Dans Soumissionle romancier imaginait que « ce vieil homme politique béarnais » était désigné par un président islamiste, élu en 2022 grâce à une improbable alliance des partis traditionnels avec un « Front musulman ».
François Bayrou était déjà le premier ministre… de Michel Houellebecq. Le 7 janvier 2015, l’auteur que beaucoup qualifient de prophète a publié Soumission un roman de politique-fiction dans lequel il imagine l’islamisation progressive de la France. En 2022, ce dernier aurait porté au pouvoir un dénommé Ben Abbes, issu du parti de « Frères musulmans »porté au pouvoir par une coalition de partis traditionnels pour empêcher la montée du Rassemblement national. Mais la condition de ce soutien de l’arc républicain, combinant la gauche, le centre et la droite, était la nomination d’un premier ministre issu de leurs rangs : François Bayrou.
Faisant étrangement écho à l’effervescence de ces derniers jours, Michel Houellebecq décrit dans ses pages l’émoi médiatique suscité par une alliance aussi inattendue. « L’information tombe en effet peu après 14 heures : l’UMP, l’UDI et le PS s’étaient mis d’accord pour conclure un accord de gouvernement, un « front républicain élargi », et se ralliaient au candidat des Frères musulmans. Surexcités, les journalistes des chaînes d’information se sont relayés tout l’après-midi pour tenter d’en savoir un peu plus sur les conditions de l’accord et la répartition des ministères, s’attirant à chaque fois les mêmes réponses sur la vanité des considérations politiques, l’urgence de l’unité nationale et panser les blessures d’un pays divisé, etc.
“Return of François Bayrou”
« Tout cela était parfaitement attendu, prévisible ; ce qui l’était moins, c’était le retour de François Bayrou sur le devant de la scène politique. Il avait en effet accepté un ticket avec Mohammed Ben Abbès : ce dernier s’était engagé à le nommer premier ministre s’il sortait vainqueur de l’élection présidentielle. poursuit l’écrivain à la page 150 du roman.
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Il dresse alors un portrait moqueur de notre actuel premier ministre. « Le vieil homme politique béarnais, battu dans pratiquement toutes les élections auxquelles il s’est présenté depuis une trentaine d’années, a travaillé à cultiver une haute image, avec la complicité de divers magazines ; c’est-à-dire qu’il était régulièrement photographié, appuyé sur un bâton de berger, vêtu d’une cape façon Justin Bridou, dans un paysage mixte de prairies et de champs cultivés, généralement dans le Labourd. L’image qu’il cherchait à véhiculer dans ses multiples interviews était celle du gaulliste qui disait non.»
“Il se prend pour Henri IV”
Dans un autre extrait où Michel Houellebecq ne cesse d’ironiser sur son retour en politique, le maire de Pau est également qualifié de “parfaitement stupide” à travers un personnage. Le protagoniste, François, professeur de littérature française à la Sorbonne et spécialiste du romancier du XIXe siècle Joris-Karl Huysmans, rencontre Alain Tanneur, un agent des renseignements généraux prêt à prendre sa retraite. Ce dernier précise alors : « Ce qui est extraordinaire chez Bayrou, ce qui le rend irremplaçable, c’est qu’il est parfaitement stupide, son projet politique s’est toujours limité à sa propre volonté d’accéder à la fonction suprême par tous les moyens, comme on dit ; il n’a jamais eu, ni même feint, d’avoir la moindre idée personnelle ; À ce stade, c’est encore assez rare. Cela fait de lui l’homme politique idéal pour incarner la notion d’humanisme, d’autant plus qu’il se considère Henri IV et pour un grand pacificateur du dialogue interreligieux ; il jouit également d’une excellente cote auprès de l’électorat catholique, rassuré par sa bêtise”.
« Une opération commerciale soigneusement organisée »
Par coïncidence, le jour même de la parution du livre en 2015, François Bayrou était l’invité politique de Radio France. Il a alors réagi à “trois ou quatre paragraphes” dédié “à ma personne modeste et qui me décrit comme un perdant pour simplifier”. « Le sujet dont nous parlons est une opération commerciale soigneusement organisée, chapeau bas à Flammarion !il a fustigé. “C’est conçu pour vendre selon une recette éprouvée qui est : créons un scandale, une polémique, surfons sur les sujets les plus chauds, les plus agressifs”il a dénoncé.
À peine quelques heures plus tard, un premier parallèle interprété par beaucoup comme prophétique se réalisait. Alors que l’écrivain n’avait pas imaginé un attentat en Soumissionla rédaction de Charlie Hebdo, qui avait fait sa Une sur Houellebecq déguisée en « mage prophète » âgé et édenté, fut décimé par les frères Kouachi.