les vrais résultats de François Bayrou dans l’Éducation nationale – L’Express

les vrais résultats de François Bayrou dans l’Éducation nationale – L’Express
les vrais résultats de François Bayrou dans l’Éducation nationale – L’Express

« Vous savez que c’est moi qui ai fait refaire la cheminée », raconte François Bayrou à Jean-Michel Blanquer lors de son arrivée rue de Grenelle, en 2017. « Merci François. Grâce à vous, « j’aurai moins froid dans ce grand bureau », rétorque l’ancien ministre en racontant la scène dans son livre. La Citadelle (Albin Michel, 2024), ironisant sur celui qui vient d’être nommé Premier ministre : « Je sentais qu’il attendait une reconnaissance encore plus grande pour un tel accomplissement ». Plus récemment, il y a un an, le maire de Pau a failli retrouver son grand bureau de l’Hôtel de Rochechouart et sa chaleureuse cheminée. Autrefois pressenti pour devenir ministre de l’Éducation nationale dans le gouvernement Attal, il a lui-même mis fin à cette possibilité le 8 février 2024, arguant « d’une différence d’approche sur la méthode à suivre qui [lui paraissait] paralysant. » “J’étais convaincu qu’on pouvait redresser l’Éducation nationale en quelques années, mais cela nécessite un choix politique qui est de le faire avec les enseignants et les autres acteurs de l’école”, explique-t-il sur Info.

« Concertation » était le maître mot de Bayrou lors de son passage rue de Grenelle entre 1993 et ​​1997. Pour le meilleur… ou pour le pire ? Certains, comme le haut fonctionnaire Bernard Toulemonde, qui a travaillé dans plusieurs cabinets ministériels, le qualifient de « fin renard politique » qui n’a « fait qu’une bouchée du Snes (NDLR : syndicat majoritaire des enseignants) » pour racheter une forme de la paix sociale. Tandis qu’Alain Boissinot, qui fut à l’époque son conseiller puis son directeur des lycées et collèges, vante sa capacité à consulter dans tous les sens, le meilleur moyen selon lui « d’apaiser le milieu pédagogique et de travailler de manière beaucoup plus sereine ». que ces derniers mois. Un coup d’œil dans le rétroviseur et un examen de sa méthode donnent une idée de la manière dont le Premier ministre François Bayrou pourrait influencer son futur ministre de l’Éducation.

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Lors de la passation du pouvoir avec Michel Barnier le 13 décembre, le nouveau chef du gouvernement n’a pas manqué d’évoquer la question de l’école, dont, dit-il, « je m’en suis occupé pendant des années et qui n’a cessé d’être un élément fixe ». moment de ma vie. « Il n’y a rien d’étonnant à ce qu’il mette en avant sa seule véritable expérience ministérielle [NDLR : François Bayrou fut aussi un éphémère ministre de la Justice en 2017]. Une manière de rappeler qu’il n’arrive pas sans aucune connaissance», note Christian Chevalier, ex-secrétaire général du SE-Unsa. Autre signal intéressant, Nicolas Pernot, son nouveau directeur de cabinet, était son collaborateur au ministère de l’Éducation nationale il y a trente ans. Le fait que François Bayrou soit lui-même diplômé des lettres classiques signifie qu’il sera forcément attentif « non seulement à l’école mais à la condition d’enseignement », selon Dominique Antoine, qui l’a également fait. fait partie de son bureau à l’époque : « Il a toujours joué cette carte avec la communauté éducative à qui il dit en substance : ‘Je suis l’un d’entre vous’ », poursuit ce dernier.

« Une formidable claque » à peine arrivée

Pourtant, lors de ses premiers pas rue de Grenelle, François Bayrou retourne contre lui une partie des enseignants et de l’opinion publique en soutenant la réforme de la loi Falloux, dont le texte, daté de 1850, interdit aux collectivités locales de contribuer à hauteur de plus de 10 % à l’économie. les dépenses de fonctionnement des collèges et lycées privés sous contrat. L’idée était de lever cette mesure pour augmenter les subventions qui leur sont allouées. Mais une grande manifestation en défense des écoles laïques a rassemblé 600 000 à 1 million de personnes dans la rue et la tentative a tourné court. « Une formidable gifle pour François Bayrou. Les commentateurs avaient alors prédit sa mort politique », se souvient Bernard Toulemonde. La question de la concurrence éducative entre public et privé récemment réactivée par les élus de gauche reste aujourd’hui un sujet sensible. “Je pense qu’il ne s’y risquera plus et qu’il tentera d’éviter soigneusement cette question à l’avenir”, estime Christian Chevalier.

L’ancien ministre de l’Éducation tirera les leçons de cet épisode en faisant du dialogue social le préalable à toute réforme. « En septembre 1994, il a prouvé son attachement au principe de laïcité française en publiant une circulaire sur l’interdiction des signes religieux ostentatoires dans les établissements scolaires qui a ouvert la voie à la loi de 2004 », rappelle Dominique Antoine. Et ses défenseurs mettent également à son actif une réécriture des programmes scolaires du primaire et du collège, la mise en place d’un stage en entreprise pour tous les élèves de 3e, l’introduction d’une langue vivante dès l’école primaire et d’une deuxième langue vivante dès la 4e. , la réforme des classes préparatoires aux grandes écoles ou encore la création du Conseil national de la vie lycéenne.

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« Dans le cadre de ce qu’il appelle son « nouveau contrat pour l’école », j’ai mené sous sa direction une réforme du collège dans un esprit très différent du « Choc des savoirs » de Gabriel Attal, moins directif et beaucoup plus respectueux de l’autonomie des établissements », précise Alain Boissinot. Mise en place de cours de soutien, d’activités de tutorat, d’enseignements interdisciplinaires… « Nous avons souhaité tester ces mesures au préalable en passant par une phase d’expérimentation », rappelle Alain Boissinot. “Un bon moyen de contourner toute éventuelle mécontentement du terrain”, raillent ses détracteurs qui évoquent “un coup d’épée dans l’eau” depuis Claude Allègre, qui prendra la relève en 1997, et dont la méthode “plus musclée” sera aux antipodes pour celui de Bayrou, donnera la priorité aux lycées.

La position de François Bayrou sur les groupes de besoin, l’une des mesures phares annoncées par Gabriel Attal le 5 décembre 2023, est aujourd’hui très attendue. Le 28 novembre, le Conseil d’État a estimé qu’« une telle réforme doit faire l’objet d’un décret du Premier ministre et non d’un simple arrêté du ministre de l’Éducation nationale » sous peine d’être suspendue. à la rentrée 2025. « Mais il est fort probable que François Bayrou veuille laisser la liberté aux établissements de choisir l’organisation qu’ils souhaitent. Lui-même ne semble pas favorable à une séparation forcée des étudiants en groupes différents », souligne son entourage proche. Cependant, l’ancien ministre a dénoncé par le passé le principe du collège unique, qu’il a rebaptisé « collège injuste » dans le programme. L’heure de vérité en 1993. « Il s’avère qu’il y a un grand nombre d’étudiants qui n’arrivent pas à suivre et, honteusement à mes yeux, quelle est la seule réponse qu’on leur donne ? On les fait monter de classe en classe. On ne parvient pas à rattraper leurs difficultés (…) et ces élèves sont finalement perdus”, arguait-il alors. Autre dossier qui préoccupe le milieu éducatif : les suppressions de postes d’enseignant annoncées pour la prochaine rentrée scolaire. « Nul doute que François Bayrou portera un regard le plus favorable possible sur le budget de l’Éducation nationale. Mais nous savons tous que les contraintes actuelles sont redoutables », poursuit Alain Boissinot.

Bernard Toulemonde, de son côté, ne miserait pas sur des réformes en profondeur. “Rappelons que les dirigeants du Snes, à l’époque, avaient obtenu de lui la suppression de toutes les réformes initiées par ses prédécesseurs Lionel Jospin et Jack Lang et qui ne leur plaisaient pas”, insiste-t-il. Et l’ancien recteur cite en exemple le « test professionnel » mis en place dans le cadre des concours des enseignants sous Jospin et destiné à évaluer l’attitude des enseignants et la manière de communiquer avec les élèves. « Les syndicats y étaient très opposés car la seule chose qui leur importait était la maîtrise des connaissances. François Bayrou l’a donc annulé», explique Bernard Toulemonde. Jean-Michel Blanquer ne retient pas non plus ses coups dans son livre La Citadelle. « Bayrou tire de cette période l’idée qu’il connaît mieux que quiconque le monde de l’enseignement », dit-il. «Ses opinions se limitent généralement à des conseils de prudence. Sa vision de l’éducation rejoint ainsi sa vision politique générale « De grands principes sont affichés, comme l’équilibre budgétaire ou le retour de l’autorité. Mais dès qu’il s’agit de travaux pratiques, il s’agit plutôt de compromis, de pause ou d’exception.» A voir si trente ans plus tard, son regard sur l’éducation aura évolué et surtout quel ministre il choisira pour ce poste. Le sixième en moins de trois ans à s’asseoir au coin du feu dans les bureaux de l’hôtel Rochechouart.

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