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les dessous d’une arrivée tant attendue

« Vous avez des fleurs magnifiques », s’exclame Mathilde en jetant un regard furtif par la fenêtre. Brigitte Macron ne peut qu’être d’accord, même si elle souligne que, depuis peu, Jules et Jeanne, les deux lévriers offerts par le président du Kazakhstan, fouillent les parterres de fleurs des jardins du palais. Une anecdote qui ne manque jamais de faire sourire la reine. La première dame lui fait visiter le salon de Fougères, où elle a installé son bureau, et lui montre quelques photos ici et là. Y compris celui d’Emmanuel Macron en fervent supporter dans la tribune de la Coupe du monde, à Moscou en 2018. Un point commun entre le président et le roi, qui pourrait aussi perdre son sang-froid lorsqu’il s’agira de soutenir les Diables Rouges, l’équipe nationale. .

Ils partagent d’autres passions, à commencer par le tennis et le bon vin… français bien sûr. Midi n’a pas encore sonné ce lundi 14 octobre, il est donc encore un peu tôt pour y goûter. Café et verres d’eau gazeuse seront plus appropriés pour arroser ce premier échange qui se déroule au salon Pompadour de l’Élysée. Quelques minutes plus tôt avait eu lieu le traditionnel échange de cadeaux. Parmi celles offertes par le président au roi, on trouve une édition originale de « Nécessités de la vie et conséquences des rêves », de Paul Éluard, illustré par René Magritte – dialogue entre un poète français et un artiste belge ; un ouvrage sur Louise d’Orléans, fille aînée du dernier roi des Français devenu première reine des Belges ; ainsi qu’une photo vue du ciel de l’île d’Yeu. Un petit coin de paradis au large de la Vendée qui n’est pas inconnu des souverains puisqu’ils y passent leurs vacances d’été depuis une vingtaine d’années. Sur la photo, on tente de localiser la discrète propriété qu’ils ont acquise là-bas, non loin de la plage où Mathilde aime aller lire et Philippe fait de la voile avec les enfants.

Nul doute que le Roi et la Reine des Belges ont la dans leur cœur. « D’autant que, s’ils sont parfaitement bilingues, ils parlent plus français que néerlandais à la maison et pensent en français », révèle l’expert royal flamand, Wim Dehandschutter.

Une seule visite par pays pour le roi

Bien que Bruxelles et Paris ne soient séparés que d’une heure en TGV, il aura fallu plus de dix ans pour que Philippe et Mathilde soient invités à l’Élysée avec tous les honneurs. Il faut même remonter à octobre 2003 pour trouver des traces d’une visite d’État de souverains belges dans notre région. A l’époque, le roi Albert II et son épouse, la reine Paola, avaient été chaleureusement accueillis par Jacques Chirac afin de célébrer « une amitié faite de respect mutuel et de proximité ». Est-ce parce que notre quartier a toujours été sans vagues qu’il n’a jamais été une priorité d’en prendre soin ? Du côté de l’ambassade de Belgique à Paris, on tient surtout à rappeler que le roi n’effectue pas plus d’une visite d’État par pays durant son règne. Une rareté qui donne un caractère encore plus solennel à l’événement.

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Accompagné de Brigitte et Emmanuel Macron dans la salle des Tapisseries de l’Élysée, le 14 octobre.

© Baptiste Giroudon

Régnant depuis juillet 2013, Philippe en a déjà réalisé une quinzaine, de la Chine au Canada, sans oublier les pays frontaliers de son royaume : le Luxembourg, l’Allemagne et les Pays-Bas… Il ne manquait plus que la France pour compléter le tableau. De leur côté, Emmanuel et Brigitte Macron se sont rendus à Bruxelles en novembre 2018. Si l’invitation au retour a tardé à arriver, c’est « parce qu’un grand nombre de circonstances l’ont repoussée, de la crise du Covid à la guerre en Ukraine », souligne Pierre. Vercauteren, professeur de sciences politiques à l’Université catholique de Louvain. «Cela a souvent été inscrit à l’ordre du jour mais à chaque fois reporté», confirme Wim Dehandschutter. La France figurait en tête de liste des pays où le couple souverain souhaitait effectuer une visite d’État. » Malgré cette longue attente, on assure que les monarques belges ne se sont pas sentis lésés : « Nous savons qu’il faut du temps pour les préparatifs. Et aujourd’hui le roi et la reine sont merveilleusement accueillis par le couple Macron. »

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Visite improvisée au bureau de la première dame.

© Baptiste Giroudon

Quand Emmanuel Macron saisit Philippe de Belgique par le bras…

Dans la hiérarchie protocolaire, la visite d’État constitue le summum du voyage officiel. La tradition veut qu’elle commence par une cérémonie à l’Arc de Triomphe où la flamme du soldat inconnu est ravivée. C’est là, à peine descendus de leur Eurostar dont une voiture avait été privatisée, que le roi et la reine rencontrent le président et la première dame. Entre eux, une véritable complicité s’est créée au fil des années. À tel point qu’en avril, lors d’un sommet européen, Emmanuel Macron a transgressé l’étiquette en saisissant Philippe de Belgique par le bras. “Un geste qui n’a pas échappé aux observateurs et autres fans de la royauté qui se demandaient sur les réseaux sociaux si Macron pensait vraiment que le roi était son ami”, note Wim Dehandschutter. Mais le président est tactile même avec les souverains.

Autre point fort de ce séjour : le dîner d’État. Même si sans smoking pour ces messieurs – et sans diadème pour Sa Majesté la Reine – la soirée n’a pas manqué de faste. Sous les lustres de la salle des fêtes de l’Élysée, les coupes de champagne rosé tintent joyeusement. Philippe et Mathilde sont venus accompagnés de leur plus jeune fils, le prince Gabriel, 21 ans, trois têtes de plus que ses parents. Même si ses traits restent jeunes, il possède déjà l’élégance qu’exige son rang. Emmanuel et Brigitte Macron s’enquièrent de ses études : dans le cadre d’Erasmus, Gabriel vient d’intégrer l’Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan, en Bretagne. Encore un parfait exemple des échanges entre nos deux pays.

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Tapis rouge pour Mathilde et Philippe de Belgique, aux côtés du couple présidentiel, à leur arrivée à la réception.

© Baptiste Giroudon

Le président l’évoque dès les premiers mots de son discours : « Accueillir la Belgique, pour la France, c’est un peu comme célébrer à la fois une réunion de famille et la fête des voisins. […] Notre frontière terrestre est la plus longue que la France ait en Europe, et la plus invisible : pas de fleuve, pas de mer, pas de montagne entre nous, pas de démarcation ni de barrière… » Ce que confirme le roi : « Les Français et les Belges partagent bien plus qu’un bordure simple. […] Historiquement, nos deux nations ont toujours trouvé un chemin commun, pavé de projets partagés… » Avant de tempérer : « Toutefois, rien ne doit être tenu pour acquis. Les amitiés, comme les alliances, doivent être constamment nourries et entretenues. » Vérifier que le moteur franco-belge continue de fonctionner, tel est le but de ce déplacement.

Au menu, concocté par le chef étoilé Georges Blanc, sous la coordination de Fabrice Desvignes, chef des cuisines de l’Élysée : homard bleu et aubergines confites au curry breton ; Poulet de Bresse aux cèpes ; dosette de chocolat grand cru et framboises. La table de Rachida Dati est certainement la plus animée. Elle raconte des histoires poignantes et met les gens au défi d’essorer les serviettes lorsque l’orchestre de la Garde républicaine se met à chanter « L’Envie » de Johnny Hallyday. Une des chansons préférées du président, nous dit-on, qu’il ne se lasse pas d’écouter, en plus de faire honneur à son hôte belge. Car a-t-on oublié que le Taulier avait ses racines au-delà de Quiévrain ?

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la ministre de la Culture, Rachida Dati.

© Baptiste Giroudon

Durant ces trois jours sur le sol français, Philippe et Mathilde n’ont pas eu une minute de répit. De Paris à Lille, en passant par le château de Chantilly, ils ont enchaîné les rencontres avec des militaires, des universitaires mais aussi de grands patrons et des start-up. « Une visite d’État est toujours une mission commerciale. L’accent était mis sur les relations économiques», explique Wim Dehandschutter. Un programme chargé et presque politique. Alors que, comme le dit la formule établie, le roi « règne mais ne gouverne pas ». «Dès qu’il prononce un discours, il est toujours couvert par le Premier ministre ou un ministre, qui l’accompagne et qui assure la responsabilité de ses propos», précise Pierre Vercauteren.

Même quand il improvise ? Lors du dîner d’État donné à l’Élysée, le roi est sorti de sa réserve habituelle pour commenter le match France-Belgique qui se déroulait au même moment au stade Roi Baudouin de Bruxelles : « Tandis que nos équipes nationales de football affronteront , c’est dans le même esprit d’amitié et de fair-play que nous vibrerons. » Puis d’ajouter en riant : « Même si, bien sûr, je nourris secrètement l’espoir d’une victoire… Je dis secrètement parce que nos meilleurs joueurs ne jouent pas ce soir. » Philippe avait raison : sur le terrain, la France a gagné contre la Belgique.

 
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