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« Derrière l’offensive massive contre le Hezbollah, les trois objectifs de Netanyahu »

Ce mardi 1er octobre, quelques heures avant que les missiles iraniens ne tombent sur Tel-Aviv, Israël a officiellement lancé une invasion terrestre dans le sud du Liban, près d’un an jour pour jour après l’offensive du Hamas, le 7 octobre 2023, qui a été suivie d’une attaque massive menée par l’État juif dans la bande de Gaza. En quoi les deux offensives israéliennes, l’une contre le Hamas et l’autre contre le Hezbollah, diffèrent-elles ? Entretien avec Frédéric Encel, spécialiste de géopolitique du Moyen-Orient.

Près d’un an après l’offensive du Hamas en Israël, le 7 octobre 2023, l’État hébreu a officiellement lancé une invasion terrestre dans le sud du Liban. « Conformément à la décision du niveau politique, les forces de la Défense Civile ont lancé il y a quelques heures des raids terrestres limités, localisés et ciblés, basés sur des renseignements précis, contre des cibles et des infrastructures terroristes du Hezbollah »a déclaré Tsahal sur Telegram, dans la nuit du lundi 30 septembre au mardi 1er octobre.

Menées à un an d’intervalle, en quoi les offensives israéliennes dans la bande de Gaza contre le Hamas et au Liban contre le Hezbollah diffèrent-elles ? Quel est l’objectif affiché du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ? Éléments de réponse avec Frédéric Encel, spécialiste de géopolitique du Moyen-Orient, professeur à Science Po Paris et à la Paris School of Business.

Marianne : Près d’un an après le début du conflit israélo-palestinien dans la bande de Gaza, en quoi l’offensive de l’État hébreu contre le Hezbollah au Liban diffère-t-elle de celle menée contre le Hamas ?

Frédéric Encel : Les deux offensives d’Israël sont différentes. Cela s’explique notamment par le caractère pogromiste de l’attentat du Hamas du 7 octobre. Le Hezbollah a multiplié les manœuvres d’une extrême violence depuis sa création en 1982, a toujours rejeté l’État hébreu et lui a toujours déclaré la guerre, mais il n’a jamais porté ses fruits. un pogrom. Pour un Israélien, la nuance est importante : si la population palestinienne est considérée – à tort – comme largement complice du Hamas, la majorité des Libanais ne sont pas proches du Hezbollah, et Israël le sait très bien.

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Par ailleurs, la différence de stratégie est liée à la géographie des deux territoires. Pour faire la guerre, la géographie du Liban est très complexe : en cas d’invasion massive, les membres du Hezbollah pourraient se replier vers le centre ou le nord du pays, voire même vers la Syrie – où le mouvement chiite a tout fait militairement pour maintenir Bachar al-Bahar. -Assad au pouvoir. A l’inverse, la bande de Gaza ne présente pas de topographie particulière : c’est une bande sableuse complètement plate.

Israël a-t-il dû s’adapter aux moyens militaires du Hezbollah, qui restent bien supérieurs à ceux du Hamas ?

Concernant les armes, en effet, le Hezbollah possède des armes, notamment des missiles balistiques, bien plus efficaces et puissantes que le Hamas. Le mouvement chiite dispose également d’une force de fantassins mieux entraînés et déjà aguerris en Syrie. En fait, au Liban, l’offensive a été beaucoup plus ciblée dans le sens où Israël a cherché – et a réussi – à décapiter la principale organisation des dirigeants du Hezbollah.

C’est une organisation pyramidale extrêmement structurée, notamment autour du leader Hassan Nasrallah. [tué le 27 septembre dernier dans une frappe israélienne dans la banlieue sud de Beyrouth] qui n’était pas seulement politique et militaire mais aussi religieuse. Pour Israël, la stratégie tend à cibler les officiers supérieurs inféodés à la République islamique d’Iran. Et donc, qui avait une bien plus grande capacité à nuire que les dirigeants du Hamas aux yeux de l’État juif. De plus, depuis des années, Israël a consacré beaucoup plus de ressources à tenter de frapper la tête du mouvement chiite.

Au micro de France Inter, l’ambassadeur israélien en France, Joshua Zarka, a affirmé ce mardi 1er octobre que l’offensive au Liban serait “une question de jours ou de semaines”. En termes de durée, les attaques au Liban et dans la bande de Gaza seront-elles vraiment si différentes ?

Je pense que l’offensive au Liban sera plus courte dans le temps et limitée dans l’espace. Parce que l’objectif d’Israël n’est pas la destruction militaire du Hezbollah, tout simplement parce que cela n’est pas possible. À l’inverse, pour le Hamas, cet objectif est non seulement réalisable, mais il est également très probable.

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Israël veut surtout éviter un « deuxième 7 octobre » à l’initiative du Hezbollah. En fait, l’État hébreu n’a pas besoin de pousser son offensive au-delà du fleuve Litani puisque celui-ci se situe à plusieurs dizaines de kilomètres de la frontière israélienne. Ainsi, pour le Hezbollah, il restera très difficile de mener une offensive similaire à celle du Hamas car le mouvement islamiste se trouvait parfois à proximité immédiate des premières habitations israéliennes.

Après l’attaque du Hamas, quel est l’objectif de Benjamin Netanyahu avec cette offensive au Liban ?

L’objectif est triple, mais le principal est de démontrer que le 7 octobre 2023 n’aura été qu’une parenthèse, et non la normalité. Il s’agirait alors non seulement de remettre en cause l’existence d’Israël, mais aussi le sionisme qui en est le moteur politique originel. Il s’agissait pour l’État juif d’acquérir une certaine crédibilité dissuasive, qui reste, à mon sens, le matériau géopolitique le plus précieux. Sans le 7 octobre, il n’y aurait pas eu d’offensive massive contre le Hezbollah.

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Le deuxième objectif est plus politique : il fallait prouver aux alliés et partenaires arabes qu’Israël conservait, malgré l’offensive du Hamas, toute sa puissance de frappe et de renseignement. Aujourd’hui, qu’est-ce qui intéresse les Saoudiens, les Émiratis, les Bahreïniens, voire les Jordaniens ? Il s’agit avant tout de la capacité d’Israël à leur fournir ce dont ils ont besoin pour se protéger. Et ce que le pays perpétue en ce moment au Liban est très convaincant pour ces Etats arabes. Enfin, le troisième objectif de Benjamin Netanyahu est simplement de rester au pouvoir.

Pourquoi, dans les deux cas, Benjamin Netanyahu ignore-t-il les appels à un cessez-le-feu de la communauté internationale ?

Je ne connais aucun exemple d’État ayant lancé une offensive militaire visiblement très victorieuse et ayant accepté un cessez-le-feu en pleine conquête de points politiques et militaires. Pour Israël, cela signifierait refuser de profiter des fruits de la victoire et courir le risque que le Hezbollah perpétue à nouveau le « 7 octobre ».

 
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