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“25 milliards d’économies sur le dos des chômeurs, c’est profondément injuste”, pointe Marylise Léon, à la CFDT

Oui, c’est plutôt fidèle à l’idée que je m’en étais car on a pris le temps de préparer la transmission (avec Laurent Berger, NDLR). Cela me réserve quelques surprises, mais cela fait aussi partie du mandat. Vous ne pouvez pas tout savoir et tout savoir avant d’y être. Dans l’ensemble, tout est très bien.

L’année de votre prise de fonction – 2023 – a été marquée par une forte mobilisation contre la réforme des retraites. Il s’avère que le sujet est revenu sur le devant de la scène ces dernières semaines avec la dissolution de l’Assemblée nationale et les partis qui réclament encore aujourd’hui l’abrogation de cette réforme. Vous l’attendez aussi ? Est-ce possible ?

A la CFDT, nous restons toujours convaincus que 64 ans n’était pas une bonne idée. Et ce n’est toujours pas le cas. Nous n’avons pas obtenu ce que nous souhaitions mais je ne pense pas que le débat soit terminé. Derrière la réforme, derrière la mobilisation contre les 64 ans, il y a eu une mobilisation sur le travail. Plusieurs questions restent sans réponse : Comment prendre en compte les conditions de travail avec pénibilité ? Comment prendre en compte une meilleure égalité entre les hommes et les femmes, ce qui se répercute forcément à la retraite ? L’écart de pension entre les hommes et les femmes est de 40 %. Il y a des inégalités qui ne sont pas résolues. Le changement de l’âge légal n’a absolument rien fait. Nous saisirons donc toutes les opportunités pour faire avancer ces dossiers et nous profiterons de la porte entrouverte par Michel Barnier (Premier ministre, NDLR) lorsqu’il dit que les limites de la loi peuvent se discuter. Nous voulons dire y compris les personnes de 64 ans. Nous souhaitons lui rappeler que d’autres pistes sont possibles sur les questions de financement, ne serait-ce qu’en progressant sur l’emploi des seniors.

Il faut se réunir ce soir (ce mercredi, NDLR) avec toutes les organisations pour fixer les ordres du jour. Nous devons agir le plus rapidement possible. A la CFDT, nous avons dit que ce serait la priorité numéro un. Nous avons jusqu’à la mi-novembre pour négocier.

Est-ce que ça se passe bien avec le Medef ?

On est loin d’être d’accord sur tout mais l’important c’est de se parler. C’est ainsi que nous progressons.

La mobilisation autour de la réforme des retraites vous a permis de gagner de nouveaux adhérents. Dans quelles proportions et quels sont les profils des nouveaux adhérents ?

Nous sommes à + 4% pour l’année 2023. Nous avons toutes les catégories, tous les secteurs professionnels et 25% sont des jeunes de moins de 35 ans, autant d’hommes que de femmes. C’est à l’image de la CFDT qui regroupe aujourd’hui plus de 634 000 adhérents, dont 52 % de femmes.

Nous y sommes en fait opposés parce qu’il s’agit d’une mesure uniforme. Toutefois, les retraités ne constituent pas une population uniforme. Il y a deux millions de retraités pauvres. La réévaluation se mesure en dizaines d’euros et elle est importante quand on compte chaque euro. Il s’agit d’un déficit important. Nous sommes favorables à une augmentation qui concerne au moins les plus petites pensions.

Vente du Doliprane : à la CFDT, on est contre depuis le début

Parmi les idées du gouvernement, il y a aussi la révision du taux d’exonération des cotisations patronales au niveau du SMIC. Est-ce une mauvaise idée ?

On se rend compte que les entreprises n’augmentent pas les salaires parce qu’elles perdent des exonérations de cotisations. Nous ne sommes pas opposés en principe à ce qu’il y ait des aides aux entreprises. Mais cela reste un manque à gagner en matière de protection sociale et doit donc être évalué. Au-delà de deux ou trois Smic, l’efficacité des exonérations de cotisations n’est pas prouvée. Alors demandons-nous si c’est vraiment utile. Globalement, nous sommes plutôt favorables au projet de révision de ces exonérations mais attention, ce n’est pas parce qu’un employeur aura plus d’exonérations que cela se traduira par une augmentation de salaire.

Y a-t-il un risque pour les emplois du bas de l’échelle comme le prédit le président du Medef ?

Non car ce sera progressif. Il n’y a aucun danger pour l’emploi. Il est prévu que celui-ci s’étale sur deux ans. Et puis on ne peut pas accepter aujourd’hui qu’il y ait des salariés qui n’ont pas d’évolution salariale parce que cela menacerait l’emploi. Le Smic, je le rappelle, c’est le salaire d’entrée dans la vie active sans qualification. Mais nous n’avons jamais eu autant de personnes au salaire minimum. 17% : on n’a pas vécu ça depuis 20 ans. Si les entreprises sont dans cette situation, c’est parce qu’elles ne disposent pas d’un modèle économique viable. On leur tire dessus sur les aides et les exonérations.

Concernant l’apprentissage, le gouvernement prévoit de réduire les aides d’un peu plus d’un milliard d’euros. Est-ce une mauvaise idée ou sommes-nous allés trop loin ?

Il y a eu une très grande dynamique en termes d’apprentissage, ce qui est important. Il fallait amorcer cette évolution, notamment avec les diplômes de l’enseignement supérieur. Mais plutôt que de lésiner sur tout le monde, il serait plus judicieux de cibler les entreprises, notamment les petites, en sélectionnant celles qui ont réellement besoin de ce type de contrat. Cela doit également faciliter l’insertion dans des métiers moins qualifiés que d’autres.

Sanofi, qui souhaite céder 50% de sa filiale Opella, produisant du Doliprane, à un fonds américain. Est-ce une erreur ?

A la CFDT, nous y sommes opposés depuis le début. Nous y sommes opposés parce qu’il n’y a aucune justification économique. C’est une filiale qui rapporte beaucoup de revenus au groupe Sanofi. Cinq milliards de chiffre d’affaires pour plus d’un milliard de bénéfice net. Il est important qu’il y ait une solidité financière ainsi que le maintien de ce produit dans le giron français pour protéger notre souveraineté sanitaire.

Le gouvernement indique qu’il demandera des garanties à Sanofi et au fonds américain.

Je ne crois pas une seconde que l’État puisse imposer la moindre condition a posteriori. Il existe des inquiétudes quant à la disponibilité des produits, à leur qualité et à l’emploi.

Nous sommes inquiets de la question économique

Oui, nous sommes préoccupés par la question économique. Nous sommes inquiets de tous les cas que vous évoquez. Nous avons également un plan d’alerte pour toutes les entreprises qui ne font pas l’actualité.

As-tu des capteurs ?

Nos principaux capteurs sont les délégués syndicaux et nous avons deux grands secteurs qui nous inquiètent beaucoup : l’automobile et la chimie. Près de Redon, 66 postes seront supprimés chez Forvia (Ex-Faurecia, NDLR). Nous avons également de nombreux retours d’expérience sur les équipementiers automobiles strasbourgeois, directement impactés par l’évolution du secteur, avec le passage du thermique à l’électrique. C’est d’autant plus incompréhensible que l’on alerte depuis des années sur la nécessité d’impliquer l’ensemble de la filière, constructeurs et sous-traitants, dans une démarche indispensable vers l’électricité. On voit bien qu’il n’y a pas eu d’anticipation.

Faut-il se préparer à vivre une année 2025 catastrophique ?

En tout cas, cela risque d’être compliqué. Mais je ne veux pas être trop dramatique. Ce que je crains, c’est que les discussions autour du budget incluent des coupes aveugles avec des impacts directs sur le pouvoir d’achat des Français. Et ce n’est pas bon pour l’économie. Le risque est que nous ayons un budget qui ralentisse encore davantage la croissance. Il existe un risque d’affaiblissement de la dynamique économique.

Des réductions d’effectifs ont été annoncées à l’Éducation nationale. Est-ce une ligne rouge pour vous ?

Ce n’est pas une bonne idée, car le gouvernement ne peut pas dire, d’un côté, que l’éducation reste une priorité et, de l’autre, il supprime 4 000 postes d’enseignants.

Y compris lorsque la population étudiante diminue ?

Dans ce cas, nous gérons le pays uniquement à l’aide de tableaux Excel. Je pense qu’il y a une question de qualité et d’égalité des conditions de travail des enseignants. Il y a 60 000 postes vacants dans l’ensemble des services publics. Ils ont un problème d’attractivité. De plus en plus d’équipes me disent aussi qu’elles n’arrivent pas à garder le personnel. Les gens ne veulent plus faire leur travail. Il y a un vrai sujet.

Nous devons également ouvrir le débat sur une meilleure fiscalité du capital

Si nous ne réduisons pas suffisamment les dépenses, nous devons augmenter les impôts. Pourtant, la connaît un niveau record de prélèvements obligatoires…

Il faut se pencher sur la question des dépenses, notamment dans le cadre d’aides aux entreprises qui ne sont pas forcément efficaces ou qui ne servent pas ce à quoi elles sont destinées. Nous sommes pour une meilleure conditionnalité de l’aide. Nous sommes également favorables à ce qui a été esquissé en termes d’implication de grandes entreprises ou de personnes à revenus élevés. Mais je pense que nous devons également ouvrir le débat sur une meilleure fiscalité du capital. Car il y a toute une partie de la population qui ne contribue pas à la solidarité nationale. Je ne suis pas un aficionada de la fiscalité sur tous les sujets, tout le temps et au maximum. Mais je pense qu’aujourd’hui nous sommes dans une situation où nous devons le faire. La CFDT affirme depuis plus de dix ans qu’il faut une réforme fiscale fondamentale qui réhabilite le consentement à l’impôt et qui rééquilibre également les cotisations de chacun.

Vous dites qu’il nous faut une réforme fiscale à long terme, sur plusieurs années. Mais avec l’instabilité gouvernementale actuelle, est-il possible de l’embaucher ?

J’ai peu d’espoir parce que nous avons un gouvernement qui a une vision à très court terme. Par exemple, l’une des premières positions qui sera perdue est l’écologie. Michel Barnier nous disait néanmoins dans sa déclaration de politique générale que la dette écologique est au moins aussi importante que la dette budgétaire. Cela n’a pas de sens. C’est pourquoi nous avons particulièrement demandé une conférence sur les finances publiques afin de réunir tout le monde autour de la table et d’identifier les enjeux du moment. Les choix d’aujourd’hui n’empêchent pas de porter un regard tourné vers l’avenir et les questions de transition écologique qui sont essentielles.

Une dernière question, plus personnelle. Vous avez des origines bretonnes. Quel est votre rapport à la région ?

 
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