découvert des points communs avec vous ?

Chemin faisant, j’ai découvert que nous étions des enfants d’émigrés, issus du même milieu social, avec l’envie commune d’explorer des langues différentes, la combativité, même si la sienne est olympienne (rires). Mais, au début, j’avais beaucoup de doutes : je ne lui ressemblais pas, je n’avais pas la même taille, pas la même voix, pas la même corpulence. J’ai demandé son avis à Jean-Rachid Kallouche, le gendre et producteur du film, que j’ai connu. Il m’a dit qu’il avait lui-même des réserves, ainsi que Katia, sa femme, la fille du chanteur. Cela m’a rassuré. J’avais peur que ce soit une mauvaise idée, qu’on s’engage corps et âme sans réfléchir et qu’au final, ça ne marche pas. J’ai dit oui et les craintes ont été balayées par le défi !

Qu’en a pensé la famille ?

Katia, la fille qu’il a eu avec sa troisième femme, Ulla, est venue nous voir sur le tournage et nous a dit : « J’ai l’impression de voir mon père ». Quand on tente des choses aussi folles et risquées et qu’elle dit cela, elle confirme la direction que nous avons décidé de prendre. Cela vous donne des ailes. Sans cela, sans cette validation, j’aurais eu un goût amer dans mon cœur.

La métamorphose physique a-t-elle été compliquée ?

Ce sont des heures de maquillage. On se lève plus tôt que tout le monde, on porte une prothèse sur le visage qui demande un entraînement, pour pouvoir parler avec subtilité ou grandiloquent selon les moments. Il faut trouver l’équilibre pour être totalement crédible.

Vous avez dit que vous aviez pris le temps de vous installer dans ses escarpins. Quand se dit-on qu’on y est ?

Je ne me dis jamais qu’on est là. Jusqu’à la dernière minute. De plus, nous avons réenregistré en studio des chansons qui, au début, n’étaient pas suffisamment confortables pour l’oreille du spectateur, des mois après le tournage.

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(Photo de Rémi Deprez)

Quelle chanson de Charles Aznavour préférez-vous ?

Un me touche particulièrement, même si j’en ai découvert des dizaines et qu’il en a écrit des milliers, c’est « Le Feltre taupé ». C’était du swing mais aussi un peu l’ancêtre du rap !

Vous avez perdu beaucoup de poids : allez-vous bien ? Vous vous préparez à un nouveau rôle ? On parle de Julia Ducournau…

(Rire) Je vais très bien, merci. J’ai perdu beaucoup de poids pour Aznavour, j’ai repris du poids et, maintenant, je dois encore en perdre beaucoup. Mais je n’ai pas le droit d’en parler !

“Monsieur Aznavour”, by Grand Corps Malade and Mehdi Idir, also with Bastien Bouillon, Marie-Julie Baup. Released October 23, 2024.

 
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