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le retour en force de l’extrême droite en Autriche

ANALYSE DE LA RENAISSANCE DE L’EXTRÊME DROITE EN AUTRICHE

Victoire du FPÖ : le retour en force de l’extrême droite en Autriche

Publié le Lundi 30 septembre 2024 à 13h57 | Temps de lecture estimé : 4 min.

Herbert Kickl, leader et principal candidat du Parti populiste de droite de la liberté d’Autriche (FPÖ), est acclamé par ses partisans alors qu’il arrive à la réunion électorale du parti après l’annonce des résultats des urnes au restaurant Stiegl-Ambulanz à Vienne, Autriche, 29 septembre 2024. AFP

Depuis plusieurs années, un vent global porte favorablement l’extrême droite au pouvoir en Europe. De l’arrivée et de la popularité de Silvio Berlusconi dans les années 1980 en Italie, au célèbre regretté Jorg Haïder en Autriche, en passant par Georgia Meloni aujourd’hui au pouvoir à Rome et Marine Le Pen qui prépare l’élection présidentielle française de 2027, l’extrême droite les partis politiques ont progressivement pris une place essentielle dans le paysage politique européen. Dernier succès en date : la victoire ce dimanche 29 septembre 2024 du Parti autrichien de la liberté, le célèbre FPÖ avec près de 28,8% des suffrages exprimés, face à l’actuel chancelier Karl Nehammer, chef des conservateurs de l’ÖVP qui le talonne de près avec 26,3% des voix. Analyse du retour en force du parti d’extrême droite autrichien.

C’est avec joie que doit se retourner dans sa tombe feu Jorg Haider, ancien gouverneur de Carinthie, lui qui a permis au FPÖ de se faire connaître sur la scène internationale. Décédé en 2008, il a longtemps dirigé le Parti libéral autrichien et a également présidé l’Alliance pour l’avenir de l’Autriche, parti dissident du FPÖ. Personnage controversé, il a ouvert la voie à la normalisation du parti dans le pays. Aujourd’hui, Herbert Kickl, l’actuel leader, a fait un bond spectaculaire lors de l’élection de ce dimanche 29 septembre 2024 avec une hausse de plus de 13 points par rapport à 2019, où le parti avait connu la débâcle, lui, il y a 5 ans. Pour Kickl, c’est « ouvrir la porte à une nouvelle ère », ce qui a également été salué par Jordan Bardella, l’actuel président du Rassemblement national (RN).

Une vieille histoire de l’extrême droite en Autriche

L’Autriche et l’extrême droite sont une vieille histoire. Le FPÖ (Freiheitliche Partei Österreichs) a été fondé en 1956. Il est considéré comme un parti populiste de droite, voire d’extrême droite, en raison de ses positions nationalistes, anti-immigration et essentiellement eurosceptiques.

Fondé principalement par d’anciens membres du Verband der Unabhängigen (VdU), mouvement regroupant nationaux-libéraux et anciens nazis, le FPÖ se présentait comme un parti libéral-national, prônant la liberté individuelle et un certain nationalisme. Durant ses premières décennies, il resta un parti relativement marginal, ne jouant qu’un rôle mineur dans la politique autrichienne.

Le FPÖ a été fondé principalement par d’anciens membres du Verband der Unabhängigen (VdU), un mouvement rassemblant des nationaux-libéraux et d’anciens nazis.

En 1986, Jörg Haider devient président du FPÖ. Sous sa direction, le parti a pris une tournure national-populiste, se concentrant sur des thèmes anti-immigration, anti-establishment et eurosceptiques. Il critique vivement l’immigration, la classe politique traditionnelle et les institutions européennes. Ce changement permet au FPÖ de gagner en popularité, notamment auprès des classes populaires et des jeunes déçus par les partis traditionnels (notamment le Parti social-démocrate, le SPÖ, et le Parti populaire, l’ÖVP).

Gouvernement de coalition en 2000

Dans les années 1990, le FPÖ a connu une forte montée en puissance électorale. En 1999, il obtient un score historique de 26,9 % aux élections législatives, devenant ainsi le deuxième parti du pays. En 2000, le FPÖ forme un gouvernement de coalition avec l’ÖVP, dirigé par Wolfgang Schüssel. Cette alliance a suscité une controverse internationale, l’Union européenne ayant même imposé des sanctions diplomatiques temporaires contre l’Autriche en raison de la participation d’un parti d’extrême droite au gouvernement.

Cette alliance a suscité une controverse internationale, l’Union européenne ayant même imposé des sanctions diplomatiques temporaires contre l’Autriche.

Mais les années de gouvernement entre 2000 et 2005 se révèlent difficiles pour le FPÖ, marquées par des tensions et des désaccords internes. En 2005, Jörg Haider quitte le FPÖ et fonde un nouveau parti, l’Alliance pour l’avenir de l’Autriche (BZÖ), emmenant avec lui une partie des cadres et élus du FPÖ. Ce départ affaiblit temporairement le FPÖ, mais le parti parvient à se reconstruire sous la direction de Heinz-Christian Strache, qui devient alors président. Sous la direction de Heinz-Christian Strache, le FPÖ a retrouvé un peu de sa popularité, notamment en jouant sur les thèmes de la crise migratoire, du nationalisme et de l’islamophobie. En 2017, le FPÖ entre à nouveau dans un gouvernement de coalition avec l’ÖVP, sous la direction du célèbre chancelier Sebastian Kurz.

Pourtant, en 2019, le FPÖ a été ébranlé par le scandale de l’Ibizagate. Une vidéo de 2017 montre Heinz-Christian Strache discutant avec une femme se faisant passer pour une oligarque russe, à qui il propose des contrats gouvernementaux en échange d’un soutien politique. Ce scandale a conduit à sa démission et à l’effondrement de la coalition avec l’ÖVP.

Avec qui gouverner ?

Après le scandale, Norbert Hofer prend la tête du parti, avant d’être remplacé en 2021 par Herbert Kickl, figure plus radicale du FPÖ. Le parti continue de défendre des positions nationalistes, anti-immigration et eurosceptiques, tout en se recentrant également sur des thématiques critiques à l’égard des restrictions liées à la pandémie de Covid-19.

Les positions du FPÖ sur l’immigration et l’islam ont attiré un électorat désenchanté par les grands partis.

Les positions du FPÖ sur l’immigration et l’islam ont séduit un électorat désenchanté par les grands partis. Bien qu’affaibli à plusieurs reprises par des crises et des scandales internes, le FPÖ reste un acteur majeur de la politique autrichienne, jouant un rôle clé dans les coalitions gouvernementales. Mais il résiste jour après jour et reste un exemple frappant de la montée en Europe des partis populistes et nationalistes au cours des dernières décennies, illustrant les tensions autour des questions d’identité nationale, de souveraineté et d’immigration.

Reste à savoir si Herbert Kickl et le FPÖ parviendront à construire une coalition pour gouverner le pays ou si les conservateurs et les sociaux-démocrates parviendront à former une « alliance des perdants », comme l’identifie le leader populiste, pour lui barrer la route.

Sébastien Boussois
Docteur en sciences politiques, chercheur en monde arabe et géopolitique, enseignant en relations internationales à l’IHECS (Bruxelles), associé au Cnam Paris (Equipe Sécurité Défense), à ​​l’Institut d’Etudes Appliquées de Géopolitique (IEGA Paris), au Centre Nordique pour la Transformation des Conflits ( NCCT Stockholm) et l’Observatoire géostratégique de Genève (Suisse).

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