le dilemme des socialistes face à Bayrou

le dilemme des socialistes face à Bayrou
le dilemme des socialistes face à Bayrou

CC’était en 2012. À l’époque où l’UMP et le PS régnaient encore comme des monstres sacrés de la politique française. A l’époque, François Bayrou se cantonne au rôle d’arbitre de luxe. Et ce jour de mai, le Béarnais avait décidé, quelques heures après un déjeuner avec sa garde rapprochée dans le très chic 7e Quartier parisien, à deux pas du siège du MoDem, pour donner un gros coup de pouce à l’équipe de gauche. “Le reste reste le vote pour François Hollande, c’est le choix que je fais”, a ouvert le leader centriste, en costume gris devant un pupitre orange, à l’entre-deux tours de l’élection présidentielle, dans un discours qui allait exaspérer Nicolas. Sarkozy.

Le bulletin politique

Tous les lundis à 11h30

Recevez en avant-première les informations et analyses politiques de la rédaction du Point.

Merci !
Votre inscription a été prise en compte avec l’adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisation et notre politique de confidentialité.

Douze ans plus tard, la situation s’est presque inversée. C’est François Bayrou qui arrive à Matignon ce 13 décembre et la gauche qui se retrouve dans une position stratégique pour faire, ou non, un joli cadeau à l’ancien ministre de la Justice d’Emmanuel Macron. Or, comme il n’y a pas de dette en politique, ce dernier ne semble pas, à première vue, réellement déterminé à se faciliter la tâche à tout prix. “Ce n’est pas un parti”, euphémisé cet après-midi un collaborateur socialiste, en tête des discussions internes.

Les Insoumis s’insurgent

Sans surprise, dès la confirmation de la nomination du maire de Pau à Matignon, après une matinée dantesque marquée par des rumeurs contradictoires, plusieurs personnalités de l’aile la plus à gauche du Nouveau Front populaire (NFP) se sont précipitées pour lui adresser une série de fléchettes. “C’est un nouveau bras d’honneur contre la démocratie”, a réagi Manuel Bompard, le leader des Insoumis, tandis que Paul Vannier, proche de Jean-Luc Mélenchon, en profite pour pousser une nouvelle fois à une éventuelle démission du président de la République : « Macron ne se soucie que de Bayrou. Le compte à rebours avant sa chute est lancé. »

Aucun socialiste ne participera au gouvernement mais nous ne censurons pas a priori.Laurent Baumel

S’ils ne parlent pas explicitement de censure de principe, les écologistes ne se sont pas non plus montrés tendres envers le Haut-commissaire au Plan. « Ce n’est plus de la politique, c’est du mauvais théâtre de boulevard », écrit Marine Tondelier. Dans un communiqué amer, le groupe écologiste à l’Assemblée a appelé, sans vraiment y croire, François Bayrou à prendre en compte « les propositions issues du débat parlementaire ». Un son proche de celui du PCF. « Nous jugerons sur les preuves mais nous n’attendons pas de François Bayrou qu’il mène une politique de gauche parce que ce n’est pas un homme de gauche », résume, amèrement, Cécile Cukierman, la patronne des sénateurs communistes. Nous restons dans une position qui n’est ni a priori ni optimiste non plus. »

L’entre-deux socialiste

En réalité, c’est surtout vers les socialistes que tous les regards sont tournés. Avec leurs 66 sièges au Palais-Bourbon – et à condition que la droite républicaine ne censure pas non plus – ceux-ci peuvent à eux seuls permettre à François Bayrou de ne pas voir, comme Michel Barnier, son destin lié aux bonnes grâces du Rassemblement national. Pourtant, ces derniers jours, les signaux envoyés n’étaient pas d’amour inconditionnel. Loin de là. Sur BFMTV mercredi, Olivier Faure s’est montré catégorique : François Bayrou, incarnant la « continuité » du macronisme, « ne pouvait pas » être Premier ministre. «Bayrou, c’est Barnier bis», s’étranglait le même jour un député PS de premier plan, pourtant peu connu pour refuser les compromis. Les instances dirigeantes socialistes avaient même pris soin de rappeler, comme l’a révélé Le Figaroque si l’un d’eux entrait dans un gouvernement « non-gauche », il serait exclu du parti manu militari.

A LIRE AUSSI “Les ennuis commencent” : le PS dans le piège de la motion de censureCe vendredi, les socialistes étaient en plein bureau national lorsqu’ils ont appris la nomination du Béarnais. Et, selon plusieurs participants, tout le monde s’est rapidement mis d’accord sur la marche à suivre : pas de participation au gouvernement, mais aussi pas, contrairement aux Insoumis, de censure a priori. “Nous n’approuvons pas la nomination de François Bayrou, nous la percevons comme une forme de déni démocratique de la part d’Emmanuel Macron”, résume le député Laurent Baumel à Indiquer. Aucun socialiste ne participera au gouvernement, mais nous ne censurons pas a priori. François Bayrou devra nous montrer sa disponibilité pour des changements de cap importants. » Une sorte d’entre-deux pour se donner un parfum de responsabilité en période d’incertitude politique, sans se fondre dans les béquilles du macronisme.

-

Quelles sont les conditions de non-censure ?

Dans cette tentative acrobatique de recherche d’un équilibre, il est néanmoins difficile de savoir à quel degré de flexibilité les socialistes seront préparés lors des négociations. Parmi les conditions d’une éventuelle grâce, ils exigent notamment que le Premier ministre renonce au recours au 49.3. Mais pas seulement. “S’il ne nous donne rien en termes de retraites, de pouvoir d’achat et qu’il annonce une loi sur l’immigration, nous irons à la censure”, prévient un ténor. Les relations entre le Béarnais et les troupes de Marine Le Pen seront également scrutées avec attention. « Avec Bayrou, ce sera un gouvernement macroniste », estime un proche d’Olivier Faure. La question est : « Est-ce que ce sera un gouvernement macroniste qui aura une préférence pour le RN ou le Front républicain ? »

Dans un communiqué publié cet après-midi, la présidente de la région Occitanie Carole Delga, opposante notoire à Olivier Faure, s’est montrée un peu plus conciliante, regrettant qu’Emmanuel Macron « refuse de nommer un Premier ministre de gauche », mais appelant à du « front républicain » pour « travailler dans un esprit collectif ». Sur Sud Radio ce matin, le maire de Saint-Ouen Karim Bouamrane est allé encore plus loin, critiquant la position sur l’exclusion de tout socialiste qui participerait à un gouvernement qui n’est pas de gauche, avant même la nomination du Premier ministre. « Il n’a aucune influence dans le parti », répond notre proche Olivier Faure. Bayrou peut tenter d’accrocher un élu local mais ce n’est pas cela qui donnera de la couleur au nécessaire changement de cap. »

A LIRE AUSSI Dominique Potier (PS) : « La stratégie de Jean-Luc Mélenchon ne nous oblige en rien » Si le PS est resté plutôt uni depuis la censure, le bloc central aura sans doute l’œil sur d’éventuelles fissures internes lorsque les discussions sur les lignes rouges seront plus concrètes ou, a fortiori, en cas de braconnage à grande échelle. Le parti rose, fondamentalement soucieux de ne pas apparaître comme le fossoyeur du PFN, sera très attentif à l’évolution du positionnement des écologistes et des communistes. « Ça va être le bordel encore quelques jours », prédit un stratège qui connaît bien la gauche.

Le MoDem le rouge ?

Signe que le nouveau Premier ministre sait qu’il navigue dans des eaux agitées, il est resté très vague sur ses orientations politiques lors de son discours de passation de pouvoir. Tout au plus, François Bayrou a évoqué son passage à l’Éducation nationale, thème cher à la gauche, et a appelé à la « réconciliation » du pays.

Ces derniers mois, le MoDem avait envoyé quelques signaux à bâbord. Sans s’opposer directement au texte sur les retraites, François Bayrou a lui-même estimé par la suite qu’« une autre réforme était possible ». Lors des discussions budgétaires du second mandat de Macron, les députés de gauche et le MoDem se sont même trouvés alliés de circonstance sur certains amendements sur la fiscalité. Jean-Paul Mattei, patron du groupe Orange jusqu’à l’été dernier, avait même acquis le surnom d’« insoumattei » à gauche pour sa volonté de taxer les superprofits.

A LIRE AUSSI « Le Parti socialiste avance sans stratégie »
À découvrir


Kangourou du jour

Répondre

Un ancien membre du groupe MoDem s’empresse de nuancer : « Bayrou a une fibre sociale, mais il ne faut pas oublier que son obsession, c’est la dette. Et Mattei est un notaire provincial qui a milité pour la jeunesse giscardienne ! » Vice-président du MoDem lors de l’élection présidentielle de 2012, désormais partisan du NFP, l’écologiste Jean-Luc Bennahmias ajoute : « Bayrou est un homme de centre droit, cherchez la gauche au MoDem, ce n’est pas le cas. facile! »

En annonçant son vote pour François Hollande en 2012, le Béarnais prévenait : « Je ne suis pas et je ne deviendrai pas un homme de gauche, je suis un homme de centre et je compte le rester. » Reste à définir le centrisme.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

-

NEXT Michelle Buteau fustige Dave Chappelle pour ses blagues anti-trans dans une émission spéciale Netflix