À première vue, la nouvelle apparaît comme une aubaine pour le football français. La famille Arnault, première fortune de France et cinquième mondiale (190 milliards d’euros selon le magazine Challenges), a décidé selon L’équipe de s’imposer dans le paysage avec le rachat du Paris FC. L’opération n’est pas encore finalisée, mais on parle d’un rachat de 55% des actions dans un premier temps, auquel s’ajouteraient les derniers 30% de l’actuel actionnaire majoritaire Pierre Ferracci d’ici 2027. La famille du président de LVMH Le groupe arrive également avec le soutien de Red Bull, dont l’expertise en matière de détection et de post-entraînement des joueurs ne fait plus de doute – voire est exempte de tout reproche.
L’entreprise autrichienne, propriétaire de six clubs, a notamment fait de Leipzig une place forte du football allemand, disputant presque chaque année la Ligue des champions. Elle vient d’ailleurs de frapper un grand coup en convainquant Jurgen Klopp de devenir son « responsable du football ». La combinaison de moyens financiers et de savoir-faire, dans ce gigantesque vivier qu’est l’Ile-de-France, est passionnante sur le papier. Cela n’est pas non plus sans questions.
Pourquoi cet investissement de la famille Arnault ?
La fortune familiale n’est pas nouvelle, et pourtant, avant 2024, LVMH ou l’une de ses filiales ne s’était jamais aventurée dans le monde du sport. Les JO de Paris ont marqué un tournant, avec la signature d’un partenariat premium estimé à 150 millions d’euros. Dans le même temps, le groupe officialise son arrivée en Formule 1, en tant que « partenaire mondial » pour les dix prochaines années. Le rachat du Paris FC ne serait donc que la prochaine étape d’une nouvelle stratégie.
« Il faudrait peut-être voir l’influence croissante des enfants de Bernard Arnault, qui semblent plus enclins à ce type d’investissement », estime Christophe Lepetit, responsable des études économiques au Centre de droit et d’économie du sport (CDES). De même, les premiers éléments qui ressortent indiquent une volonté de reconnecter la famille/le groupe avec un public un peu plus large. »
Les cinq enfants Arnault, Delphine, Antoine, Alexandre, Frédéric et Jean, prennent en effet petit à petit le relais du patriarche, 75 ans, et comptent bien explorer de nouveaux terrains de jeu. Ce deal a été négocié par Antoine et Frédéric, très sportifs, le premier étant même un habitué du Parc des Princes. Cet investissement, qui sera réalisé via une holding familiale et non le groupe LVMH, n’a pas vocation à rapporter de l’argent. C’est plutôt une histoire d’opportunité et d’image.
« L’objectif du club, qui vise à grimper puis s’imposer durablement en L1, avant pourquoi pas d’avoir plus d’ambitions, va demander des moyens même si le club n’est déjà pas rentable aujourd’hui, analyse l’économiste. Mais ce choix s’explique par la popularité du football et par l’image de Paris, qui colle très bien à celle de la marque de luxe à la française. » Un créneau également investi par le PSG depuis l’arrivée de QSI, et sur lequel il faudra néanmoins réussir à se démarquer.
Quel est l’intérêt de collaborer avec Red Bull ?
Cette acquisition est une opportunité en or pour la marque de boisson énergisante. En prenant 15 % de ce club de Ligue 2, il s’offre, moyennant « un coût d’entrée limité », une place centrale au sein du « principal vivier du football mondial », constate Christophe Lepetit. Red Bull n’aura qu’à se baisser pour faire son marché en Ile-de-France, région qui abritait 10% des joueurs évoluant dans les cinq grands championnats européens. Condition importante pour que cela fonctionne, quand même : développer des infrastructures d’accueil dignes de ce nom.
Pour la famille Arnault, dont l’expérience dans le monde du sport est récente et donc limitée, les compétences de Red Bull, renforcées par l’arrivée retentissante de l’ancien entraîneur de Liverpool Jurgen Klopp, constituent un atout majeur. L’économiste du CDES résume : « Il y a de belles perspectives, l’ambition est là mais gravir les échelons jusqu’au sommet prend du temps. Le PFC devra donc rejoindre la L1 pour ensuite s’y installer durablement. Il faudra créer et développer un véritable centre de formation et continuer de viser l’excellence auprès des femmes. De même, le problème des stades est un sujet majeur. »
Le stade : Charléty fatigué, Jean-Bouin comme alternative ?
Le Paris FC joue actuellement ses matchs à Charléty (Paris 13ème). Un stade que personne n’aime dans sa configuration actuelle, avec ses repêchages et sa piste d’athlétisme plus enclin à accueillir un record du monde d’Armand Duplantis qu’un match de Ligue des Champions. Selon L’équipeFerracci rêve de Jean-Bouin dès l’année prochaine, que ce soit en Ligue 1 ou en Ligue 2. Un passage provisoire sur lequel il faudra se mettre d’accord avec le Stade français et le PSG (le Parc est à 100 mètres), avant d’éventuellement retrouver un Charléty rénové (un projet de modernisation devait être présenté à la Mairie de Paris à la rentrée).
L’enceinte du 13e arrondissement présente de nombreux défauts mais est la seule à respecter l’ancrage territorial du PFC. Un transfert au Parc des Princes, même s’il était déserté par le PSG, n’est pas à l’ordre du jour. Malgré la tentation logistique, il y a des risques à poser ses fondations sur un cimetière indien.
Quelle identité pour se démarquer du PSG ?
Le serpent de mer de la rivalité entre deux clubs parisiens au sein de l’élite du football français est resté jusqu’ici au stade d’une équation insoluble. Dans les années 1980, Jean-Luc Lagardère fait de bons débuts chez Matra Racing, rachetant ainsi l’équipe première du Paris FC et recrutant de nombreuses stars. Mais il n’avait pas réussi à susciter l’enthousiasme autour du club : 10 000 spectateurs en moyenne, c’était trop peu, surtout pour rivaliser avec le PSG. La réussite d’Arnault et du Paris FC de Red Bull débutera d’abord par une montée en L1, mais ne traversera le temps qu’en cultivant sa propre identité. En la matière, le club présidé par Pierre Ferracci est loin derrière le Red Star, historiquement ouvrier et populaire.
Mais il y a de quoi creuser dans le sud-est parisien, du 13e arrondissement à la porte de Montreuil (20e) et son stade Déjérine, où évoluait autrefois l’équipe première. « C’est un club qui représente la ville de Paris, d’abord pré-entraîneur et maintenant entraîneur de jeunes joueurs », décrit le porte-parole du groupe Ultras Lutetia, basé à Nation. Le club cultive une certaine proximité avec ses supporters, il faut entretenir ça. Pour attirer du monde, le club a lancé le mouvement en rendant le stade gratuit, une mesure en totale opposition avec ce qui se passe dans le football actuel. » L’idée ne survivra pas à la montée en Ligue 1, mais aura eu le mérite d’attirer en tribunes les populations moins aisées.
Il est également possible que ces questions soient balayées par la marque Red Bull, et qu’elle s’accommode du manque d’identité forte du Paris FC. Ce ne serait pas une première : le RB Leipzig s’est appuyé sur un club amateur de la région, le SSV Markanstädt, ainsi que sur le Red Bull Bragantino au Brésil, du CA Bragantino, dont le principal fait d’armes était un « titre » de vice-champion en 1991 avant d’être racheté par le géant autrichien. Terrain propice au naming et menace aux yeux du porte-parole de Lutetia. « Nous ne voulons pas de multipropriété, nous espérons que l’arrivée de Red Bull n’entraînera pas un changement de nom du groupe. Nous ne voulons pas perdre notre identité et c’est là que nous allons devoir prendre des précautions pour calmer les investisseurs. »
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