Fraîchement arrivé dans l’équipe Tudor Pro Cycling après 11 saisons passées sous les couleurs de Quick-Step, Julian Alaphilippe, 32 ans, double champion du monde de cyclisme sur route, regorge d’envie et d’ambition pour la saison 2025 Même si le statut Pro Team de son équipe ne garantit pas encore qu’elle pourra participer à toutes les plus grandes courses, dont le Tour de France.
Julian, tu étais très courtisé. Pourquoi avoir choisi une équipe Pro plutôt qu’une équipe World Tour ?
Je n’ai pas pensé à « World Tour ou pas World Tour ». C’était juste un ressenti et cela correspondait à ce que je souhaitais : être heureux de courir dans une bonne structure. J’ai aimé le projet et je suis heureux et motivé de le rejoindre. Où ils ont commencé et où ils en sont maintenant… C’est un défi et je suis très fier d’être ici.
Êtes-vous optimiste quant à la participation au Tour de France, pour lequel Tudor a besoin d’une invitation ?
Je suis toujours optimiste. Je suis très motivé par cette nouvelle saison. C’est un rêve d’être sur le Tour avec une équipe, mais ici on se concentre sur l’entraînement. Et nous serons heureux de pouvoir courir partout où nous le pouvons. Normalement, je serai à Paris-Nice, ça fait quelques années… Je serai content de revenir sur cette course.
Mais retrouver les routes du Tour vous passionne ?
Oui bien sûr. Comme être au début des classiques. Nous attendons et nous sommes optimistes. Le Tour, quand on n’y est pas, ça manque évidemment. Mais l’année dernière, j’ai pris très tôt la décision de faire le Giro. Je voulais aussi faire les JO donc ça aurait été beaucoup de faire le Tour en plus.
De l’extérieur, il semble que vous soyez la meilleure carte Tudor à laquelle espérer être invité. Est-ce le cas ?
Non, c’est tout un truc. L’année dernière, il y a eu du bon travail et nous nous sommes beaucoup renforcés, nous avons des bases solides avec des pilotes expérimentés pour toute la saison. Mais non, je ne veux pas tout rejeter la faute sur moi-même. Tout ne dépendra pas de moi. Hirschi, Trentin, ça dépend aussi d’eux. Nous avons une super équipe, il y a beaucoup à faire. Si je peux contribuer à ce que nous soyons là, je serai heureux et je ferai de mon mieux, comme d’habitude.
Quid de la concurrence avec Marc Hirschi, autre recrue Tudor au profil très similaire au vôtre ?
C’est une bonne chose d’avoir deux options comme Marc et moi pour les courses. Nous ne sommes pas dans la lutte et je serai très heureux de le voir atteindre ses objectifs. Je veux que l’équipe réussisse. C’est notre objectif. Je le connais bien depuis des années. Il est très fort, nous avons eu beaucoup de batailles pendant la course, mais nous avons bien discuté du projet. Nous sommes tous les deux heureux d’être là. La priorité, c’est l’équipe.
Mais aimez-vous toujours être le leader ?
J’adore ça, mais j’aime aussi aider mes coéquipiers à réussir. Je n’ai jamais été frustré de voir mes coéquipiers être meilleurs que moi. C’est la vie, il faut y faire face. J’ai l’impression d’avoir ici l’espace pour être un leader. Mais je travaillerai pour les autres si nécessaire.
Quelles sont les différences de travail que vous avez déjà constatées par rapport à votre aventure chez Quick-Step ?
Je ne suis pas là pour comparer. J’étais très heureux là-bas et aujourd’hui je suis là et c’est super. Tout est nouveau : le staff, les coéquipiers, le matériel et j’adore ça. Le staff travaille très dur pour nous permettre de préparer au mieux la saison, c’est aussi la raison pour laquelle je suis là. Je me sens bien. Tout est différent de Quick-Step mais je ne veux pas comparer. C’était le bon moment pour partir. J’ai eu beaucoup d’émotions et j’avais l’impression qu’il était temps de vivre quelque chose de nouveau. Et c’est un grand défi de faire partie d’une jeune équipe.
En 11 ans de cyclisme chez les pros, quel est pour vous le plus grand changement ?
Dans le peloton, il y a moins de place à la joie, au bonheur et à l’instinct. Tout est question de calculs et de données de puissance. Il y a des gars qui finissent la course en regardant leurs watts, leurs records, mais qui ne s’intéressent pas à la course, à ce qui s’est passé pendant la course. Pour moi, ce n’est pas ça le cyclisme.
Mais êtes-vous toujours heureux de courir ?
Le plus important pour moi c’est de rester moi-même. Beaucoup de choses ont changé, parfois pour le mieux, mais il faut évoluer avec son temps. Je ne suis pas en colère contre le cyclisme d’aujourd’hui, je l’apprécie simplement. Les données ont pris beaucoup d’importance, mais j’aime continuer à courir à l’instinct. Je ne regarde pas les données. Parfois oui, mais j’écoute beaucoup mon ressenti.
Vous sentez-vous plus sage qu’au début ?
Non mais plus les années passent, on sent que c’est plus dangereux et les coureurs prennent de plus en plus de risques. Je ne me sens pas en insécurité, mais c’est vrai qu’on prend trop de risques. Il y a beaucoup à faire en matière de sécurité. Nous voulons contribuer à rendre le cyclisme moins dangereux parce que nous voulons le meilleur pour notre sport. Il s’agit d’un problème énorme et nous ne pouvons pas le résoudre simplement par la discussion. J’espère que ça ira de mieux en mieux.
Cette aventure chez Tudor est-elle le dernier chapitre de votre carrière ?
Je n’y pense pas. Je reste concentré sur les saisons à venir. Je suis ici depuis 3 ans, ils me font confiance et veulent travailler avec moi. C’est un projet à long terme mais c’est sûr que j’aurai 35 ans à la fin de mon contrat. Je serai déjà heureux si je continue à bien performer à cet âge.
Arnaud Souque, à Teulada (Espagne)