Après 62 jours de course en mer, Éric Bellion, le skipper français de STAND AS ONE – Altavia s’est retiré du Vendée Globe. Le système de goupilles maintenant l’étai J2 a de nouveau cédé, situation qui pourrait à terme conduire à la perte du mât. .
Détourné vers l’est des îles Malouines (Atlantique Sud), les systèmes météorologiques y dominants rendaient les réparations en mer impossibles et sous la menace de conditions orageuses, Bellion a pris la sage décision d’accoster aux Malouines. Il est arrivé hier soir à 01h00 à Port Stanley où il a réussi à s’amarrer après une manœuvre périlleuse.
C’est le cœur lourd et dans un état de fatigue extrême qu’Eric Bellion a pris la décision hier soir d’abandonner son deuxième Vendée Globe. Après avoir consulté son équipe et bien évalué la situation, étudié toutes les possibilités, le skipper de STAND AS ONE – Altavia a dû se rendre à l’évidence : les conditions météorologiques de la zone et la configuration de cet archipel insulaire isolé, qu’il connaît bien pour avoir déjà arrêté il y a 20 ans, ne lui a pas permis de mettre son bateau en sécurité sans faire appel à une aide extérieure.
Après avoir contourné le Cap Horn jeudi et entamé sa remontée de l’Atlantique, Bellion a contacté son équipe technique hier, samedi 11 janvier à 08h33 UTC pour lui annoncer que la réparation qu’il avait effectuée quelques jours plus tôt (attache d’étai du J2 – voile d’avant) avait cédé et qu’il se déroutait vers les îles Falkland pour se mettre à l’abri compte tenu d’une prévision de vent de nord-ouest annoncé à 40 nœuds – 70 km/h avec des rafales de 50 nœuds – 92 km/h).
Après 14 heures de navigation, à l’approche de Port Stanley (East Falkland) et l’expérience et le sens marin de Bellion ont déterminé qu’il ne jugeait pas raisonnable de tenter cette réparation seul sans avoir ensuite la possibilité d’en tester l’efficacité et la fiabilité.
Réparer puis repartir dans une mer formée, naviguer au près aurait signifié accepter le risque bien réel de perdre le mât à tout moment. Bellion a en partie imaginé et donné vie à ce bateau résolument décalé (partagé avec Jean le Cam) en juin 2023. Et les règles du Vendée Globe sont claires, le « sans assistance » est l’un des paramètres fondamentaux qui fondent la signature de ce course légendaire : appeler à l’aide, c’est se retirer de la compétition.
Et donc déterminé mais pas têtu face à ces avaries structurelles qui menacent l’intégrité de son mât, Bellion a fait le choix raisonnable. Tout cela étant pris en compte, il souhaite toujours conduire son bateau en solitaire jusqu’aux Sables d’Olonne une fois qu’il sera fiable. Deux personnes de son équipe devraient arriver sur place demain. Une aventure hors course devrait alors commencer à écrire la suite de l’histoire.
Éric Bellion – skipper de STAND AS ONE – Altavia
« Hier tôt le matin, alors que je naviguais plein nord dans du vent fort au près pour éviter les Malouines, j’ai découvert que ma réparation avait cédé. Heureusement j’ai pu l’abaisser et j’avais sécurisé le mât avec un câble avant, donc je n’ai pas perdu le mât. L’objectif était alors de trouver une zone sous le vent des Malouines pour pouvoir réparer. Mais alors que je naviguais le long de la côte Nord des Malouines, j’ai compris que je ne pouvais pas faire une réparation durable sans modifier une pièce que je n’avais pas à bord. Compte tenu de la situation météorologique de la zone, je me suis vite rendu compte que si je voulais me mettre à l’abri dans cet archipel (plutôt plat et difficile d’accès en IMOCA) j’aurais besoin d’assistance, je ne voulais prendre aucun risque pour le bateau .
Prendre la décision d’arrêter a été horrible. Je suis tellement déçu après tous ces efforts, mon objectif était de me battre, de tout donner pour remonter au classement. C’est comme ça que ça devait être écrit, je dois maintenant attendre que les deux personnes de mon équipe arrivent lundi avec la pièce, que nous réparons au plus vite pour que je puisse repartir sereinement, seul. Nous allons terminer ce tour du monde, une nouvelle aventure est sur le point de commencer et l’histoire sera belle aussi.
Ce fut très dur hier soir avec l’arrivée aux Malouines, de nuit, avec un vent de plus de 35 nœuds et de grosses rafales, une des manœuvres les plus rock and roll de ma vie de marin.
Je dois le fait que le bateau soit intact, au calme, à la confiance et au professionnalisme de Paul, Marilou, Barth, Marion et de toute l’équipe du port. Tout mon instinct me disait que j’allais droit dans un piège, j’avais très peur de perdre mon bateau. C’était une manœuvre très risquée pour s’amarrer au ponton. Dix minutes plus tard, le vent est monté à plus de 50 nœuds, dix minutes plus tard je pense que le bateau aurait dû s’échouer. Nous avons eu beaucoup de chance.
Je suis à terre, accueilli par Marilou qui me donne des fruits et de la salade à manger, j’ai marché pour la première fois à terre, toutes ces choses que je rêvais de faire aux Sables d’Olonne et que je fais enfin ici à les Malouines… ce n’est pas comme je l’avais imaginé, mais c’est comme ça. Je suis très reconnaissant de cette chance qui a été donnée au bateau et à moi et j’essaierai de l’utiliser au maximum pour terminer cette aventure en beauté.
Nous sommes à l’abri, le bateau est en sécurité, personne n’est blessé. J’ai pu compter ici sur des personnes extraordinaires, merci beaucoup pour ce soutien. Maintenant, nous allons laisser passer la tempête, nous réparerons et nous repartirons. On sèche nos larmes et on construit une nouvelle aventure.