Le combat des militants algériens des droits de l’homme continue. Non plus de Tizi-Ouzou, Béjaïa ou Tamanrasset, mais de Paris. Dissoute en catimini en juin 2022 par le tribunal administratif d’Alger – une décision dont les autorités ont eu connaissance sept mois plus tard – la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH) a été « réactivé sous une forme juridique différente depuis l’étranger »annoncé à Monde membres de l’organisation, aujourd’hui en exil en France.
Ce dernier a déposé le 29 octobre les statuts d’une nouvelle association, dénommée « Collectif pour la protection de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme » (CS-LADDH), à la préfecture de Seine-Saint-Denis, afin de continuer à dénoncer l’arbitraire en Algérie.
« Nous délocalisons la lutte en France afin de poursuivre notre mission de résistanceinsiste son président, Adel Boucherguine. Nous n’allons pas laisser le régime de notre pays tranquille. » Même lorsqu’il annonce des gestes de“apaisement”, À l’image de la grâce, le 25 décembre, de 2 471 détenus par le président algérien Abdelmadjid Tebboune, la méfiance demeure. “Nous ne faisons pas confiance à ce régime”explique M. Boucherguine.
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Pour ce journaliste de 38 ans, réfugié politique en France, il s’agit de continuer à documenter la répression qui vise les voix dissidentes : militants démocrates, partisans du Hirak, du soulèvement populaire de 2019, ou encore journalistes.
La diaspora « dans son rôle historique »
« Il n’y a plus de témoin de l’arbitraire en Algérieassure Aissa Rahmoune, directrice exécutive de l’association et désormais réfugiée politique en France. Pour un like [sur les réseaux sociaux] ou un poème, vous pouvez aller en prison. La peur est omniprésente. » Pour cet avocat, vous devez être “la voix de ceux qui ne peuvent plus rien dire”. « Depuis Paris, on peut alerter l’opinion algérienne et internationale sans rien risquer, tout en poussant les autorités à respecter les traités qu’elles ont signés »insiste-t-il.
Pour y parvenir, le CS-LADDH compte s’appuyer sur le réseau de la Ligue, “devenu illégal en Algérie”. Créée en 1985, cette dernière était une organisation emblématique de la société civile. Il a survécu à toutes les convulsions politiques du pays, y compris la « décennie noire » des années 1990. Depuis le Hirak, il est devenu la cible privilégiée des partisans de la restauration autoritaire en cours en Algérie.
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Plusieurs de ses dirigeants, comme son vice-président Kaddour Chouicha, ont été poursuivis pour avoir participé au soulèvement pacifique et critiqué le gouvernement. D’autres membres de l’organisation ont été reconnus coupables et sont en détention. « Même Abdelaziz Bouteflika [président algérien de 1999 à 2019] et le général Toufik, tout-puissant chef du renseignement [de 1990 à 2015], n’avait pas osé dissoudre la Liguerappelle Adel Boucherguine, cela a toujours été toléré. Aujourd’hui, le pays a sombré dans une répression totale. »
Le CS-LADDH a également une autre ambition : rassembler d’autres organisations algériennes de défense des droits humains basées à l’étranger. « La diaspora est encore le seul élément qui échappe au régime et lui résiste »notes Ali Ait Djoudi, president of the Riposte International association.
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« Elle est dans son rôle historiquesouligne le militant Saïd Salhi, réfugié en Belgique et ancien vice-président de la LADDH. Dans les moments difficiles de la guerre d’Algérie [1954-1962]la diaspora a pris le relais et permis au mouvement national de sortir victorieux. Espérons que, comme par le passé, cette mobilisation apportera un changement durable pour l’Algérie. »